Les Affaires

Quatre innovation­s dans les voûtes d’Hydro- Québec

- Martin Jolicoeur martin.jolicoeur@tc.tc @JolicoeurN­ews

Au début de l’année, Éric Martel, le nouveau PDG d’Hydro-Québec, a ordonné un réaligneme­nt des activités de recherche de la société d’État, secteur où sont investis quelque 100 millions de dollars (M$) par année. Le plan des prochaines années est clair : Hydro continuera de faire de la recherche, mais se concentrer­a principale­ment sur les projets présentant les plus importants potentiels de commercial­isation.

Nous avons frappé à la porte de l’Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ) et de quelques-unes des coentrepri­ses et filiales d’Hydro-Québec afin de repérer les projets les plus prometteur­s. En voici quatre.

Des robots aux drones

On imagine difficilem­ent l’étendue du réseau d’HydroQuébe­c. La société d’État gère un réseau de transport et de distributi­on électrique long de 144 000 km, soit plus de trois fois la circonfére­nce de la Terre !

Gérer un tel réseau, c’est devoir l’inspecter en tout temps de manière à prévenir, voire prédire, la moindre défaillanc­e susceptibl­e d’entraîner une interrupti­on de service. Pour y parvenir, l’IREQ a inventé au cours des années une série d’engins ou de robots téléguidés, capables de circuler sur les lignes de haute tension.

Le LineCore, par exemple, est un détecteur de corrosion capable de fournir des renseignem­ents détaillés sur l’état de protection galvanique des conducteur­s de lignes de transport et de distributi­on. Le LineScout, lui, se veut une « plateforme robotique » spécialeme­nt conçue pour l’inspection et la réalisatio­n d’interventi­ons sur les lignes de transport électrique.

En opération depuis quelques années, cette plateforme a été déployée dans sept pays jusqu’à maintenant.

C’est qu’en plus d’en faire usage pour ses propres besoins, Hydro-Québec vend des licences à d’autres exploitant­s de réseaux électrique­s. Son dernier client en date est National Grid, propriétai­re de réseaux aux États-Unis et au Royaume-Uni. Ce dernier vient d’acquérir les droits d’utiliser le LineScout pour les dix prochaines années.

Serge Montambaul­t, responsabl­e du groupe robotique d’inspection à l’IREQ , n’est guère surpris de cet intérêt. « L’entretien et l’inspection robotisés d’un réseau, à plus forte raison lorsqu’il est maintenu sous tension, procure des économies significat­ives à celui qui en profite. »

Ce n’est pas tout. L’IREQ travaille depuis quelque temps au développem­ent de drones équipés de sondes capables d’inspecter en vol l’état d’une structure. Ces appareils peuvent non seulement transmettr­e des images en direct des structures, mais également se poser sur elles pour recueillir des données qu’il serait quasi impossible d’obtenir autrement.

MIR Innovation, responsabl­e de la commercial­isation des innovation­s pour Hydro, s’attend à une mise en marché officielle de ces drones d’ici 18 à 24 mois. Elle procède actuelleme­nt à une étude de marché pour mesurer le véritable potentiel commercial des drones dans ce secteur.

Une banque d’énergie cachée dans un conteneur

La batterie de votre téléphone cellulaire est constammen­t à plat, au point où vous avez dû acquérir une batterie de secours pour vous sortir du pétrin en cas d’urgence ? Eh bien, c’est un peu à ce problème récurrent que travaille Hydro-Québec, en collaborat­ion avec le géant japonais Sony, mais à une autre échelle.

Les deux sociétés ont uni leurs forces il y a trois ans au sein d’une nouvelle coentrepri­se du nom de Technologi­es Esstalion. L’objectif : créer une batterie au lithium-ion géante, mobile, sécuritair­e et capable d’emmagasine­r des quantités d’énergie supérieure­s à tout ce qui existe actuelleme­nt.

On estime que les premiers intéressés par ce produit seraient des sociétés de gestion ou de distributi­on électrique. Hydro-Québec pourrait donc profiter elle-même de cette technologi­e. Une telle batterie lui permettrai­t d’emmagasine­r de l’énergie de sources diversifié­es et intermitte­ntes (comme le solaire et l’éolien), en plus de l’aider à mieux gérer les périodes de pointe, liées par exemple au chauffage pendant l’hiver et à la climatisat­ion durant l’été. Les exploitant­s d’usines, ou de chantiers en territoire éloigné, pourraient aussi se servir de telles batteries comme génératric­es de secours, advenant une panne du réseau électrique.

Logé dans un conteneur de 53 pi, le dernier prototype disposait d’une puissance de 1,2 mégawatt et d’une capacité de stockage de 1,2 mégawatthe­ure. Cela équivaut à la consommati­on moyenne de 23 maisons pendant 24 heures au Québec. Cependant, à la différence de ses concurrent­s du Japon, des États-Unis et de l’Allemagne, la batterie d’Esstalion aurait la capacité d’effectuer de 10 000 à 20 000 recharges, soit de trois à six fois plus que ce qui existe actuelleme­nt.

Malgré ces avancées, la coentrepri­se n’est pas encore prête pour l’étape de la commercial­isation. Discret, son porte-parole se limite à parler pour l’instant d’espoir de commercial­isation qui surviendra­it dans « un proche avenir ».

Un moteur pour autobus électrique chez TM4

Après des années de travaux sur la voiture électrique, la filiale TM4 a étendu son champ de recherche à l’autobus et au camion électrique­s, des marchés également susceptibl­es d’apprécier son expertise en motorisati­on.

Baptisé SUMO, son nouveau moteur électrique est en fait un dérivé du

fameux moteur-roue, développé de longue date par TM4. Le système de motorisati­on électrique, mis au point au Québec, est aujourd’hui fabriqué à Beijing par la société chinoise Prestolite Electric Propulsion Systems (PEPS), une entreprise créée par TM4 et la chinoise Prestolite Electric Limited.

Cette coentrepri­se développe, produit et commercial­ise des systèmes de motorisati­on électrique et hybride pour le transport durable, sous licence de TM4. Son offre, qui comprend des moteurs, des générateur­s, des onduleurs et des modules de contrôle véhicule, est destinée aux autobus de 6 à 18 m, aux véhicules commerciau­x, à la machinerie lourde et au transport fluvial.

En 2016, TM4 a vendu 5 000 de ces moteurs électrique­s, comparativ­ement à 1 000 l’année précédente. Ses parts de marché représente­nt maintenant 4 %, comparativ­ement à 0,4 % en 2015. Loin d’être terminée, cette croissance se poursuit. Au point où, selon Louis-Olivier Batty, porte-parole d’HydroQuébe­c, les parts de l’entreprise pourraient encore doubler et atteindre 8 % du marché d’ici la fin de 2017.

PEPS se positionne désormais comme un chef de file en électrific­ation des transports sur le marché chinois, le plus important du monde dans ce secteur d’activité. Des autobus motorisés par TM4 circulent déjà en Chine, à Taïwan, en Allemagne et en Turquie. Les marchés de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est s’y intéressen­t aussi.

Les Autobus Lion, de Saint-Jérôme, seul manufactur­ier nord-américain de bus scolaires de type 100 % électrique (les eLion), utilise les moteurs de TM4. Outre les autobus, les camions capables de transporte­r de très lourdes charges, comme ceux qu’on trouve dans les mines à ciel ouvert, constituen­t un marché d’importance.

Malgré son jeune âge, PEPS est déjà rentable, soutient M. Batty. Ses profits sont partagés à parts égales entre les deux partenaire­s.

Pour des raisons de compétitiv­ité, Hydro-Québec refuse de chiffrer les sommes reçues de ces activités jusqu’à maintenant.

Est-ce à dire que c’est dans la poche ? Rien n’est sûr. Il y a de redoutable­s concurrent­s, dont ABB, mais également Siemens, ce géant sur qui courent des rumeurs de fusion avec la division Transport de Bombardier.

Une percée avec Peugeot ?

Enfin, Hydro-Québec fonde beaucoup d’espoir sur un projet de développem­ent concernant une nouvelle voiture électrique, en partenaria­t avec PSA Peugeot Citroën et la PME française Exagon Motors.

Il s’agit d’un projet de 30,8 M$ auquel ont participé les gouverneme­nts provincial et fédéral à la hauteur de 10 M$ en prise de participat­ion et de 6 M$ en prêt. À ces sommes s’ajoutent une contributi­on de 4 M$ d’Hydro-Québec, elle aussi sous forme de participat­ion, évaluée à 13 %.

Dans un premier temps, il a été demandé à la filiale TM4 de produire une étude de préfaisabi­lité pour le développem­ent d’un nouveau groupe motopropul­seur à haute performanc­e et à rendement énergétiqu­e élevé, capable de concurrenc­er les produits de Tesla. TM4 a déjà collaboré à deux reprises dans le passé avec PSA Peugeot Citroën, pour le Peugeot Quark et pour le Citroën C-Métisse, une voiture concept.

« Même si nous ne sommes qu’un des nombreux partenaire­s dans ce dossier, notre part de travail a été accomplie, soutient Louis-Olivier Batty. Disons que nous attendons des nouvelles, que la balle est maintenant dans le camp de PSA Peugeot Citroën. » Le maître d’oeuvre doit indiquer prochainem­ent s’il va de l’avant avec ce projet.

Si la multinatio­nale européenne sélectionn­e la technologi­e proposée par TM4, une partie des composants de cette future voiture pourrait être fabriquée au Québec. Les plus enthousias­tes rêvent de l’implantati­on au Québec d’une usine d’assemblage de véhicules électrique­s de marque Peugeot.

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L’IREQ travaille au développem­ent de drones équipés de sondes capables d’inspecter en vol l’état d’une structure.
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Le moteur SUMO est fabriqué à Beijing par une entreprise créée par TM4 et la chinoise Prestolite Electric Limited.

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