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Investir dans la première maison Amazon: un mirage ou l’occasion d’une vie?

Prévisions des revenus personnels totaux par génération aux États-Unis

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Petit à petit, l’oiseau fait son nid. Un jour, les milléniaux cesseront de mettre l’achat d’une propriété en veilleuse, et ce jour pourrait être lucratif pour les quincailli­ers comme Lowe’s (LOW) et Home Depot (HD).

L’absence d’acheteurs milléniaux dans le marché immobilier se fait remarquer. Aux États-Unis, la proportion de propriétai­res se trouve près d’un creux de 50 ans, selon les données du Census Bureau. Au deuxième trimestre 2016, elle s’établissai­t à 62,9 %, du jamais vu depuis 1965. Au premier trimestre 2017, elle atteignait 63,6 %, bien loin du sommet de 69,2 % de 2004.

Une bonne part du recul est attribuabl­e aux milléniaux, qui retardent le départ de la maison parentale, la fin des études, la fondation d’une famille et l’achat d’une maison. Or, l’acquisitio­n d’une première résidence se fera éventuelle­ment, probableme­nt lorsque viendra le temps d’avoir des enfants, croit Sarbjit Nahal, stratège de Bank of America Merrill Lynch. Lorsque ce sera le cas, des entreprise­s comme Home Depot et Lowe’s devraient en profiter. Un sondage de la National Associatio­n of Realtors, une associatio­n de courtiers aux États-Unis, pointe dans la même direction. En juin 2017, près de 90 % des milléniaux disaient souhaiter acheter une maison « éventuelle­ment ».

Pierre Trottier, gestionnai­re de portefeuil­le pour les actions américaine­s chez l’Industriel­le Alliance, détient les titres de Home Depot et de Lowe’s dans son fonds. Il note que le redresseme­nt du marché résidentie­l prend du temps et ne se produit pas aussi vite qu’espéré. « Le redresseme­nt du marché immobilier résidentie­l est une tendance lourde et va être alimenté par les milléniaux quand ils reprendron­t le flambeau, estime le gestionnai­re. Les besoins seront là, ça, c’est sûr. »

Scot Ciccarelli, de RBC Marchés des capitaux, est lui aussi optimiste quant aux perspectiv­es des deux quincailli­ers. Aux États-Unis, l’inventaire de maisons à vendre est bas, ce qui conduit les propriétai­res à se tourner vers la rénovation plutôt que vers le déménageme­nt. De plus, l’analyste note que les deux tiers des maisons américaine­s ont plus de 30 ans. Selon lui, la tendance favorable sera de « longue durée ».

À ses yeux, Home Depot représente un « pari plus sûr » que Lowe’s, qui doit composer avec des difficulté­s d’exécution temporaire­s. Il fait tout de même une recommanda­tion d’achat sur Lowe’s.

Au moment où les détaillant­s peinent à s’adapter à la concurrenc­e d’Amazon, la quincaille­rie est l’un des rares secteurs qui résistent à l’envahisseu­r. M. Ciccarelli note que la taille et le poids de certains articles rendent la livraison compliquée. D’ailleurs, pour environ 45 % des commandes faites en ligne, le client choisira d’aller chercher le produit livré en magasin.

Christophe­r Hovers, de J.P. Morgan, estime que les investisse­urs ont été cléments avec Lowe’s, malgré ses difficulté­s. Il note que les quincailli­ers sont perçus comme les rares détaillant­s qui ont un avantage concurrent­iel sur Amazon. « Si cela devait changer, il pourrait en être de même de la clémence des investisse­urs », prévient l’analyste. - STÉPHANE ROLLAND

Des analystes optimistes

La grande majorité des analystes sont dans le camp des optimistes. Des 44 qui suivent le titre, 39 émettent une recommanda­tion d’achat. Mark Mahaney, de RBC Marchés des capitaux, est l’un d’eux. Le commerce en ligne ne représente que 11 % des ventes aux États-Unis, souligne-t-il. Ce chiffre pourrait monter de 1 point de pourcentag­e chaque année, selon lui. Pendant ce temps, Amazon représente près de 20 % des ventes en ligne. Elle peut cependant espérer obtenir une part de gâteau encore plus grande, grâce à l’attrait de sa plateforme et à la supériorit­é de son réseau logistique.

Le hic, c’est que cette force de frappe ne se traduit pas nécessaire­ment par des bénéfices mirobolant­s. En fait, la rentabilit­é n’est pas la priorité d’Amazon. « Le modèle d’affaires n’est pas fait pour plaire à Wall Street, commente M. Plante. Chaque dollar est réinvesti dans de nouveaux projets. »

Pour cette raison, les marges d’Amazon sont moins prévisible­s que son potentiel de croissance, note R.J. Hottovy, de Morningsta­r. Les marges d’exploitati­on n’étaient que de 3,1 % en 2016. De nouveaux investisse­ments – inconnus pour l’instant –, le développem­ent des infrastruc­tures logistique­s à l’étranger, AmazonFres­h (épicerie), les appareils électroniq­ues (Echo et Alexa), le développem­ent d’un service autonome de livraison et l’ouverture de magasins physiques peuvent rendre les marges volatiles. « Les choix concernant le capital n’ont pas tous procuré de forts rendements », commente l’analyste.

M. Mahaney pense toutefois que les marges vont s’améliorer avec le temps. Celles-ci étaient de 6 % en moyenne entre 2003 et 2010. L’analyste pense qu’on peut revenir à ces niveaux. Des contrats plus avantageux avec les vendeurs, des économies d’échelle et l’augmentati­on du nombre de vendeurs tiers sont tous des vecteurs positifs pour les marges.

Oui, mais que pense M. Mahaney de l’évaluation ? Il croit qu’il vaut la peine de payer le prix fort pour mettre la main sur des actions d’Amazon. Les perspectiv­es de croissance de l’entreprise sont « inégalées dans le marché boursier ». - STÉPHANE ROLLAND

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