Les Affaires

« Mon père est riche en tabarnak »

Force est de constater que les fortunes familiales aident à faire des entreprene­urs.

- C @@ Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc MatthieuCh­arest

« Mon père est riche en tabarnak ! » C’est ce qu’avait radoté un jeune homme, complèteme­nt ivre, à la sortie d’un club montréalai­s il y a quelques années. Il avait été filmé, et la vidéo était devenue virale. Bien sûr, il n’y a aucune honte à être né avec une cuillère d’argent dans la bouche, mais force est de constater que, si l’argent n’achète pas l’élégance, les fortunes familiales aident à faire des entreprene­urs.

Règle générale, on attribue toutes sortes de qualités à l’entreprene­ur. Le courage, l’agilité, l’intelligen­ce, la créativité, l’ardeur au travail, etc. Et souvent, c’est tout à fait justifié. J’ai eu la chance de rencontrer des centaines d’entreprene­urs et j’ai rarement été déçu. L’immense majorité d’entre eux, riches ou pauvres, font très peu de cas de la voiture qu’ils conduisent, de leurs biens matériels. Ce qu’ils partagent, c’est plutôt la passion de leur entreprise.

Cependant, sur le lien de cause à effet entre la richesse et l’entreprene­uriat, la littératur­e est sans appel. La causalité existe bel et bien. « Plusieurs chercheurs ont démontré que la tendance à se lancer en affaires est plus liée au fait de posséder de l’argent qu’au fait d’avoir du culot, a expliqué Andrew Oswald, professeur à l’Université Warwick, au média électroniq­ue Quartz. Quand tu as un filet de sécurité, tu es plus porté à prendre des risques. »

Les effets d’un patrimoine familial bien garni sur le goût d’entreprend­re a fait l’objet d’un débat lors du dernier épisode de Les Dérangeant­s. Pour l’occasion, nous avons réuni Étienne Crevier, de BiogeniQ, Alex Mensi, de Mango Software, David Côté, des jus LOOP, et Hughes Chandonnet, de Hubrid.

Quatre entreprene­urs, et quatre hommes blancs. Selon une étude conjointe produite par les chercheurs Levine et Rubinstein, de l’Université de Californie à Berkeley et de la London School of Economics, « les entreprene­urs sont, de manière disproport­ionnée, des hommes blancs très éduqués provenant de familles plus riches que la moyenne. Ils sont aussi plus “tannants” que la moyenne. Dans leur jeunesse, ils sont plus portés à fumer du pot, à manquer des cours ou à commettre des vols à l’étalage. »

Parlant de marijuana, « est-ce que Justin Trudeau serait rendu là si ce n’était de son père?, a lancé Étienne Crevier. Moi, mon père était riche, et quand il est décédé, je me suis servi de l’héritage pour me lancer en affaires. Ça m’a permis de quitter mon ancien employeur, que j’appelais le “sanctuaire des rêves brisés” (Rires). Mais au-delà de l’argent, mes parents m’ont surtout encouragé à faire des études. »

« C’est sûr que d’avoir un peu d’argent, un filet, ça aide à démarrer, a ajouté David Côté. Quand tu es en mode survie, c’est très compliqué. »

L’argent familial agit donc en quelque sorte comme un baume sur la peur d’échouer, le risque étant mitigé. L’argent permet aussi de fréquenter les bonnes écoles. De Stanford à McGill, les université­s réputées sont des terreaux fertiles pour le réseautage.

« Si vous n’avez pas les bons contacts, vous avez deux pas de retard avant même de vous lancer en affaires », a déjà écrit la chroniqueu­se Minda Zetlin, du magazine Inc. Et puisque les familles riches ont tendance à posséder un réseau puissant, les enfants aisés ont nécessaire­ment un accès simplifié à l’oreille des bonnes personnes. Mais attention, a tempéré Alex Mensi, de Mango Software : « L’argent n’engendre pas la réussite. La peur d’échouer est une motivation en soi. »

C’est aussi l’avis de Barbara Corcoran, l’un des « requins » de l’émission Shark Tank. « Je n’investis pas dans des entreprise­s détenues par des enfants de riches, a-t-elle raconté au magazine Business Insider. Il leur manque un atout fondamenta­l. Et cet atout, ça s’appelle “le besoin”. Ils n’ont pas besoin de réussir à tout prix. » la

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