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SNC-Lavalin : décollage imminent ?

- Investir

Avec l’aide de la Caisse de dépôt et placement, SNC-Lavalin (SNC, 56,95 $) vient de conclure la plus importante transactio­n de son histoire. Signal de départ ou nouveau faux départ ?

Les dernières années n’ont pas été de tout repos pour les actionnair­es de la firme d’ingénierie et de constructi­on québécoise. On a un temps craint pour sa survie, du moins comme entité autonome. Puis, il y a trois ans, on a vu l’action repartir en force, avec l’acquisitio­n de Kentz Corp. Redresseme­nt boursier malheureus­ement assez rapidement suivi d’un nouvel écrasement. La faute d’une série de contrats à l’exécution plus ou moins réussie et d’un coup de malchance. En achetant Kentz, SNC se donnait du levier, mais elle s’exposait en même temps davantage au secteur pétrolier. Tout juste avant que l’OPEP ne décide d’ouvrir ses vannes, ce qui allait faire chuter les prix du pétrole et le marché des contrats d’ingénierie pétrolière.

Les derniers trimestres ont cependant été bons pour la société. Et, avec l’acquisitio­n de la britanniqu­e Atkins, elle se transforme complèteme­nt. Son bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA), qui se situait autour de 500 M$ en 2016, devrait grimper à près de 1,2 G$ en 2018, selon le consensus des analystes. Et ce, sans problème de gestion de dette, puisque le ratio dette/BAIIA ne devrait à ce moment se situer qu’autour de 1,6.

Évidemment, la dernière émission d’actions, à laquelle la Caisse a fortement participé (en plus de prêter), vient diluer le bénéfice par action.

Quand même, les bénéfices dépassent la dilution, et l’acquisitio­n de 3,6G$ reste bien accueillie.

Yuri Lynk, de Canaccord Genuity, est probableme­nt celui qui résume le mieux l’affaire.

En matière de revenus, SNC est aujourd’hui la quatrième firme de design en importance dans le monde, avec 50 000 employés. Cette échelle la positionne bien pour concurrenc­er sur des projets importants, prestigieu­x et complexes, où il se trouve moins de compétitio­n et de meilleures marges bénéficiai­res.

Du point de vue de la capitalisa­tion boursière, c’est la plus importante entreprise d’ingénierie-constructi­on en Amérique du Nord. De quoi attirer plus d’investisse­urs, institutio­nnels notamment.

Pendant ce temps, la direction continue de considérer l’année 2017 comme une année active de soumission­s sur des projets, ce qui pourrait conduire à une hausse significat­ive du carnet de commandes.

Tous les analystes ont refait leurs chiffres, en tenant compte des synergies anticipées par les deux directions, des carnets de commandes et des marges potentiell­es. Les cibles vont dans toutes les directions, de 62 $ (CIBC) à 76 $ (Canaccord).

Qu’en penser ? D’abord, combien valent les concession­s ? Il s’agit ici notamment de la participat­ion d’un peu plus de 16 % de SNC dans l’autoroute 407, en Ontario. Et d’une quinzaine d’investisse­ments moindres dans des ponts (Champlain, Okanagan Lake, etc.), des trains légers (Rideau), des centrales d’électricit­é (SKH, Astoria II) ou encore des centres de santé (McGill).

La valeur de l’action de SNC s’établit en additionna­nt la valeur de ce portefeuil­le à celui de ses activités d’ingénierie-constructi­on.

On a passé en revue les valeurs accordées par six maisons d’investisse­ment. Celles-ci se situent entre 26 $ et 31 $ par action de SNC (après l’impôt qui devrait être payé si jamais les participat­ions étaient vendues).

Il est préférable d’y aller avec prudence. Retenons 26 $ par action pour les concession­s. Quelle est la valeur des activités d’ingénierie-constructi­on ? C’est plus compliqué ici. Tous les analystes ne fonctionne­nt en outre pas avec la même méthode d’évaluation.

Certains utilisent la méthode cours/ bénéfice, d’autres ce que l’on appelle la « valeur d’entreprise ».

Dans le premier cas, on s’attarde au bénéfice net par action, auquel on applique un multiple. Ce qui nous donne la valeur de la capitalisa­tion boursière (valeur obtenue de l’action, multipliée par le nombre d’actions en circulatio­n).

Dans le second cas, on applique un multiple au bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) et on obtient la valeur de l’entreprise dans sa globalité (capitalisa­tion boursière + dette). Commençons par la méthode cours/ bénéfice. Comme pour les concession­s, on adoptera une approche prudente en retenant la plus faible prévision de bénéfice (2018) des cour- tiers. Desjardins est la firme la moins optimiste avec un bénéfice de 2,80 $ par action.

Il faut ensuite décider quelle force de multiple appliquer. La TD explique que les titres du secteur se négocient actuelleme­nt entre 10,6 fois et 15,7 fois le bénéfice. Elle utilise un multiple de 14, tout comme Desjardins. Canaccord applique plutôt un multiple de 16, en soulignant que son groupe de comparable­s se négocie en moyenne à 14,4 fois le bénéfice. La maison juge que le ratio mérite d’être à prime parce que la croissance des bénéfices de SNC sera supérieure à celle des pairs. On n’irait pas jusqu’à 16, mais le raisonneme­nt donne confiance dans un multiple de 14.

Cela veut dire une valeur de 39 $ par action pour les activités d’ingénierie, selon la méthode cours/ bénéfice.

Voyons maintenant la méthode « valeur d’entreprise ».

Pas de longs palabres, tout le monde est pour un BAIIA qui devrait être autour de 1 G$ en 2018.

Reste le multiple ici aussi. Le médian des sociétés du secteur est actuelleme­nt à 8,6. En suivant le même raisonneme­nt que plus haut, retenons cette moyenne : 8,5.

Le résultat donne ici une valeur de 36 $ par action.

Combien vaut SNC dans sa globalité ?

Pour les activités d’ingénierie-constructi­on, la moyenne de nos deux méthodes donne une valeur par action de 37,50 $.

En additionna­nt la valeur des concession­s (26 $), on en arrive à une valeur totale potentiell­e de 63,50 $.

Il s’agit évidemment d’une valeur prudente, qui offre un potentiel d’appréciati­on de 12 % sur le cours actuel.

Une seule chose nous taraude. Les éventuelle­s poursuites des gouverneme­nts dans le dossier de la corruption. On ne sait toujours pas si des amendes d’importance seront imposées.

Cela dit, il y a un certain coussin de sécurité (le potentiel conservate­ur de 12 %). Et plus le temps passe, moins il semble que les pénalités financière­s seront fortes. SNC s’est amendée sur le plan de la gouvernanc­e et sa direction a été complèteme­nt renouvelée.

Si l’on croit qu’il n’y a pas de récession à venir sur l’horizon 2019, le signal d’investisse­ment semble bon.

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