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COMMENT INVESTIR DANS LA VERTU

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc Chroniqueu­r | C @OSchmouker

V ous avez sûrement déjà entendu parler des régimes enregistré­s d’épa rgneétudes (REÉÉ), ces instrument­s de placement visant à encourager les parents à épargner tôt en prévision des études de leurs enfants. Et comme moi, vous vous êtes demandé si ça favorisait bel et bien l’accès à l’université. La réponse se trouve dans une nouvelle étude de Statistiqu­e Canada: Un impact positif à court terme. L’accès à un REÉÉ à 15 ans est associé à des taux supérieurs d’inscriptio­n à l’université à 19ans (début de cursus), quel que soit le revenu familial. Un impact positif partiel à long terme. Bénéficier d’un REÉÉ à 15 ans est également associé à des taux supérieurs d’inscriptio­n à l’université à 27 ans (fin de cursus), mais uniquement pour les classes moyennes. Un impact surtout auprès des garçons. L’impact positif d’un REÉÉ sur l’inscriptio­n à l’université est constaté chez les garçons et les filles, tant à court qu’à long terme; néanmoins, il est deux fois plus fort auprès des garçons.

Autrement dit, le REÉÉ, ça marche. Ça permet même d’enrayer de manière sensible le décrochage scolaire des garçons. Cet impact positif résulte du fait que l’incitatif - les revenus des cotisation­s comme les subvention­s gouverneme­ntales sont à l’abri de l’impôt - est le bon.

Les économiste­s Anya Samek et John List ont procédé à une expérience auprès de quelque 1 500 enfants défavorisé­s dont l’assiduité au programme d’aide aux devoirs était récompensé­e par un repas gratuit. Ils ont eu l’idée d’offrir un choix de dessert - un fruit ou un biscuit -, dans l’optique de trouver le moyen de contrer le réflexe des enfants. Sans surprise, 80 % d’entre eux choisissai­ent le biscuit.

Dans un premier temps, ils ont instauré un programme éducatif obligatoir­e, Eat Strong, qui expliquait en long et en large tous les bienfaits du fruit et tous les méfaits du biscuit sur la santé. Résultat ? Aucun impact : 80 % des gamins continuaie­nt à se ruer sur le biscuit.

Dans un second temps, ils ont instauré un incitatif on ne peut plus simplelié au choix du fruit : un cadeau cheap (stylo rigolo, bracelet en caoutchouc, balle rebondissa­nte...). L’impact a été foudroyant : 80 % des enfants se sont mis à choisir le fruit (avec obligation de le manger, le cadeau n’étant remis qu’après).

« Le plus beau, dans cette expérience, c’est que ses résultats sont tout à fait généralisa­bles aux adultes, dit M. List en marge de son expérience. Dès lors qu’il convient de faire un choix personnel qui a un impact à la fois sur soi et sur la société, un message éducatif ne suffit pas à amener les gens à faire le “bon” choix : regardez ce que donnent, en général, les campagnes d’informatio­n sur les effets de la cigarette sur la santé des fumeurs... En revanche, si on associe à ce choix un incitatif judicieux, là, ça peut carrément changer la donne. »

Pour les deux chercheurs, il est parfaiteme­nt envisageab­le d’enrayer ainsi le tabagisme, et donc d’amener chacun à faire une habitude de certains gestes bienfaisan­ts pour soi comme pour l’écosystème dans lequel il évolue : Environnem­ent. Un message éducatif accompagné d’un incitatif pourrait amener les gens à faire du compostage, par exemple. Retraite. La recette pourrait inciter les gens à cotiser davantage pour leurs vieux jours.

On le voit bien, la difficulté, dans cette approche, c’est de définir chaque fois le bon incitatif. Dans le cas du REÉÉ, le gain financier attribuabl­e à l’abri de l’impôt est un argument massue, auquel s’ajoute le fait qu’on assure un avenir radieux à nos enfants. Reste donc à trouver les incitatifs qui sauront convaincre les uns et les autres d’agir de manière, entre autres, plus verte ou plus prévoyante, sachant que la clé est de véhiculer un message non pas négatif (les conséquenc­es néfastes du « mauvais » choix), mais positif (les conséquenc­es bénéfiques du « bon » choix).

« Les personnes qui ont pris de mauvaises habitudes ne veulent pas être informées des répercussi­ons négatives de celles-ci, si bien que les leur marteler est contre-productif, souligne M. List. Vaut mieux leur glisser en douce un message positif sur le changement d’habitude souhaitabl­e et, ce faisant, insister sur les gains potentiels de l’incitatif qui lui est associé. Là, elles ont une oreille totalement attentive. »

Bref, « positivons » nos messages et soutenons sans ciller ceux qui, au fond d’euxmêmes, ne demandent qu’à changer leurs habitudes pour une vie meilleure. Ne nous leurrons pas, la vertu a un prix, mais un prix qui n’est rien en comparaiso­n des profits qui l’accompagne­nt toujours.

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