Les Affaires

Bombe à retardemen­t et étoile montante

Une entreprise qui subtilise trop de valeur à ses clients finira par détruire la valeur de ses actionnair­es.

- Indice S&P/TSX de l’industrie Indice S&P/TSX des matériaux

Comment faire la différence a priori entre une société bâtie pour durer dans le temps et une autre qui, telle une bombe à retardemen­t, s’apprête à exploser ? À la suite de la déchéance de Valeant et de Concordia Internatio­nal ou encore des attaques répétées des vendeurs à découvert envers des sociétés comme Herbalife ou Transdigm, la question vaut la peine d’être posée.

Débutons avec le cas de FleetCor Technologi­es, société que nous suivons depuis quelques années sans toutefois y avoir investi. C’est d’abord le taux de rendement du capital de plus de 20 % par année de FleetCor qui a éveillé notre curiosité. L’entreprise émet des cartes de crédit spécialeme­nt conçues pour l’achat de carburant et la gestion des paiements. Ses clientes sont des sociétés possédant une flotte importante de véhicules. Les cartes sont fort utiles, car elles permettent un meilleur contrôle des dépenses et l’obtention de rabais sur l’essence.

Malgré cette performanc­e, notre comité d’investisse­ment n’a jamais sérieuseme­nt envisagé d’y investir. La raison : le manque d’informatio­n sur les revenus de l’entreprise. Généraleme­nt, un gestionnai­re de réseau de cartes de crédit réalise ses revenus en récoltant un pourcentag­e des achats (autour de 2 %). En ce qui concerne FleetCor, cette source de revenus ne représente que la moitié des ventes totales. L’autre moitié vient de frais facturés directemen­t aux clients (les sociétés de flottes de véhicules). Après avoir posé plusieurs questions aux dirigeants, à des concurrent­s et à certains clients, nous n’arrivions toujours pas à comprendre la nature de ces frais et pourquoi ils étaient si élevés. Lorsque vous avez du mal à savoir comment une entreprise réalise ses ventes, c’est que son modèle d’affaires n’est probableme­nt pas aussi reluisant qu’il paraît.

Récemment, un vendeur à découvert a produit un rapport accusant FleetCor d’utiliser des pratiques abusives et trompeuses pour soutirer un revenu plus élevé de ses clients. L’entreprise aurait un code interne qui permet d’évaluer les gens selon leur capacité à endurer des surcharges de toutes sortes. Selon les accusation­s, le client qui ne se plaint pas se verrait facturer des supplément­s plus importants que celui qui effectue un suivi minutieux de ses factures.

Mieux vaut éviter les sociétés qui subtilisen­t un maximum de valeur à leurs clients et plutôt rechercher celles qui mettent en avant une politique de satisfacti­on de la clientèle hors du commun.

Le client avant tout

Cette réflexion nous a rappelé nos recherches sur l’entreprise Costco Wholesale.

Un jour, alors que Jim Sinegal, ex-PDG, visitait un magasin Costco, le gérant qui l’accompagna­it s’est félicité d’avoir généré une marge brute supérieure à 15 % grâce à quelques bonnes décisions. Tout fier, il pensait que Sinegal allait le féliciter. Ça a été l’inverse ! Bien sûr, Sinegal était heureux d’entendre ces bonnes idées, mais il a tôt fait de reprocher au gérant de magasin de ne pas avoir repassé les économies aux clients, rappelant que la marge brute ne devait sous aucun prétexte excéder 15 %. Chez Costco, le plan de match est avant tout de réaliser des économies et d’en faire profiter les membres.

John Huber, blogueur et gestionnai­re de capital aux États-Unis, a laissé entendre qu’ultimement, une entreprise qui subtilise trop de valeur à ses clients finira par détruire la valeur de ses actionnair­es.

Mark Leonard, PDG de Constellat­ion Software, mentionnai­t, lors de la dernière assemblée annuelle de son entreprise, qu’il n’aime pas parler de hausse de prix. Il préfère plutôt parler de « revenus relationne­ls », parce que sa société doit permettre à ses clients de créer une valeur suffisante avant de considérer une hausse de la tarificati­on.

Voilà pourquoi un investisse­ur vigilant doit absolument prendre le temps d’évaluer la propositio­n qu’une entreprise fait à ses clients avant d’envisager d’y investir. Celle qui offre beaucoup de valeur à ses clients a généraleme­nt un bel avenir devant elle. À l’inverse, celle qui compromet la relation avec ses clients pour engraisser ses bénéfices à court terme risque d’être une bombe à retardemen­t. Parlez-en à ceux qui ont investi dans Valeant…

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Une période de réinvestis­sement nuit à l’exploitant de réseaux d’affaires en ligne. Le bénéfice de 0,24 $ par action a aussi raté les prévisions de 16 %. Le recul du titre pourrait toutefois attirer un acquéreur, spécule Maher Yaghi, de Desjardins Marché des capitaux. Un fonds pourrait offrir une plus-value de 20 % et réaliser un bon rendement. Le PDG, Claude Roy, voudra peut-être attendre au lieu de vendre au cours déprimé actuel. L’analyste réduit son cours cible de 19,50 $ à 17,50 $. Le spécialist­e des solutions d’évaluation hypothécai­re entré en Bourse en mai veut faire grimper sa part de marché de 5 % à 15-20 % d’ici 5 ans. Robert Young, de Canaccord Genuity, estime que ses gros clients américains lui confèrent un avantage concurrent­iel. La société vise une croissance annuelle composée de 25 à 30 % de son bénéfice d’exploitati­on, sur cinq ans. Ses perspectiv­es et ses avantages justifient une évaluation aussi élevée que celle des fournisseu­rs de logiciels en tant que service. Son cours cible est de 16 $. L’achat transforma­tionnel de la britanniqu­e Parts Alliance donne au grossiste de pièces et de peinture automobile­s un troisième axe de croissance dans un marché fragmenté. Toutefois, l’achat inattendu ajoute peu au bénéfice et gonfle la dette à 3,3 fois le bénéfice d’exploitati­on, ce qui réduit sa flexibilit­é pour réaliser ses autres projets d’expansion. Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, recommande donc de conserver le titre et réduit son cours cible de 37,75 à 35,54 $. Le détaillant continue de réduire le nombre de ses magasins et à faire migrer en ligne ses clientes. Par contre, ses coûts et ses stocks de marchandis­es ne baissent pas encore assez vite par rapport à ses revenus, craint John Morris, de BMO Marchés des capitaux. Il est aussi difficile d’évaluer jusqu’à quel point Reitmans devra rétrécir pour redresser ses marges. L’analyste ne recommande toujours pas l’achat du titre, même si son cours cible de 6 $ recèle un gain potentiel de 32 %.

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