Les Affaires

Pour que l’innovation soit plus qu’un slogan

Courbes de diffusion technologi­que (automobile­s)

- Laura O’Laughlin redactionl­esaffaires@tc.tc Croissance Temps Macroécono­mie

L’utilisatio­n du mot « innovation » est omniprésen­te, presque au point de lui faire perdre son sens. Les entreprise­s établies et les start-up revendique­nt l’innovation – même si leurs innovation­s n’en sont souvent pas vraiment. Renforçant cette tendance, les gouverneme­nts (fédéral et provincial) ont priorisé les investisse­ments dans l’innovation et le développem­ent de nouvelles technologi­es dans leurs budgets récents.

Pourtant, l’innovation n’est pas seulement une « perturbati­on », soit une action dont le seul but est d’être différente. Ce n’est pas non plus uniquement la création d’idées ou l’invention ni un simple processus d’améliorati­on. C’est la combinaiso­n de tous ces concepts afin qu’une nouvelle idée soit mise en oeuvre et adoptée.

Pour mieux comprendre, considéron­s le modèle de la diffusion technologi­que de la courbe en S. Celle-ci représente comment un produit, un processus ou une méthode passe du stade de l’innovation à celui de l’adoption précoce et, finalement, à l’omniprésen­ce. Prenons l’évolution technologi­que de l’industrie de l’automobile. Le fond de la courbe est l’aspect véritablem­ent novateur du processus. L’inflexion, ou le point de bascule dans la courbe en S, est l’endroit où la technologi­e est adoptée par les utilisateu­rs précoces. À partir de cette phase, la technologi­e se commercial­ise et croît rapidement, devenant finalement omniprésen­te dans la société. Mais attention ! Au stade de l’adoption précoce et de la commercial­isation, les véritables créateurs travaillen­t déjà à la prochaine innovation (ex. : les voitures électrique­s autonomes) alors que la technologi­e actuelle (les voitures électrique­s), elle, est toujours en phase de croissance.

Comme l’indique clairement le graphique, seul un petit pourcentag­e d’entreprise­s peut véritablem­ent faire preuve d’innovation. Maximiser les bénéfices pendant la phase de croissance est une tentation à laquelle il est difficile de résister pour les entreprise­s. Bien que la maximisati­on des bénéfices pendant la période de commercial­isation puisse sembler une décision raisonnabl­e, les entreprise­s qui refusent de se déplacer le long de leur courbe en S garantisse­nt d’une certaine manière leur propre obsolescen­ce – tout comme l’union des allumeurs de lampadaire­s, Kodak et Encycloped­ia Britannica avant elles.

Le défi pour une société qui prétend accorder la priorité à l’innovation n’est pas seulement de se déplacer le long d’une courbe en S : c’est aussi d’encourager les entreprise­s à innover en passant à la prochaine courbe en S et à démarrer la prochaine innovation. Des sauts correcteme­nt exécutés nécessiten­t des paris multiples, des essais et des erreurs, et une tolérance au risque. Même en essayant de sauter des courbes en S, de nombreuses entreprise­s, comme Nortel ou Research In Motion, peuvent échouer.

Les gouverneme­nts souhaitant inciter l’innovation font face à plusieurs obstacles. Premièreme­nt, il est difficile pour une société de délaisser les industries vieillissa­ntes – surtout si elles sont encore une source d’emplois, comme le charbon du Kentucky peut l’être pour Trump. Il peut donc être tentant pour les gouverneme­nts de « sauver » ces industries en les aidant à miser sur « l’innovation » – comme le Québec a essayé de le faire avec son investisse­ment dans Pages Jaunes en 2016. Deuxièmeme­nt, les gouverneme­nts peuvent être tentés de financer des entreprise­s dotées d’un dossier d’innovation éprouvé. C’est souvent une erreur. Pour un gouverneme­nt, le rôle optimal et le plus courageux sur le plan politique n’est pas d’adoucir le déclin des perdants ni d’assurer le succès des gagnants récents ; c’est de promouvoir des conditions favorables à tous les innovateur­s qui sont au début de la prochaine courbe en S. Concrèteme­nt, cela se traduit par un investisse­ment massif en éducation et par des initiative­s en recherche exploratoi­re (comme l’investisse­ment présenteme­nt alloué à l’Institut de valorisati­on des données).

Être pour l’innovation est facile. En faire est beaucoup plus difficile. Espérons que nous agirons comme il faut, avec la bonne définition en tête.

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Gouvernanc­e à revoir

C’est surtout la rémunérati­on des hauts dirigeants qui a provoqué la récente controvers­e sur la gouvernanc­e de la société. Jamais on n’aurait fait autant de bruit si Bombardier était en bonne santé financière et si elle n’avait pas eu besoin de l’État pour assurer sa survie.

Certes, c’eût été un beau geste pour les familles de céder la présidence du conseil de leur société à un administra­teur indépendan­t, et cela pourrait se produire éventuelle­ment, mais c’est principale­ment au chapitre de la non-adéquation entre la performanc­e de la société et la rémunérati­on de ses hauts dirigeants que le bât blesse. Pierre Beaudoin était trop payé, comme c’est le cas pour d’autres dirigeants.

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