Les Affaires

La Tour des Canadiens : contre vents et marées

- – ANNE-MARIE TREMBLAY

Inaugurée en 2016, la première Tour des Canadiens s’impose dans le paysage montréalai­s, avec ses 53 étages et ses 553 condos de prestige. Cependant, il est impossible de deviner qu’au sommet de ce gratte-ciel se trouve un bassin d’eau dont le mouvement permet de contrebala­ncer l’effet du vent. Une première au Québec.

Une innovation implantée en cours de route, raconte Marc-André Nadin, ingénieur et associé chez SDK, la firme responsabl­e de la conception de l’édifice. En effet, comme ses unités se vendaient comme des petits pains chauds, la Tour des Canadiens a été agrandie vers le haut. Un ajout de l’équivalent de deux étages et d’une vingtaine de condos, qui a obligé l’équipe à revoir ses plans.

En effet, tout gratte-ciel bouge sous la force du vent. Il faut tenir compte de cet élément au cours de la conception. « La personne qui se trouve à l’intérieur n’est pas affectée par ce facteur tant que la vitesse du déplacemen­t est constante, assure Marc-André Nadin. Toutefois, si l’édifice bouge trop vite, donc s’il y a une accélérati­on dans le bâtiment, l’individu peut ressentir un certain malaise. »

Si la tour originale respectait ces critères de confort, l’ajout de deux étages a changé la donne, précise l’ingénieur. « Normalemen­t, on peut consolider les murs pour remédier à cela, mais comme plusieurs condos étaient déjà vendus sur plan, cela n’aurait pas été possible puisqu’il aurait fallu gruger sur leur superficie. »

De l’eau pour contrecarr­er le vent

C’est pourquoi l’équipe de SDK et associés a plutôt opté pour l’implantati­on d’un bassin étanche en béton, installé au sommet du gratte-ciel. À l’intérieur de celui-ci se trouve une série de plaques d’acier inoxydable perforées et calibrées de façon à moduler le mouvement de l’eau en sens contraire à celui du bâtiment, précise l’ingénieur.

« L’effet de balancier ainsi créé par le liquide vient contrecarr­er les accélérati­ons du mouvement de la structure lorsqu’il vente et assure ainsi le confort des résidents et des usagers de la tour », décrit-il. Une solution souvent utilisée ailleurs, notamment à New York ou au Japon, et développée avec Gradient Wind Engineerin­g, une firme d’Ottawa spécialisé­e dans ce domaine.

Autre particular­ité du projet : le fait de construire en plein centre-ville, juste à côté du Centre Bell. Cette localisati­on a complexifi­é le dossier. Par exemple, il fallait tenir compte de la présence du métro juste sous l’empreinte du bâtiment. « On ne pouvait pas s’appuyer directemen­t sur la voûte du métro, parce que l’édifice est beaucoup trop lourd. Il a donc fallu installer des poutres de transfert au niveau des fondations afin de ne pas lui imposer de charge. »

Tous ces défis ont permis à ce projet de 216 millions de dollars, mené pour un consortium formé de la Corporatio­n Cadillac Fairview, de Canderel, du Fonds immobilier de solidarité FTQ et du Club de hockey Canadien, de remporter le Grand prix du génie-conseil québécois 2017 dans la catégorie Bâtiment, structure.

élevés, à l’intérieur de ses budgets.

Mission accomplie : l’édifice de quatre étages attend une certificat­ion LEED argent, et l’enveloppe de 9,2 millions de dollars a été respectée. « La majorité des améliorati­ons ont été intégrées à coût nul, précise Jonathan Vigneault. L’idée, c’était d’obtenir le maximum sur le plan environnem­ental sans avoir d’impact sur le budget alloué à la constructi­on du bâtiment. »

Au frais sans trop de frais

Si plusieurs technologi­es vertes ont été implantées, c’est surtout en matière de climatisat­ion que le projet s’est démarqué, avec l’installati­on de poutres climatique­s, explique l’ingénieur. Un système rarement utilisé pour alimenter tout un bâtiment. « Si ça pose certains défis techniques, ça réduit aussi de façon importante les coûts du système de climatisat­ion ainsi que l’espace requis pour les conduits de ventilatio­n, que ce soit dans l’entreplafo­nd ou dans la salle des machines. »

En effet, le système de poutres climatique­s combine la diffusion d’air et le refroidiss­ement dans un même appareil. Comme les conduits sont plus petits, cela génère des économies en matière d’espace, mais aussi de coûts d’installati­on et de consommati­on d’énergie, précise M. Vigneault.

La facture sera réduite du tiers, si on en croit les simulation­s sur l’édifice sorti de terre en 2016. « Bien sûr, le bâtiment s’y prêtait, ce qui n’est pas toujours le cas, mais cela m’a permis de développer mon expertise à ce sujet », s’enthousias­me-t-il. Un atout pour cet ingénieur qui a obtenu son titre il y a moins de cinq ans.

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