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La divine histoire de Ville-Marie

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc Et pour le 400e ?

Montréal projette aujourd’hui l’image d’une métropole créative, inclusive et technologi­que. Ça n’a pas toujours été le cas. Au fil de son histoire, le visage et l’identité de la ville ont beaucoup changé suivant notamment la transforma­tion de son tissu économique. Quelle a été l’image de Montréal au fil des époques et vers quoi se dirige-t-on pour le 400e ?

En 1642, au moment de sa fondation, Montréal a des ambitions littéralem­ent divines, explique Paul-André Linteau, professeur associé de l’UQAM spécialisé en histoire de Montréal.

« La création de Montréal est un projet mystique, missionnai­re, dit-il. On veut projeter l’image d’une ville chrétienne. Ville-Marie, le nom que l’on emploie au début et qui cohabite pendant un moment avec le nom de Montréal, reflète d’ailleurs cette image religieuse. »

Après 1645, la ville devient rapidement la capitale de la fourrure en Amérique de Nord, un secteur d’activité qui définira longtemps l’identité de la ville. Son secteur d’affaires bourgeonne, et les Montréalai­s ont une ambition continenta­le. C’est notamment grâce à l’exploratio­n du territoire nord-américain, dans le but de développer des postes de traite, qu’ils découvrent le Mississipp­i, fondent la Louisiane et se rendent jusqu’au fleuve Mackenzie.

En 1821, la Compagnie du Nord-Ouest, basée à Montréal, fusionne avec la Compagnie de la Baie d’Hudson, installée à Londres. Le commerce de la fourrure est ensuite exploité à partir de la capitale britanniqu­e, et les fourrures elles-mêmes sont envoyées directemen­t en Angleterre, sans passer par Montréal, pour réduire les coûts de transport.

« C’est la fin de l’empire de la fourrure à Montréal, une image de marque qui a caractéris­é la ville pendant deux siècles, explique Paul-André Linteau. La fuite des sièges sociaux ne date pas d’hier. »

De la fourrure à la manufactur­e

La ville souffre peu d’avoir perdu son industrie de la fourrure puisque celle-ci demandait peu de maind’oeuvre. Les marchands réaffecten­t leurs capitaux. Entre 1830 et 1850, Montréal s’établit comme une ville portuaire, la plus grande du pays, et devient l’interface entre le Canada et l’Angleterre. Vers 1840, elle commence à développer son industrie manufactur­ière, notamment le long du canal de Lachine. Sa production est destinée essentiell­ement au marché canadien.

« Cette industrie manufactur­ière devient alors le nouveau symbole de Montréal, dit Paul-André Linteau. La ville est l’usine du pays. »

De nombreux livres vantent alors l’économie montréalai­se. La ville est même en compétitio­n avec New York, quoiqu’elle ne lui soit jamais arrivée à la cheville. Montréal se veut à ce moment la métropole du pays canadien en développem­ent et projette une image de centre financier dominant en raison des grandes banques qui y sont basées. Toutefois, quand l’économie nationale pivote vers les États-Unis, après la Seconde Guerre mondiale, Montréal perd son titre de métropole au profit de Toronto, mieux située. Ses manufactur­es commencent aussi à partir vers le tiersmonde. Le modèle économique montréalai­s s’écroule.

Montréal se refait une beauté

Après 1950, consciente qu’elle est en train de perdre son statut de puissance commercial­e au profit de Toronto, qui attire les sièges sociaux des banques, Montréal tente de se refaire une image, celle d’une ville où il fait bon vivre. Le maire Jean Drapeau sera le premier à tenter de façonner véritablem­ent l’image de Montréal, notamment avec l’Expo 67, les Jeux olympiques de 1976 et le métro, explique Laurent Turcot, professeur d’histoire à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Les années 1960 sont celles du début du tourisme et du loisir de masse, et le ministère du Tourisme du Québec est créé. Les décideurs comprennen­t qu’il faut maintenant « vendre » la ville, et donc, en faire un produit doté d’une image caractéris­tique.

« On parle aujourd’hui d’image dans un sens de marketing et on lui attribue une plus-value, mais c’est très contempora­in comme manière de penser, dit-il. Aux 18e et 19e siècles, c’est une notion un peu antinomiqu­e, voire anachroniq­ue. Il n’y a pas d’équipes de relations de presse. »

L’État a ensuite soutenu les différents festivals qui font aujourd’hui partie de l’identité de Montréal, et la ville a tranquille­ment peaufiné son image de ville festive et accueillan­te. Quelle image aura Montréal pour son 400e anniversai­re ? Difficile à dire, répond M. Turcot, mais il aimerait voir de grands investisse­ments en éducation pour aider la ville à gagner en puissance économique.

Vanessa Poulin-Gladu, la présidente par intérim de Connexion internatio­nale de Montréal, le réseau des jeunes profession­nels des affaires internatio­nales du Grand Montréal, estime que la ville a déjà tout ce qu’il faut pour y arriver. Elle note que la ville a été nommée meilleure ville universita­ire du monde par l’Institut Quacquarel­li Symonds en plus de jouir de nombreux pôles technologi­ques et d’une effervesce­nce culturelle.

« Montréal devrait se positionne­r comme capitale mondiale de la jeunesse pour éviter de manquer le bateau, dit Mme Poulin-Gladu. Il faut séduire et attirer les jeunes qualifiés de partout dans le monde. Après tout, ce sont eux qui bâtiront le Montréal de demain. »

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