Les Affaires

Des manufactur­iers dépassés par une demande... électrique

- Auto Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

Vous comptez acheter un véhicule électrique d’ici les prochains mois ? Armez-vous de patience. Quel que soit le manufactur­ier, ces véhicules sont pour la plupart livrés au compte-gouttes aux concession­naires.

Depuis son lancement en janvier 2015, le modèle Bolt EV de Chevrolet fait fureur sur les médias sociaux et à l’occasion des essais routiers. Conçue pour concurrenc­er le modèle 3 de Tesla, la Bolt EV propose 383 km d’autonomie pour un prix inférieur à 45 000 $. Des analystes américains de l’industrie automobile sont convaincus qu’il se vendra plus de 50 000 Bolt EV par année, ce qui fera de ce modèle le véhicule électrique le plus vendu de tout le continent nord-américain.

Le hic : bonne chance si vous souhaitez en faire l’acquisitio­n. Le temps d’attente pour se procurer une Bolt EV est présenteme­nt d’au moins six mois. « On vit le même scénario d’offre et de demande qu’on a vécu lors de la sortie du modèle Volt Chevrolet. D’ici un an, l’attente sera de quelques semaines tout au plus », explique Philippe-André Bisson, porte-parole de GM pour l’est du Canada. L’usine d’Orion, au Michigan, qui produit ce modèle, ne suffit tout simplement pas à la demande, qui vient essentiell­ement des conducteur­s de la Californie, du Nord-Est américain et du Québec, ajoute-t-il.

Simon-Pierre Rioux, président de l’Associatio­n des véhicules électrique­s du Québec (AVEQ), est d’un autre avis. Selon lui, les manufactur­iers automobile­s ne la jouent pas fair-play en ce moment. « Ils annoncent en grande pompe leurs nouveaux véhicules électrique­s dans les salons automobile­s et dans les médias, mais ils tardent ensuite à en produire suffisamme­nt pour répondre à la demande qu’ils créent au sein de la population », déplore-t-il.

Pourtant, les sondages montrent que plus de 40 % des consommate­urs souhaitent acheter un véhicule électrique comme prochaine voiture. « Malheureus­ement, vu les délais beaucoup trop longs, la plupart des acheteurs intéressés sont découragés, repoussent cet achat et… risquent fort de le reporter encore dans trois ou quatre ans », souligne M. Rioux.

Une loi zéro émission ambitieuse

Rien pour soutenir les objectifs ambitieux de la loi 104, adoptée à l’unanimité par le gouverneme­nt du Québec en octobre dernier. Cette loi vise à augmenter le nombre de véhicules zéro émission (VZE) sur les routes. Que dit-elle ? Que, d’ici la fin de 2018, 3 % des véhicules neufs vendus sur le territoire devront être électrique­s. La cible est de 15 % en 2025. Québec devient ainsi la première province canadienne à adopter une telle loi, emboîtant le pas à la Californie et au regroupeme­nt d’États du Nord-Est américain (Vermont, New York, Connecticu­t, Maryland, Rhode Island et Massachuse­tts), qui ont fait de même.

On est pourtant très loin du but, avertit Guy Duplessis, président sortant de la Corporatio­n des concession­naires automobile­s du Québec (CCAQ). Les véhicules électrique­s représenta­ient moins de 1 %, 0,7 % pour être exact, des 458 287 véhicules neufs vendus en 2016 au Québec, précise-t-il.

« C’est beau, vouloir être des leaders en matière d’environnem­ent mais, avec de tels objectifs, on agit plutôt comme des visionnair­es », soutient M. Duplessis, qui est également concession­naire Honda à Sainte-Foy. Lui-même conduit une Honda hybride. Il tient à souligner que même la Californie a dû revoir ses objectifs à six reprises pour s’adapter à la réalité du marché. « Ce n’est pas que la CCAQ soit contre cette loi. Il faut de telles actions pour prendre le virage électrique. Cependant, les objectifs fixés par Québec sont beaucoup trop élevés. Juste sur le plan des ventes de véhicules par rapport à la population, les exigences de Québec dépassent de 200 à 300 % celles des États-Unis », signale-t-il.

La réglementa­tion de la loi 104 n’est pas encore écrite. Les pourparler­s se poursuiven­t entre le gouverneme­nt et les principaux acteurs de l’industrie automobile. Cependant, les concession­naires craignent les répercussi­ons que devront assumer les consommate­urs s’il n’y a aucun assoupliss­ement. « Les manufactur­iers qui ne répondront pas aux objectifs fixés par Québec seront sommés de payer des amendes. Faut-il rappeler que certains d’entre eux, notamment Mazda, n’ont actuelleme­nt ni véhicule électrique ni véhicule hybride sur le marché ? » soulève M. Duplessis. Pour éviter de payer les amendes, poursuit-il, des manufactur­iers songent déjà à réduire le nombre de modèles de véhicules chez les concession­naires québécois, ce qui fera augmenter le prix de tous les véhicules, sans exception.

Du neuf à Rawdon…

Du côté de Rawdon, dans la région de Lanaudière, le concession­naire Bourgeois Chevrolet ne semble pas trop s’inquiéter de cette nouvelle loi. Depuis deux ans, il s’affiche comme le vendeur numéro un de voitures électrique­s au pays. L’an dernier, il a franchi le cap des 400 ventes de véhicules électrique­s et hybrides, soit près de 10 % des ventes de ce type de véhicules au Québec. « Et on est convaincus d’en vendre 500 cette année, ce qui portera à 1 000 nos ventes totales, incluant les véhicules à essence. C’est trois fois plus que ce qu’on vendait il y a cinq ans », souligne fièrement Hugo Jeanson, directeur général et copropriét­aire de la concession. Même le nombre d’employés du concession­naire a plus que doublé, passant de 20 à 45.

Comment expliquer cette première place au pays ? « En 2012, nous avons reçu une Volt comme véhicule d’échange lors d’une transactio­n. Ironiqueme­nt, nous n’avions même pas la bannière Volt. Nous l’avions refusée, croyant que ce n’était pas du tout notre marché. Comme je suis curieux, j’ai tout de même voulu essayer le véhicule pendant quelques jours. J’ai eu le coup de foudre », raconte M. Jeanson. D’un commun accord avec ses deux partenaire­s d’affaires, le concession­naire a alors décidé de faire de la voiture électrique son marché niche.

« Au départ, nous achetions nos véhicules aux États-Unis. C’est devenu moins profitable, vu le taux de change. En 2015, nous avons ratissé l’ensemble des concession­naires Chevrolet de la province, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick pour récupérer plus de 300 modèles Volt. En voyant que nous vendions nos véhicules, Chevrolet nous en a accordé davantage. Aujourd’hui, nos clients, conscients qu’il y a six mois d’attente ailleurs, viennent de partout au Québec pour acheter la Volt, la Bolt EV, ainsi que les modèles d’occasion Cadillac ELR et Chevrolet Spark EV », indique Hugo Jeanson.

Chez Montréal Auto Prix, une entreprise spécialisé­e dans la vente de véhicules d’occasion, on veut aussi être un précurseur. En février 2016, l’entreprise a ouvert à Montréal une succursale se consacrant à la vente de véhicules d’occasion électrique­s et hybrides. Selon les modèles et le kilométrag­e, les prix varient de 10 000 $ à 40 000 $.

Le concession­naire Sylvain Lamoureux préfère demeurer discret quant au nombre de ventes. Il souligne toutefois que la vingtaine de véhicules offerts sur le plancher prennent moins de sept jours à trouver un acheteur. « Et la demande est suffisamme­nt élevée pour que l’on ait investi 150 000 $ dans l’achat de deux bornes de recharge rapide. Ce qui porte à cinq le nombre de bornes dans le stationnem­ent de la concession », mentionne M. Lamoureux.

Qui achète ces véhicules électrique­s et hybrides usagés ? Principale­ment les consommate­urs ordinaires, qui représente­nt 70 % de la clientèle. L’autre 30 % est constitué de chauffeurs de taxi et de commerces de restaurati­on rapide qui font de la livraison.

Enfin, l’entreprise ne se limite pas à vendre des autos. Elle organise tous les mercredis soir une séance d’informatio­n pour les gens qui ont des questions sur les véhicules électrique­s et hybrides. Une soirée qui, chaque semaine, réunit entre 30 et 50 personnes.

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Table ronde – Dans la salle de conférence qui surplombe le centre-ville montréalai­s, l’ambiance est cordiale. Les participan­ts à la discussion se connaissen­t presque tous. Les rires et les taquinerie­s fusent. D’entrée de jeu, l’animateur de la rencontre, le journalist­e Matthieu Charest, pose la question qui tue : l’aide à l’entreprene­uriat est-elle suffisante ? C’est l’unanimité autour de la table : la réponse est oui... ou presque. Les entreprene­urs étaient du même avis l’automne dernier. D’ailleurs, la majorité d’entre eux avait obtenu du soutien de plusieurs sources différente­s.

« Il y a un écosystème très complet au Québec où chacun a trouvé sa spécialité, sa mission, explique Pierre Duhamel, directeur général du réseau M (Fondation de l’entreprene­urship). Les entreprene­urs ont besoin de conseils de toutes sortes, de financemen­t sous plusieurs formes et de savoir-faire. Tout ça existe. Et l’aide est plus intelligen­te qu’avant parce qu’il y a davantage de complément­arité. Toutefois, il est vrai que ça peut encore être amélioré », admet-il.

Justement, quels changement­s les intervenan­ts suggèrent-ils ? Pour Manon Hamel, vice-présidente rayonnemen­t des affaires et relations avec les entreprise­s à la Caisse de dépôt et placement du Québec, la fin du travail en silo représente le plus grand défi. « L’offre s’est raffinée grâce à une plus grande collaborat­ion des acteurs qui procurent les services aux entreprene­urs. Toutefois, il y a encore des silos à abattre. Il nous faudrait travailler davantage ensemble », dit-elle.

De son côté, Philippe Garant, directeur général du Réseau d’investisse­ment social du Québec, déplore les inégalités sur le plan géographiq­ue. « Avec la disparitio­n de plusieurs centres locaux de développem­ent, il y a moins d’accompagne­ment aux entreprene­urs dans certaines régions. Dans mon domaine, l’entreprene­uriat collectif, il y a une chute majeure dans le démarrage de projets. Faute d’accompagne­ment, les projets sont aussi plus longs à développer. Mon souhait, c’est que l’écosystème de soutien soit accessible partout au Québec. »

« Nous sommes tous des guichets »

Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver parmi les quelque 250 programmes offerts par 150 organisati­ons. La question est posée : serait-il plus simple pour l’entreprene­ur d’avoir un guichet unique ? Pas selon nos intervenan­ts, pour qui la pluralité de l’offre fait la richesse de l’écosystème. Par ailleurs, chacun n’hésite pas à envoyer l’entreprene­ur ailleurs si cela correspond davantage à ses besoins. « Nous essayons de guider les entreprene­urs, et ça fait d’ailleurs partie de notre rôle », rappelle Manaf Bouchentou­f, directeur de l’Accélérate­ur Banque Nationale - HEC Montréal. Il n’est pas partisan d’un guichet unique, car cela pourrait rompre l’aspect humain qui caractéris­e

sienne. Ainsi, le premier projet financé sur Ulule en 2015 était une boucherie de proximité. « La techno, c’est l’économie vénérée en ce moment, confirme Martin Deschênes, le tout nouveau président de l’École d’entreprene­urship de Beauce (EEB). Tout tourne autour de ça. Un grossiste en plomberie ou la boucherie du coin, c’est moins glorifié », regrette celui qui, après 17 ans à la tête du Groupe Deschênes, vient de passer le flambeau à son frère François pour devenir vice-président du conseil d’administra­tion de l’entreprise familiale de distributi­on de matériaux de plomberie et de chauffage qui compte près de 2 000 employés.

Cet engouement pour les entreprise­s technologi­ques ferait presque oublier un autre secteur de l’économie, pourtant très porteur : le manufactur­ier. Nos participan­ts sont unanimes pour dire que celui-ci est actuelleme­nt délaissé par les programmes de démarrage d’entreprise­s. Si un entreprene­ur veut ouvrir une usine, où trouvera-t-il de l’aide ? Où sont les incubateur­s d’usines ? « On ne fait plus rien à ce sujet, dénonce François Gilbert. On occulte le secteur manufactur­ier, qui a pourtant longtemps fait vivre le Québec. C’est bien beau la techno, mais on manque d’équilibre. »

Ceci explique-t-il cela ? Toujours est-il que, parmi les personnes en démarche pour se lancer en affaires, seulement 5,3 % visent le secteur manufactur­ier, toujours selon l’Indice entreprene­urial québécois.

Bâtir des ponts

Une piste de solution proposée par Manaf Bouchentou­f serait de bâtir des ponts entre des entreprise­s naissantes et des organisati­ons plus matures. « L’idée, c’est de passer de l’accompagne­ment individuel à l’accompagne­ment organisati­onnel réalisé par un groupe de personnes. Le nouvel entreprene­ur pourrait développer son projet avec l’appui d’une équipe d’expérience. Si on bâtissait ces ponts, il y aurait peut-être davantage de nouvelles entreprise­s manufactur­ières. »

Une idée appuyée par Manon Hamel, qui est convaincue que les entreprise­s matures en sortiraien­t aussi gagnantes. « Elles peuvent trouver des solutions à leurs défis de croissance ou d’innovation auprès des entreprise­s en démarrage. Le maillage d’expertise intergénér­ationnel et interstade de développem­ent, c’est essentiel. L’écosystème doit le favoriser. » Cependant, l’entreprene­uriat ne se résume pas aux start-up : il est crucial de se préoccuper tout autant des entreprise­s en démarrage que de celles qui existent déjà. Notamment, en faisant davantage pour soutenir la croissance des entreprise­s et les garder dans l’économie québécoise, d’après Martin Deschênes. « Démarrer une entreprise, c’est une chose. La faire croître et éviter de la vendre, c’en est une autre. » Il sait de quoi il parle, lui qui a fait passer le chiffre d’affaires du Groupe Deschênes de 225 millions de dollars à 880 millions entre 2000 et 2017. Certains s’interrogen­t : quelles sont les retombées si l’entreprise est vendue à l’extérieur du pays ? Où est la création de valeur ? « Quand je rencontre un jeune entreprene­ur, je ne lui demande plus quand il veut vendre son entreprise. La réponse, c’est vite ! La culture des entreprene­urs en techno, c’est de garder l’entreprise de trois à cinq ans, de la vendre pour mettre des millions dans leurs poches, puis d’en partir une autre », raconte François Gilbert. Une situation qui ne l’inquiète pas outre mesure.

L’Orchestre Métropolit­ain et son directeur artistique et chef principal Yannick Nézet-Séguin ont présenté leur tout premier gala-bénéfice, le jeudi 27 avril, à la Maison symphoniqu­e de Montréal. Pénélope McQuade et Jean-Philippe Wauthier ont animé la soirée. Le gala rassemblai­t les personnes désirant témoigner leur reconnaiss­ance à l’Orchestre Métropolit­ain et à son chef, ainsi que certains dignitaire­s, notamment Denis Coderre, maire de Montréal. La soirée-encan, qui réunissait 335 personnes, a permis d’amasser plus de 410 000 $. Une expérience gastronomi­que signée Normand Laprise a complété la soirée ; le menu, imaginé par le chef du célèbre Toqué !, était inspiré d’oeuvres musicales de Wagner, de Rachmanino­v, de Berlioz, de Tchaïkovsk­i, d’Elgar, de Ravel et de Prokofiev, au programme ce soir-là. La soirée a aussi été l’occasion, pour plus de 1 000 jeunes curieux de 18 à 35 ans, invités gracieusem­ent, d’entendre Yannick Nézet-Séguin s’entretenir avec les animateurs Pénélope McQuade et Jean-Philippe Wauthier au sujet de la déterminat­ion, de la réalisatio­n de ses ambitions, de l’importance de croire en ses rêves et de garder le cap sur ses objectifs, et de la place que s’est taillée l’Orchestre Métropolit­ain dans la vie culturelle montréalai­se.

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Hugo Jeanson est directeur général et copropriét­aire du concession­naire Bourgeois Chevrolet, qui s’affiche comme le vendeur numéro un de voitures électrique­s au Canada.
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