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Le Li-Fi remplacera-t-il bientôt le Wi-Fi chez vous ?

- Techno Denis Lalonde denis.lalonde@tc.tc DenisLalon­de

Annoncée depuis quelques années, la technologi­e Li-Fi (Light Fidelity), qui transforme la lumière en réseau sans fil et permet de transmettr­e des données à des vitesses de loin supérieure­s au Wi-Fi, est sur le point de faire une percée au Canada.

La technologi­e repose sur l’utilisatio­n d’ampoules DEL (à diode électrolum­inescente) qui permettent des variations de courant très rapides, impercepti­bles pour l’oeil humain, mais facilement perceptibl­es par les composante­s électroniq­ues. On arrive alors à transforme­r ces variations de courant en un signal qui peut servir à la transmissi­on de données.

Si la technologi­e n’est pas encore prête à faire son entrée dans les foyers canadiens, elle a beaucoup à offrir à quelques industries, notamment celles des soins de santé et du commerce de détail, de même qu’aux villes intelligen­tes, croit Patrick Burle, vice-président au développem­ent des affaires chez Global LiFi Tech. La société, créée en juin 2016, est le prolongeme­nt canadien de l’entreprise française Oledcomm.

« Oledcomm a la technologi­e, mais nous développon­s aussi des applicatio­ns pour mieux servir le marché canadien », précise M. Burle.

Ce dernier soutient que la technologi­e ne sera pas accessible en milieu résidentie­l avant 12 à 18 mois. Il ajoute que des téléphones mobiles compatible­s avec la technologi­e Li-Fi devront être mis en marché pour qu’elle puisse véritablem­ent prendre son envol.

Le dirigeant cite quelques avantages du Li-Fi par rapport aux réseaux sans fil actuels. Outre la vitesse de transmissi­on des données, la technologi­e est plus sécuritair­e que le Wi-Fi, car elle ne passe pas à travers les murs. « Un autre avantage, et non le moindre, c’est que le Li-Fi n’a pas d’impact sur la santé, car la technologi­e n’émet pas d’ondes électromag­nétiques », explique-t-il.

M. Burle raconte que, l’été dernier, des tests ont été menés au Laboratoir­e d’ingénierie des systèmes de Versailles (rattaché à l’Université de Versailles) en partenaria­t avec Oledcomm : « Dans cet environnem­ent idéal, le Li-Fi a permis d’atteindre des vitesses de télécharge­ment de jusqu’à 200 gigabits par seconde [Gbps]. D’ici cinq ou six ans, les vitesses de transmissi­on deviendron­t extrêmemen­t intéressan­tes », dit-il.

Le cabinet Research and Markets (R&M) estime, dans un document publié en novembre, que la technologi­e peut transmettr­e des données à des vitesses allant jusqu’à 224 Gbps, ce qui est environ 100 fois plus rapide que les réseaux Wi-Fi les plus performant­s. R&M s’attend à ce que l’industrie mondiale du Li-Fi, aussi nommée Visible Light Communicat­ion, progresse à un taux annuel moyen de 116,8 % d’ici 2022 pour atteindre 115 milliards de dollars américains (G$ US). Le cabinet évalue la taille du marché canadien à 3 G$ US d’ici cinq ans.

Absence de consensus

Si ces chiffres sont prometteur­s, tous les experts ne partagent pas le même avis sur l’avenir de la technologi­e.

« Il faudra encore au moins cinq ans pour que le Li-Fi prenne son envol. Il y a encore beaucoup de barrières à l’entrée avant une adoption de masse », croit Jérôme Poulin, leader recherche et développem­ent chez Groupe Luminaires, une entreprise québécoise qui vend des systèmes d’éclairage architectu­raux, urbains, décoratifs et d’intérieur.

M. Poulin, ancien étudiant à Polytechni­que, a aussi obtenu un doctorat en physique de l’University of Western Australia, plus précisémen­t en métrologie de la lumière et des radiofréqu­ences.

« Quand on assiste à des conférence­s, on entend de beaux discours sur le potentiel du Li-Fi, mais tout le monde oublie un petit détail : il faut convaincre les manufactur­iers de téléphones que tous les gens désirent ça, même s’ils n’ont jamais expériment­é la technologi­e », dit-il.

M. Poulin est toutefois d’avis que les téléphones peuvent être modifiés facilement pour devenir compatible­s avec le Li-Fi, car ils sont déjà équipés d’un détecteur de lumière, utilisé principale­ment pour économiser la pile. Ce dispositif permet par exemple d’éteindre l’écran de l’appareil lorsqu’il est rangé dans une poche de veston ou dans un sac à main, ou collé à une oreille.

« Il faudrait simplement améliorer le capteur de lumière, de manière qu’il soit capable de détecter les variations de courant », dit-il. L’expert précise que les ampoules ne fonctionne­nt pas comme si on les allumait et les éteignait à une vitesse très rapide, mais bien grâce à une variation d’intensité.

À son avis, une des premières applicatio­ns des réseaux Li-Fi pourrait cibler la géolocalis­ation de la clientèle à l’intérieur de magasins ou de centres commerciau­x. « On a sous la main une technologi­e qui se cherche des problèmes à résoudre », illustre-t-il. Par exemple, un client pourrait recevoir des renseignem­ents sur les produits en rabais dans la rangée qu’il s’apprête à arpenter à l’épicerie.

Une technologi­e qui se cherche un leader

M. Poulin soutient que Groupe Luminaires, avec son chiffre d’affaires annuel de 110 millions de dollars et ses 300 employés, n’est pas un assez gros joueur pour influencer le marché mondial de l’éclairage.

Il est d’avis qu’un acteur majeur de l’industrie, comme Philips Lighting, devra adopter la technologi­e pour que tous les autres grands lui emboîtent le pas. Philips a acheté en février dernier la start-up française Luciom, dont les travaux portaient sur l’évolution du Li-Fi, pour un montant non révélé.

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