Le vote consultatif : efficace ?
Le vote consultatif sur la rémunération améliore-t-il le rapport rendement-prix des dirigeants? Cette pratique ne semble pas avoir été efficace pour arrimer la rémunération à la création de valeur dans les sociétés québécoises en 2016, selon notre palmarès.
Le vote consultatif sur la rémunération est devenu une pratique répandue chez Québec inc. Des 47 entreprises de notre échantillon, 27 avaient tenu un vote consultatif sur la rémunération, soit 57%. Ce vote donne l’occasion aux actionnaires de se prononcer sur la rémunération des dirigeants. En principe, un faible soutien inciterait les administrateurs à revoir leur pratique ou à « mieux l’expliquer », même si le vote n’est pas contraignant.
Au sein de notre échantillon, nous n’avons pas vu de corrélation entre notre indicateur de performance et la tenue d’un vote consultatif. C’est même le contraire. À - 0,25, le lien serait inverse, quoique dans une faible mesure. En fait, entre le 1er et le 24e rang, 46% avaient un vote consultatif. Du 25e rang au 47e rang, ils étaient 70%. À la lumière de ces résultats, Karine Turcotte, gestionnaire de portefeuille chez Gestion de portefeuille stratégique Medici, est tout de même en faveur de l’exercice. « Chaque mesure visant à changer la culture déficiente en matière de rémunération est à prendre positivement, commente-t-elle. On doit continuer à se poser des questions pour voir comment améliorer la situation. »
Il y a toutefois un effet pervers au vote consultatif, croit Mme Turcotte. Il peut inciter les conseils à déléguer leurs responsabilités à des consultants afin d’éviter d’être montrés du doigt par les actionnaires. Ainsi, ce qui se fait dans les entreprises comparables influence davantage la rémunération que le travail accompli par les dirigeants. Mme Turcotte donne l’exemple des grandes banques canadiennes. En 2012, l’écart-type entre la rémunération des hauts dirigeants des six banques canadiennes était de 8,2. En 2016, ce chiffre est de 4,2. Ce changement montre « la tendance à l’uniformité » de la rémunération au sein des grandes banques canadiennes, même si celles-ci n’ont pas les mêmes défis de taille et de région, déplore-t-elle.
Dans le passé, l’ IGOPP s’est lui aussi montré critique quant au vote consultatif. Le recours aux consultants crée un standard que les conseils peuvent présenter aux investisseurs institutionnels qui l’entérinent. Résultat: les conseils obtiennent régulièrement des chiffres supérieurs à 90%. « On a des dictateurs qui sont élus avec des votes inférieurs, blague M. Dauphin. Ça vient légitimer la rémunération: les actionnaires ont voté massivement pour. On est parfois surpris de ce que ça donne en valeur numéraire l’année suivante. » Selon M. Dauphin, la meilleure manière de faire connaître son désaccord reste de voter contre les administrateurs au comité des ressources humaines.•
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