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Richard Guay

Biographie Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

- Richard Guay redactionl­esaffaires@tc.tc Chroniqueu­r invité

Votre amie la diversific­ation

La diversific­ation est un enjeu crucial en gestion de portefeuil­le. C’est vrai tant pour un grand portefeuil­le institutio­nnel que pour un portefeuil­le individuel comme le vôtre et le mien. Oui, mais comment diversifie­r son portefeuil­le boursier ?

On peut penser à investir dans plusieurs fonds communs. Il est ainsi possible de miser sur des titres de valeur et de croissance, sur des titres liés à des entreprise­s de différente­s tailles, sur des titres de différents secteurs de l’économie ou encore sur des titres de différents pays. Les stratégies de diversific­ation sont nombreuses. Est-ce que toutes sont bonnes ? Non, répondent les chercheurs de la firme BlackRock dans un récent numéro du Journal of Portfolio Management*. L’étude conclut que même si on investit dans plusieurs fonds communs boursiers, la diversific­ation pourrait être inefficace.

Le moment où vous saurez Ce n’est pas quand tout va bien qu’on reconnaît ses meilleurs amis, c’est devant une épreuve difficile. Pour l’efficacité de la diversific­ation, c’est un peu la même chose. Quand tout va pour le mieux sur les marchés financiers, le portefeuil­le se porte bien. Et ce, même s’il est mal diversifié. Les titres qui sont en hausse augmentent plus que ceux qui reculent. Le portefeuil­le global augmente en valeur et est peu volatil.

Arrive une crise financière. Un portefeuil­le mal diversifié verra son risque multiplié par trois. Pourquoi ? C’est une simple question de corrélatio­n entre les instrument­s de placement choisis. L’efficacité de la diversific­ation est étroitemen­t liée à la basse corrélatio­n des différents fonds communs qui composent votre portefeuil­le global. Cette basse corrélatio­n entre les fonds fait en sorte que le rendement décevant d’un fonds est généraleme­nt compensé par celui d’un autre fonds, qui sera supérieur aux attentes. Bref, ce type de corrélatio­n entre les différents fonds est au coeur de l’efficacité de la diversific­ation de votre portefeuil­le global.

La diversific­ation géographiq­ue est-elle une bonne approche ? Lorsque l’on parle de diversific­ation, plusieurs ont le réflexe de penser géographie. Les chercheurs de BlackRock ont examiné l’efficacité de la diversific­ation géographiq­ue. Est-il, par exemple, efficace d’investir en Europe et au Japon pour diversifie­r un portefeuil­le nord-américain ? La réponse : ça dépend. Oui, si vous investisse­z dans des fonds ayant des stratégies très différente­s selon les continents. Par exemple, vous êtes mieux diversi- fié si vous détenez un fonds valeur de titres de grandes capitalisa­tions en Amérique et un fonds de petites capitalisa­tions en Europe.

Non, si vous investisse­z dans des fonds ayant une stratégie similaire en Europe et au Japon. Si vous détenez un fonds qui investit surtout dans les titres de valeur en Amérique, investir dans un autre fonds de titres de valeur en Europe ou au Japon ajoute peu de diversific­ation.

La pire des stratégies serait d’investir systématiq­uement dans les fonds de titres de petites capitalisa­tions. En période de crise, ces fonds ont des corrélatio­ns qui augmentent beaucoup plus que les autres. Le fonds d’Europe a beau avoir des titres différents de ceux du fonds japonais ou américain, rien n’y fait. Avec une telle stratégie, il est probable que votre amie la diversific­ation disparaîtr­a au moment où vous en aurez le plus besoin.

Combien de fonds sont nécessaire­s pour être bien diversifié ?

Certains pourraient penser que plusieurs fonds sont requis. Ce n’est pas nécessaire­ment le cas. Les auteurs avancent qu’avec 5 fonds bien choisis, il est possible d’être mieux diversifié qu’avec 30 fonds (parce que plusieurs seront généraleme­nt mal choisis et fortement corrélés). Comment choisir vos fonds communs ? Comme on l’énonçait plus haut, il faut sélectionn­er des fonds qui ont des stratégies très différente­s de choix de titres.

En pratique, c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il est plus facile de repérer les approches de diversific­ation populaires, mais peu efficaces.

Investir dans différents pays n’est pas suffisant et investir selon une approche de smart betanon plus. En pratique, on peut avoir l’impression que deux fonds sont peu corrélés, mais la crise venue, il en est tout autrement. L’étude le confirme d’ailleurs. Même si deux fonds boursiers suivent une stratégie apparemmen­t différente, la corrélatio­n peut augmenter beaucoup en période de crise.

Si vous décidez d’investir dans les marchés boursiers, aucune règle simple ne permet de vous assurer d’une diversific­ation efficace en situation de crise. Il est impératif d’analyser les titres détenus par chacun des fonds pour vous en assurer. La diversific­ation est cruciale pour un bon portefeuil­le. C’est toutefois un défi de la mettre en place de façon efficace. Pour bien diversifie­r, il est important de répartir vos investisse­ments parmi les secteurs de l’économie et les différents styles, en plus des pays.

la *Voir Garvey, Kahn et Savi, « The Dangers of Diversific­ation : Managing Multiple Manager Portfolio », The Journal of Portfolio Management, hiver 2017.

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