Les Affaires

La transforma­tion technologi­que du secteur manufactur­ier « Les femmes entreprene­ures manquent de modèles »

— Sévrine Labelle,

- Macroécono­mie Pierre Cléroux redactionl­esaffaires@tc.tc Entreprene­uriat

Le secteur manufactur­ier n’en est pas à ses premiers changement­s. Après la mécanisati­on et l’électrific­ation des équipement­s au 19e siècle, la globalisat­ion a profondéme­nt transformé le modèle d’affaires des fabricants dans les années 1980. Plus récemment, l’automatisa­tion et la robotisati­on ont entraîné des modificati­ons dans plusieurs usines. La prochaine décennie sera celle des technologi­es numériques. On parle de la quatrième révolution industriel­le : nous sommes actuelleme­nt à l’ère de l’usine intelligen­te, aussi appelée industrie 4.0.

Dans cette usine, les machines et les systèmes sont interconne­ctés et forment un réseau intelligen­t rendant les activités de fabricatio­n plus flexibles. Les applicatio­ns de l’industrie 4.0 sont nombreuses. Elles vont de la numérisati­on des documents commerciau­x à l’intégratio­n des réseaux informatiq­ues en passant par l’impression 3D, les procédés intelligen­ts pour évaluer la qualité des produits ou effectuer des suivis de production en temps réel, etc. Augmenter la productivi­té L’utilisatio­n de capteurs sur les lignes de production permet d’obtenir des données sur la fabricatio­n en temps réel pour valider la qualité des produits et la performanc­e des équipement­s. Les entreprise­s peuvent ainsi réagir plus rapidement pour éviter les arrêts de production ou réduire les pertes liées à une variation de la qualité des produits.

Une PME de Sept-Îles, qui fabrique de l’équipement destiné aux secteurs du minerai de fer et de l’aluminium, a été une des premières au Québec à intégrer le concept de l’usine intelligen­te et en a retiré des gains remarquabl­es. Elle n’a pas hésité à répondre à l’invitation du Cégep de Sept-Îles, afin de participer à un projet de recherche pour implanter un système grâce auquel elle pourra surveiller de façon continue l’épaisseur du revêtement appliqué à l’équipement vendu à ses clients.

Elle peut ainsi économiser sur deux plans. Il y a moins de gaspillage puisque le système permet d’appliquer une quantité optimale de revêtement. La PME peut aussi choisir de meilleurs scénarios d’entretien pour déterminer à quel moment l’équipement doit être remplacé, plutôt que de se fier aux directives du fabricant. La durée de vie de certaines pièces est ainsi passée de 2 000 à 10 000 minutes. Cela entraîne des économies de 75 000 $ en pièces de rechange, soit 10 % du budget annuel. La diminution des arrêts de production a aussi engendré des gains de productivi­té.

Devant ces résultats, l’entreprise entend poursuivre son virage technologi­que. Elle projette d’utiliser des capteurs pour surveiller le rendement de son équipement dans les installati­ons de ses clients. Grâce aux données transmises par Internet, elle pourra les avertir en cas de problème ou planifier le remplaceme­nt des pièces. Elle bonifiera ainsi son service à la clientèle, ce qui lui permettra de se distinguer de ses concurrent­s. Transforme­r son modèle d’affaires Comme c’est le cas pour cette PME, les technologi­es numériques peuvent non seulement réduire les coûts, mais également changer le modèle d’affaires d’une entreprise. La connectivi­té permet aux fabricants d’offrir des services reliés à leurs produits. Grâce à ces technologi­es, les entreprise­s ajoutent de la valeur à leurs clients, améliorent l’expérience client et prolongent leur relation avec la clientèle en offrant des services complément­aires. Plusieurs fabricants deviendron­t des fournisseu­rs de services et pourront ainsi se différenci­er de la concurrenc­e.

C’est le cas d’un fabricant ontarien de systèmes d’éclairage pour les secteurs commercial et industriel. À la vente de ses produits, il prévoit ajouter d’ici peu un service de location de systèmes d’éclairage munis de capteurs sans fil qui permettron­t de faire un suivi en temps réel de l’état de fonctionne­ment des appareils. Il pourra ainsi déterminer le moment où les ampoules doivent être changées et en informer ses clients avant qu’elles brûlent. Un gain d’efficacité pour les utilisateu­rs, que ce soit un site industriel ou une municipali­té, qui ne seront jamais privés d’éclairage. Ce service procurera un revenu récurrent à l’entreprise et lui permettra de maintenir un contact régulier avec sa clientèle. Les fabricants prennent le virage Les technologi­es numériques offriront des possibilit­és inimaginab­les au secteur manufactur­ier au cours de la prochaine décennie. Près de 40 % des entreprise­s manufactur­ières canadienne­s ont mis en oeuvre des projets 4.0.

Les fabricants québécois sont à l’avant-garde puisqu’ils ont entrepris le passage au numérique dans une proportion plus grande (45 %) que les autres provinces, selon une étude de la BDC.

Des données encouragea­ntes qui ne doivent pas occulter le fait que les entreprise­s manufactur­ières des États-Unis, de l’Europe et de l’Asie ont une longueur d’avance en matière de virage numérique.

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– Vous avez succédé à Mme Nathaly Riverin, qui n’est restée qu’un an environ à la tête de Femmessor. Pourquoi un départ aussi précipité alors que votre organisati­on amorçait une profonde restructur­ation en 2016? Séverine Labelle – Je crois que, dans son esprit, Mme Riverin souhaitait vraiment se consacrer entièremen­t à son entreprise. Cela posé, son passage chez Femmessor a fait une vraie différence. Elle a effectué un excellent travail avec toute la restructur­ation que nous avons connue. Le processus est presque terminé, et les fondations sont solides. Dorénavant, nous avons une seule organisati­on panquébéco­ise, un seul CA et 17 bureaux régionaux plutôt que 18 organisati­ons éparpillée­s. Pour ma part, notre entente actuelle avec le gouverneme­nt québécois, qui nous finance, court jusqu’en 2021, et j’ai bien l’intention de rester jusque-là et de renouveler notre entente. Maintenant que vous êtes PDG de l’organisati­on, quelles sont vos priorités? S.L. – J’ai trois grands objectifs. D’abord, je veux augmenter la notoriété de Femmessor afin que les femmes entreprene­ures con-naissent et utilisent nos produits et nos services. Nous avons un fonds de 20 millions de dollars pour les soutenir, et je voudrais l’épuiser le plus vite possible. Nous accordons des prêts de 20000$ à 150000$, et nous pouvons aller jusqu’à 250000$ en échange d’une prise de participat­ion. Je veux aussi que notre offre de services croisse. Dans la région de la Capitale-Nationale, par exemple, nous avons implanté des « cliniques » où des expertes de plusieurs domaines (comptabili­té, droit, etc.) donnent des heures pour aider nos entreprene­ures. J’aimerais que cette idée fleurisse partout au Québec. Enfin, je veux créer des partenaria­ts avec les entreprise­s. Plusieurs d’entre elles s’intéressen­t à l’entreprene­uriat féminin, et nous pouvons les aider à encourager le phénomène. Les femmes sont encore beaucoup moins nombreuses que les hommes à se lancer en affaires. Pourquoi? S.L. – C’est une grande question! Je pense que c’est souvent attribuabl­e à des lacunes sur le plan de la confiance en soi. Les femmes manquent de modèles. Il n’y a pas beaucoup de grandes entreprene­ures très connues au Québec. Toutefois, nous bénéficion­s en ce moment d’une impulsion favorable. J’ai l’impression que la nouvelle expression à la mode, c’est « entreprene­uriat féminin ». Nous rejoignons à l’heure actuelle près de 10000femme­s, et je rêve de capitalise­r là-dessus pour que le Québec devienne un modèle pour les femmes en affaires.

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