La rémunération des dirigeants de sociétés est à revoir
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ême si la tempête provoquée par les h a u ss e s excessives de rémunération des hauts dirigeants de Bombardier a eu peu d’effet réel, il importe d’en tirer des leçons.
En effet, malgré les protestations d’importants actionnaires institutionnels, les familles Bombardier et Beaudoin, qui contrôlent 53% des droits de vote de leur société (elles ne possèdent que 13% de ses actions), ont réussi à conserver leur ascendant sur celle-ci.
Pierre Beaudoin, à qui on avait demandé de renoncer à la présidence du conseil, y demeure. Même s’il abandonnera le 1er juillet la partie « exécutive » de son poste (représentation, développement, etc.), il continuera de diriger les travaux du conseil, la plus importante instance dans la gouvernance de l’entreprise. Sa rémunération diminuera considérablement, mais cela n’est rien en regard du poste stratégique qu’il continuera de détenir. Les familles ont pu constater que leur contrôle sur la société n’a pas vraiment été remis en question par l’ensemble des actionnaires.
Ceux-ci comprennent que, sans les actions à 10 droits de vote des familles, Bombardier ne se serait pas développée autant, n’aurait pas créé autant d’emplois, n’aurait pas innové autant et n’aurait pas pris autant de risques. De plus, compte tenu de ses difficultés financières passées et actuelles, Bombardier ne serait plus dans des mains québécoises. Les actionnaires comprennent que le lancement du programme de la CSeries a mis à risque l’existence même de la société, mais on ne peut pas revenir en arrière. Malgré les retards et les coûts additionnels, la CSeries a été produite, et elle paraît prometteuse. Bombardier est toujours là, avec ses 65000emplois (environ 15000 au Québec), et avec des avions et des trains à la fine pointe de la technologie, face à des géants comme Airbus, Boeing, Alstom, Siemens, etc. Et n’oublions pas que l’entreprise est le fer de lance de l’industrie aéronautique canadienne. Les Québécois continuent donc d’être fiers de Bombardier, mais ce n’est pas une raison pour négliger de revoir sa gouvernance.
En ne tenant pas compte de la situation financière réelle de la société et de l’important soutien que celle-ci a reçu des contribuables, le conseil d’administration de Bombardier a manqué de clairvoyance. Il a utilisé bêtement et sans modération le modèle de rémunération des grandes sociétés. Ce système, qui a été créé par des firmes internationales importantes, contribue, en raison de la cupidité des PDG, à accroître constamment et de façon absurde l’écart entre leur rémunération et celle des autres employés.
L’an dernier, la rémunération moyenne des PDG des 500 sociétés américaines du S&P 500 a atteint 347 fois celle du travailleur moyen. Au Royaume-Uni, la rémunération moyenne des PDG des 40 principales sociétés de la Bourse de Londres s’est élevée à 386 fois le salaire minimum national (12,60$ l’heure). La progression rapide de ce multiple est indécente, car elle augmente les inégalités au sein de la société. Pire, elle risque de devenir une source de désordre social.
Les protestations adressées aux dirigeants de Bombardier n’ont rien à voir avec la révolte qui se vit au Royaume-Uni. Pour sa part, l’Institut des administrateurs de sociétés du R.-U. propose qu’une société reconsulte ses actionnaires si 30% d’entre eux rejettent le plan de rémunération proposé. Plus de 40% des chefs de la direction des 40 sociétés les plus importantes de la Bourse de Londres ne recevront pas de hausse de rémunération en 2017.
Aux États-Unis, toutes les sociétés inscrites à une Bourse doivent consulter leurs actionnaires, qui peuvent voter pour, voter contre ou s’abstenir au moment de l’élection des administrateurs et de la détermination de la rémunération des dirigeants. Au Canada, les sociétés ont la liberté de consulter ou non leurs actionnaires, qui n’ont que deux choix: voter pour ou s’abstenir, ce qui est insignifiant. Le temps est venu de hausser les exigences.
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