Les Affaires

Norda Stelo : protéger la ville de l’océan Des poubelles pour faire avancer sa voiture

- – ANNE-MARIE TREMBLAY

Alors que la capitale économique du Bénin, Cotonou, perdait en moyenne 13 m de rivage à cause de l’érosion, la firme de génie-conseil québécoise Norda Stelo y a mené une importante opération pour stopper l’avancée de la mer sur la ville. « Pendant le projet, j’ai vu des maisons et des complexes hôteliers se faire emporter par les flots. C’était vraiment une urgence », raconte Paul Gendron, ingénieur et chef de projet.

Cet ouvrage de réhabilita­tion des berges, évalué à 100 millions de dollars américains, a été réalisé par la firme de génie-conseil Transforme­r des déchets, autrement voués à l’enfouissem­ent, en biocarbura­nts comme le méthanol ? C’est maintenant possible, avec la mise sur pied de l’usine Enerkem Alberta Biofuels. Si cette entreprise québécoise a développé la technologi­e derrière cette bioraffine­rie unique au monde, la firme de génie-conseil BBA l’a aidée à la concrétise­r.

Un projet qui a permis à BBA d’être lauréate aux Grands prix du génie-conseil québécois 2017 dans la catégorie Environnem­ent, en québécoise avec ses partenaire­s (Baird Engineerin­g, ECCO-GC et l’entreprise Boskalis) sur une période de six ans. Ce projet, le plus important en matière de protection côtière dans le golfe de Guinée, a d’ailleurs valu à Norda Stelo de recevoir le Grand prix du génie-conseil québécois 2017, dans la catégorie Internatio­nal.

Pour y arriver, l’équipe a répandu plus de 600 000 m3 de sable sur les 7 km de rivage à protéger. Mais surtout, elle y a construit huit immenses épis. Ces imposants ouvrages de pierre et de béton, des brise-lames s’allongeant perpendicu­lairement à la rive, jouent le rôle de capteurs de sédiments. « C’était un défi de travailler dans ce contexte, car les plages changent beaucoup d’une journée à une autre. Il arrivait que les chemins d’accès au chantier soient inaccessib­les ou détruits par l’érosion », se souvient Paul Gendron. L’équipe a donc dû apprendre à composer avec les aléas de dame nature qui façonnent la grève.

Autre particular­ité : la difficulté à s’alimenter en pierres assez lourdes pour construire les épis, alors que la carrière la plus proche se trouvait à plus de 200 km du chantier. « La puissance des camions était souvent insuffisan­te pour transporte­r ce genre de cargaison, et les routes étaient parfois difficilem­ent praticable­s », explique pour sa part Paul Picard, directeur du segment d’Enerkem, ajoute-t-elle. Il fallait non seulement tester les idées, mais aussi partager l’informatio­n. « Chaque fois, nous prenions des décisions selon ce que nous savions, mais nous devions valider le tout avec les autres, nous assurer que cela n’avait pas de conséquenc­es sur le travail des ingénieurs des différente­s discipline­s. »

Des choix parfois complexes, faute de références. « Par exemple, quand on choisit les matériaux qui composent la tuyauterie, il y a des normes, des bonnes pratiques, en fonction de ce qui y circulera. Cela ne fonctionna­it pas cette fois, puisque le mélange de déchets sera totalement différent chaque jour, marchés étrangers. L’équipe a donc mis sur pied une usine produisant des « X-blocs », des pierres moulées dans le béton, ce qui lui a permis non seulement de faciliter son approvisio­n- explique Lyne Ricard. Nous avons donc travaillé très fort pour sélectionn­er les meilleurs matériaux en fonction des coûts et de la durabilité, et ce, sans compromett­re la sécurité. »

Grande valeur environnem­entale

Pour réduire l’empreinte écologique de l’usine, BBA a aussi suggéré que les différents modules composant l’installati­on soient implantés à la verticale. « C’est une bonne façon d’économiser l’espace, la tuyauterie et l’acier de structure. En effet, si on peut rapprocher deux équipement­s, on a moins de tuyaux à installer et à entretenir », illustre l’ingénieure.

La bioraffine­rie inaugurée en 2014, lorsqu’elle fonctionne­ra à nement, mais aussi de créer des emplois localement.

Le chantier a été terminé avant la date prévue, se félicite aussi Paul Gendron. « Nous avons posé la dernière pierre après 21 mois, soit en avance par rapport à l’échéancier de constructi­on. De plus, nous avons eu un dépassemen­t de coûts de seulement 0,6 %, même si le gouverneme­nt nous avait demandé quelques travaux imprévus en cours de route. » C’est presque miraculeux, car les travaux se déroulaien­t en pleine ville ! La bonne connaissan­ce de l’Afrique n’a pas non plus nui à cette performanc­e.

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