Les Affaires

Changement de garde et fin d’une époque chez Bombardier

Rona: précisions

- Chronique

C’est un événement véritablem­ent historique dont il ne faut pas minimiser la significat­ion.

Pour la première fois depuis la naissance de l’Autoneige Bombardier inc. en 1942, l’entreprise fondée par Joseph-Armand Bombardier n’est plus dirigée par un membre de la famille.

Laurent Beaudoin a pris la relève de son beau-père en 1966 et il est demeuré en poste pendant près d’un quart de siècle avant de remettre en 1999 la présidence entre les mains de Robert Brown, puis de Paul Tellier, tout en devenant président « exécutif » du conseil.

C’est le titre dont a hérité son fils, Pierre Beaudoin, lorsqu’il a laissé son titre de PDG au moment de l’entrée en poste d’Alain Bellemare en 2015. Il demeurait ainsi associé à la gestion immédiate de l’entreprise. Il ne l’est plus.

Le 11 mai, le matin même de l’assemblée annuelle des actionnair­es que bien des gens prévoyaien­t houleuse – mais qui a plutôt été longue et sans véritable éclat –, on apprenait qu’il allait dorénavant se cantonner dans un rôle plus traditionn­el de président du conseil. Avec la pression qui ne cessait de s’intensifie­r, avec des appels répétés de grands investisse­urs institutio­nnels réclamant son départ, sa position devenait intenable.

Désormais, Alain Bellemare et ses gens de la haute direction ont, en principe, les coudées franches. Finie, la direction bicéphale. Oui, la famille a toujours le contrôle avec 53 % des droits de vote. Oui, 5 de ses membres siègent toujours sur le conseil d’administra­tion, qui en compte 15. Oui, son influence demeure grande. Toutefois, si on s’en tient au strict rôle de gouvernanc­e d’un conseil, une page vient véritablem­ent d’être tournée.

Désormais, la grande question devient : est-ce que Bombardier peut retrouver sa stature, qui s’est émoussée avec le temps ? Et peut-elle rassurer ses actionnair­es, ses employés et le Québec tout entier, sans parler du Canada anglais, résolument sceptique ?

Tel est l’enjeu final. Au-delà de la controvers­e causée par la maladroite politique de rémunérati­on des hauts dirigeants, il faudrait maintenant que le regard se porte droit devant. Et que Bombardier atteigne ses ambitieuse­s cibles de revenus, revenus qui sont censés passer de 16 milliards de dollars en 2016 à 25 milliards en 2020.

Ce bond impression­nant assurerait le redresseme­nt de l’entreprise et soutiendra­it les hausses de rémunérati­on qui ont tant fait gronder au Québec, hausses maintenant liées en bonne partie à l’atteinte de ces résultats.

À cet égard, permettez-moi deux remarques sur la façon dont on a légitimé, lors de l’assemblée, cette politique qui a déclenché la colère au Québec.

De façon doctorale, Jean Monty est venu au micro en présenter les paramètres objectifs. C’était son rôle, comme administra­teur – sortant – et président du comité des ressources humaines et de la rémunérati­on.

M. Monty, ancien président de BCE, est un aristocrat­e du milieu des affaires au Québec. Et on percevait son impatience quand il a dû expliquer aux actionnair­es (dont plusieurs étaient mécontents, si on se fie aux questions posées) comment on en était arrivé à ces montants. Son ton ne faisait que renforcer l’impression d’une fracture entre la base et la haute direction.

Et je vais longtemps revoir ce point de presse impromptu accordé par Laurent Beaudoin à la suite de l’assemblée. Toujours imposant, même s’il est plus frêle à 78 ans, le patriarche de Bombardier s’est poliment prêté aux questions des journalist­es qui se pressaient autour de lui, même si on sentait chez lui une certaine rancoeur.

Pour lui, le dérapage sur l’enjeu de la rémunérati­on vient essentiell­ement d’un problème de communicat­ion. Admettons. Toutefois, et c’est plus embêtant, il a rappelé que le contrôle familial de Bombardier avait assuré à ce jour le maintien de l’entreprise au Québec.

Ce qui donnait encore plus de poids à une remarque que m’a plus tard faite Michel Nadeau, directeur général de l’Institut sur la gouvernanc­e des institutio­ns privées et publiques. Sévère critique du comporteme­nt du conseil de Bombardier, il demeure quand même un ardent défenseur de son importance au Québec. Il me disait que le message avait été lancé et qu’on ne devrait pas s’acharner à « humilier » davantage la famille Beaudoin-Bombardier.

Pour rétablir cette relation de fierté avec le Québec, il n’y a pas 36 solutions : il faut des résultats à la hauteur des attentes !

la Mea culpa. En voulant illustrer les risques liés à la perte de contrôle des entreprise­s québécoise­s, j’ai – involontai­rement – mis bout à bout des éléments qui ne tenaient pas la route dans ma chronique du numéro du 6 mai. Oui, la firme Lafond a perdu un mandat financier auprès de franchisés Rona. Mais dans les faits, ce changement est intervenu bien avant la vente de l’entreprise à Lowe’s, et non le lendemain, comme je l’ai écrit. Par ailleurs, ce mandat est maintenant réalisé par d’autres firmes à partir de Montréal, pas de Toronto. Et les décisions concernant l’entreprise demeurent bel et bien prises à partir du siège social de Bouchervil­le. Voilà qui est plus conforme à la réalité. Désolé pour la méprise.

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