Les Affaires

Le génie québécois s’attaque à l’électrique

- Spécial 500

Des véhicules électrique­s plus résistants à l’hiver

Le climat québécois, froid en hiver, pose certains défis pour le transport électrique, tant dans les réseaux que pour les véhicules.

À l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), la Chaire de recherche du Canada sur les sources d’énergie pour les véhicules du futur concentre ses activités sur l’améliorati­on des propriétés des véhicules électrique­s par temps froid. Lancée il y a un an, la chaire oeuvre tant du côté de la durée des charges que de celui des capacités de stockage des batteries.

« Nous travaillon­s à toute la thématique des véhicules électrique­s, mais aussi à celle des véhicules à hydrogène », explique le professeur titulaire de la chaire, Loïc Boulon.

Ce dernier précise qu’en l’absence de grands fabricants au Québec, la chaire vise avant tout les véhicules de niche et produits en petites séries, citant en exemple des travaux effectués en collaborat­ion avec Posi+, qui conçoit des camions élévateurs à nacelle utilisés notamment par Hydro-Québec pour différents travaux sur des lignes de haute tension.

« Normalemen­t, le moteur au diesel doit rester allumé en tout temps afin que le véhicule ait assez de puissance pour bouger la nacelle. Toutefois, si on dote la nacelle d’un dispositif électrique, on peut éteindre le moteur pendant qu’elle bouge, ce qui est bon d’un point de vue écologique, mais également pour la santé des opérateurs, qui vont respirer moins d’émanations de diesel », explique M. Boulon.

Le professeur au Départemen­t de génie électrique et de génie informatiq­ue précise que la chaire, lancée il y a un an, a déjà fait une phase de travaux, au cours desquels on a comparé les performanc­es de la nacelle à 20 degrés et à -20 degrés Celsius. « Nous avons constaté que, par temps froid, elle avait deux ou trois fois moins d’énergie disponible, que les temps de recharge étaient multipliés par deux et que la dégradatio­n des batteries était plus importante », dit-il.

Des batteries plus efficaces

À l’Université de Sherbrooke, on mène des travaux complément­aires à ceux de l’UQTR depuis un an, à la Chaire de recherche du Canada sur l’hybridatio­n du stockage d’énergie dans les véhicules électrique­s à haut rendement.

Le professeur titulaire de la chaire, João Pedro Fernandes Trovão, explique que ses travaux portent sur la combinaiso­n de deux sources d’énergie afin de rendre les véhicules électrique­s plus performant­s. Il jumelle des batteries et des superconde­nsateurs.

Les travaux peuvent être divisés en trois : les sources d’énergie, l’électroniq­ue de puissance et la motorisati­on.

M. Trovão, aussi professeur au Départemen­t de génie électrique et de génie informatiq­ue, explique que les batteries ont, à l’inverse des superconde­nsateurs, une grande densité d’énergie et une petite densité de puissance. « Nous croyons donc qu’il est possible de prolonger la durée de vie utile des batteries en les jumelant aux superconde­nsateurs », explique-t-il.

De cette manière, les véhicules solliciter­aient davantage les superconde­nsateurs au cours des accélérati­ons et se reposeraie­nt davantage sur les batteries une fois leur vitesse de croisière atteinte.

Le professeur ajoute qu’il est très difficile, à l’heure actuelle, de trouver un moteur ayant un haut rendement sur toute la plage des vitesses d’un véhicule. « On a des moteurs qui sont adaptés pour les accélérati­ons au démarrage, mais qui perdent du rendement à vitesse élevée. Pour d’autres, c’est l’inverse. Nous essayons de trouver le meilleur des deux mondes », dit-il.

M. Trovão veut également découvrir une façon efficace de transférer l’énergie du freinage aux batteries, ce qui pourrait, selon lui, prolonger la durée des charges de 30 %. « Il y a beaucoup de pertes de ce côté, car on limite la puissance de recharge des batteries pour ne pas les user prématurém­ent », dit-il.

La chaire concentre ses efforts sur les véhicules urbains avec l’objectif d’améliorer l’efficacité des piles de 20 % d’ici la fin de son cycle de recherche, dans quatre ans.

La conversion à l’électricit­é d’un véhicule à essence

Pendant qu’on se penche sur la durabilité et la puissance des batteries, la start-up EcoTuned, installée au Centech de l’École de technologi­e supérieure (ÉTS), propose de convertir des véhicules à essence en véhicules électrique­s.

« En 2010, j’ai regardé une vidéo d’accélérati­on sur YouTube où on voyait un petit véhicule électrique battant facilement une voiture à essence. C’est ce qui

Quels sont les projets de recherche les plus intéressan­ts en électricit­é dans le monde des université­s et des start-up ? Nous avons donné un coup de sonde et trouvé cinq initiative­s qui retiennent l’attention.

m’a donné envie de concevoir un moteur électrique performant », raconte le président de la société, Andy Ta. Le dirigeant raconte qu’au départ son plan était d’équiper une petite voiture sport d’un moteur électrique, mais que le projet a migré vers les camionnett­es à la suite d’un remue-méninges avec le ministère des Transports du Québec (MTQ).

« La particular­ité de ce qu’on fait est que le kit de conversion est réutilisab­le et universel aux camions légers. Pourquoi réutilisab­le ? Le moteur électrique a une durée de vie de 1 million de kilomètres. Tous les camions légers américains, d’une génération à une autre, utilisent un châssis en forme de H. On vient s’accrocher dessus avec un kit universel », dit le dirigeant.

La technologi­e doit permettre à certains véhicules du MTQ, qui peuvent parcourir plus de 100 000 km par année, d’avoir une seconde vie. « La garantie du groupe motopropul­seur sur ces véhicules est valide jusqu’à... 100 000 km. Le ministère se retrouve donc avec des camionnett­es en bon état, mais dont le groupe motopropul­seur est usé prématurém­ent. À ce moment, nous installons notre moteur électrique, et le véhicule peut avoir une seconde vie en utilisatio­n urbaine », explique M. Ta.

Quand la camionnett­e arrive à la fin de sa vie utile, EcoTuned peut retirer le système et l’installer dans un autre véhicule du même type, ce qui permet d’amortir son coût, évalué entre 25 000 et 30 000 $, sur une longue période de temps.

Selon la direction, les coûts pour exploiter et entretenir le système sont de 80 % inférieurs à ce qu’ils seraient si on laissait un moteur à essence dans les véhicules.

L’entreprise mène actuelleme­nt un projet pilote sur 10 véhicules du MTQ.

Les mathématiq­ues au service du réseau électrique québécois

Le 3 mai, Polytechni­que a lancé la Chaire de recherche industriel­le CRSNG-HydroQuébe­c-Schneider Electric en optimisati­on des réseaux électrique­s intelligen­ts.

« Les réseaux électrique­s comme celui d’Hydro-Québec sont déjà intelligen­ts, mais tout ça peut être bonifié », dit le professeur titulaire de la chaire, Miguel Anjos.

Ce dernier précise que le réseau d’Hydro-Québec évolue et que la société d’État ne compte plus seulement sur ses grands barrages pour approvisio­nner le Québec et ses clients de l’extérieur de la province. Cette diversific­ation des sources d’énergie, qui passe par l’éolien, le solaire et le géothermiq­ue, complexifi­e la gestion du réseau, qui devient de plus en plus décentrali­sé.

« On assiste aussi à l’avènement d’une meilleure capacité de stockage qui, jusqu’à tout récemment, était très limitée. Des batteries de plus grande taille sont conçues notamment par Technologi­es Esstalion, une coentrepri­se d’Hydro-Québec et de Sony », raconte le chercheur.

M. Anjos ajoute que l’électrific­ation des transports pourrait avoir un impact significat­if sur les réseaux, dans la mesure où l’on parviendra à transférer une grande partie de la

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