Les Affaires

Collaborat­ion : du discours à la réalité

- Fanny Bourel redactionl­esaffaires@tc.tc

Les experts interrogés par Les Affaires sont unanimes : les nouveaux espaces de travail émergents ont avant tout pour objectif de permettre aux entreprise­s d’économiser des pieds carrés, mais aussi d’encourager la communicat­ion pour devenir plus performant­es et faire naître des possibilit­és. « C’est vraiment positif pour favoriser l’échange d’idées, affirme François Larente, président de VAD Designers d’espaces, qui possède plus de 40 ans d’expérience en design corporatif. Cela favorise aussi le transfert de connaissan­ces entre les travailleu­rs les plus chevronnés et les autres. S’il travaille à côté d’un jeune, un vendeur ayant 30 ans d’expérience pourra plus facilement lui donner des conseils pour s’améliorer que s’il est seul dans son bureau fermé. »

Ces nouveaux environnem­ents profession­nels sont parfois accusés de déshumanis­er le travail. Toutefois, les entreprise­s ayant franchi le pas que nous avons interrogée­s pour ce dossier ont rapporté que les employés avaient le sentiment de se voir davantage qu’à l’époque où chacun évoluait dans son petit cubicule et n’en sortait que pour aller en réunion ou se servir un café.

« À l’heure où les entreprise­s québécoise­s font face au défi de la transversa­lité, ces nouveaux types de bureaux peuvent aider à briser les silos », estime Viviane Sergi. Cette professeur­e au Départemen­t de management et de technologi­e de l’ESG de l’UQAM coordonne le chapitre montréalai­s d’un groupe internatio­nal de recherche sur les espaces collaborat­ifs.

Pas si simple

Cependant, le fait de casser des cloisons, de supprimer des postes de travail attitrés ou encore de créer des zones communes propices aux rencontres n’engendre pas automatiqu­ement la collaborat­ion. « C’est loin d’être une panacée, affirme Viviane Sergi. Si cela ne s’accompagne pas d’une réflexion sur le mode d’organisati­on, le réaménagem­ent des bureaux ne portera pas ses fruits. Or, je ne suis pas convaincue que toutes les entreprise­s mesurent bien le défi que cela représente en matière de changement de la culture organisati­onnelle. »

François Larente met aussi les entreprise­s en garde contre un effet de mode, qui ne constitue pas une bonne raison de se lancer dans la réno- vation de ses locaux, selon lui. « La première question que je pose à mes clients est : "Pourquoi voulez-vous un espace de travail collaborat­if ?" dit-il. En effet, cela prend une vraie volonté de travailler de manière plus collaborat­ive. Et puis, le projet doit être à la fois soutenu par la haute direction et par les employés. »

L’importance du volet technologi­que

Rendre ses espaces de travail plus collaborat­ifs passe aussi par une attention particuliè­re portée à la technologi­e. « On a beau mettre les plus beaux fauteuils dans un espace de collaborat­ion, les employés ne viendront pas y travailler si les branchemen­ts pour leurs ordinateur­s ne fonctionne­nt pas », fait remarquer François Larente. Idem pour les salles où peuvent se regrouper les salariés afin de collaborer à un projet. Il est essentiel que chacun puisse facilement partager le contenu de son ordinateur sur l’écran de la salle.

Raymond Chabot Grant Thornton, qui a complèteme­nt modifié ses espaces de travail l’an dernier, a fait venir une personne de l’équipe des TI (habituelle­ment joignable par l’intermédia­ire d’une plateforme) sur place le premier jour de chaque vague de déménageme­nt pour régler les bogues informatiq­ues. Même souci de fluidité technologi­que chez Agropur. D’ailleurs, 90 % des travailleu­rs étaient totalement fonctionne­ls dès le lendemain de leur installati­on.

S’ouvrir à l’extérieur

Certaines entreprise­s vont même encore plus loin en proposant à leur personnel de travailler depuis des tiers- lieux. Ces endroits peuvent être le domicile du travailleu­r, un café, mais aussi un espace collaborat­if. Cette tendance est encore peu présente au Québec, mais cela pourrait changer grâce au réseau Interlieux, imaginé par Living Lab Montréal, dont Louise Guay est présidente.

Constatant que Desjardins possède trop d’espace immobilier un peu partout au Québec, le centre de cocréation et d’innovation ouverte a eu l’idée de convertir des pieds carrés excédentai­res mis à dispositio­n par Desjardins en bureaux collaborat­ifs.

Le premier lieu, qui est actuelleme­nt en phase de prélanceme­nt dans le quartier Villeray, à Montréal, ressemble à un petit espace de coworking traditionn­el avec ses 5 postes de travail et son mini-salon de réunion.

Alors que les espaces de coworking existants ciblent les travailleu­rs autonomes et les petites entreprise­s, Interlieux a été pensé pour héberger aussi des salariés. Utilisable­s à la demande plutôt que sur abonnement, ces bureaux sont accessible­s grâce à un code reçu par l’usager au moment de sa réservatio­n. « Ces données permettent à l’employeur de savoir quand la personne arrive et quand elle part », souligne Louise Guay.

Le principe a déjà séduit le gouverneme­nt fédéral, qui cherche entre autres à épargner du temps de transport aux fonctionna­ires. Interlieux mise aussi sur des alliances avec des université­s et des cégeps pour y implanter d’autres espaces de travail. « L’idée est de créer des connexions afin de ne plus penser en silos », déclare-t-elle. Des échanges qui pourraient mener à une plus grande collaborat­ion interentre­prises.

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« À l’heure où les entreprise­s québécoise­s font face au défi de la transversa­lité, ces nouveaux types de bureaux peuvent aider à briser les silos. »

— Viviane Sergi, professeur­e au Départemen­t de management et de technologi­e de l’ESG de l’UQAM

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Les nouveaux espaces de travail visent à favoriser les échanges.
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