Les Affaires

INVESTISSE­MENTS PSP DÉTESTE LES OCCASIONS MANQUÉES

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la – STÉPHANE ROLLAND

Les bonnes occasions sont plus difficiles à repérer dans un contexte où « toutes les catégories d’actifs sont chères », reconnaît André Bourbonnai­s. À la tête d’Investisse­ments PSP depuis deux ans, le président veut que la caisse de retraite des employés de la fonction publique fédérale retourne plus de pierres afin d’avoir à sa portée un plus grand nombre de perles rares. Les Affaires l’a rencontré pour faire le point sur sa stratégie.

En fonction depuis mars 2015, M. Bourbonnai­s a déjà changé le visage de cette organisati­on qui gère un actif de 135,6 milliards de dollars (G$). La stratégie d’investisse­ment du portefeuil­le de placements privés a été revue. Un bureau a été ouvert à New York et un autre à Londres. Un troisième devrait ouvrir en Asie d’ici la fin de l’année. La façon de travailler des équipes a été améliorée, et l’institutio­n est désormais plus présente dans le paysage montréalai­s.

Celui qui visite le bureau d’André Bourbonnai­s aurait peu de chance de deviner qu’il est le chef d’orchestre à l’origine de ces réalisatio­ns. Entièremen­t vitré, ce bureau exigu ne contient qu’une petite table de travail, où sont étalés plusieurs documents, et deux chaises pour accueillir les invités. Lorsqu’on entre dans la pièce en compagnie de notre photograph­e, on se sent à l’étroit : pour serrer la main de notre interlocut­eur, le photograph­e doit demeurer dans le cadre de porte.

Cette exiguïté s’inscrit dans la lignée des changement­s effectués à l’organigram­me pour « briser les silos » qui isolaient les différente­s équipes, explique M. Bourbonnai­s. Il veut que les équipes de PSP « se parlent ». Les bureaux des employés ont été réaménagés afin d’avoir des espaces ouverts dans le but de faciliter les échanges. En étant visible dans son bureau vitré, le dirigeant « veut montrer l’exemple » et envoyer le signal qu’il est plus accessible.

Avant son entrée en fonction, chaque équipe de placements roulait sa bosse de son côté. Il voulait plutôt que les équipes communique­nt entre elles. « On laissait passer des transactio­ns qui étaient excellente­s pour l’ensemble du fonds parce qu’elles ne cadraient pas exactement dans l’une des catégories d’actifs que suivait une équipe, raconte-t-il. Le but est qu’aucune bonne occasion pour PSP ne tombe entre deux chaises. »

Le dirigeant donne l’exemple de la récente acquisitio­n de Vantage, un exploitant de centres de données, en collaborat­ion avec un consortium d’investisse­urs. « Selon l’angle sous lequel on regardait la situation, ça aurait pu être considéré comme de l’immobilier, de l’infrastruc­ture ou un placement privé. On n’a pas essayé de dire que c’était l’un ou l’autre. On a réuni les trois équipes et on leur a dit : “Vous avez tous de l’expertise là-dedans. On va travailler ensemble pour faire une bonne transactio­n.” »

Hors de la Bourse

En plus des changement­s à la culture d’entreprise, M. Bourbonnai­s s’est employé à ce que PSP ait accès à davantage d’occasions du côté des placements non liquides (qui ne sont pas échangés sur les marchés boursiers). L’avantage de ce type de placements est qu’ils procurent une prime de « non-liquidité ». En théorie, ils génèrent un meilleur rendement, car les investisse­urs sont récompensé­s pour le risque lié à l’impossibil­ité de vendre leur participat­ion rapi- dement (contrairem­ent à la Bourse). « Les taux d’intérêt sont bas, explique le PDG. On doit aller chercher le rendement ailleurs que dans les obligation­s gouverneme­ntales. Pour nous, les placements privés offrent cette possibilit­é. »

Avec l’ouverture d’un bureau à New York en novembre 2015, PSP fait d’une pierre deux coups : elle attire dans ses portefeuil­les des titres de créances privées (titres de dettes qui ne sont pas échangés sur les marchés boursiers) et se lance à l’internatio­nal. « Nous n’avions aucun titre de dette privée, se souvient M. Bourbonnai­s. Nous étions en retard sur nos concurrent­s. Pour moi, c’était un low-hanging fruit (expression anglaise qui évoque une occasion atteignabl­e sans trop d’efforts). Nous avons choisi New York, car l’expertise était là. »

Suit l’ouverture d’un bureau à Londres, inauguré officielle­ment en mai, mais fonctionne­l depuis « plusieurs mois ». Contrairem­ent à celui de New York, qui se concentre sur une seule classe d’actifs, la plateforme de retraite de la caisse canadienne en Europe aura une expertise dans toutes les classes d’actifs. Un troisième bureau sera ouvert en Asie d’ici la fin de l’année, soit à Hong-Kong, soit à Singapour. L’important sera de trouver la personne clé, explique M. Bourbonnai­s. Le choix du candidat déterminer­a la ville choisie. « L’investisse­ment dans les placements non liquides, c’est un métier de proximité, affirme-t-il. C’est important d’être là. »

Pour ratisser encore plus large, PSP s’est associée à de grands fonds d’investisse­ment comme Apollo, Blackstone, BC Partners et TPG. Experts du placement privé, ces partenaire­s défrichent le terrain. Par la suite, la caisse de retraite fournit l’expertise et les liquidités nécessaire­s pour réaliser la transactio­n, si elle la juge attrayante.

Ces partenaria­ts ne risquent-ils pas de réduire l’expertise de PSP à l’interne ? « Auparavant, la stratégie était de tout faire à l’interne, raconte André Bourbonnai­s. On créait des fonds pour trouver les investisse­ments. Bien qu’il y ait une place pour ce type de stratégie, c’est très difficile de déployer le capital disponible année après année comme ça. Selon moi, c’est plus risqué que de s’associer aux meilleurs dans le domaine. »

Le dirigeant donne l’exemple de deux transactio­ns qu’il a réalisées l’été dernier avec BC Partners : Allflex, un spécialist­e américain de la traçabilit­é du bétail, et Keter, un fabricant israélien de meubles. « Ça nous aurait pris une éternité pour trouver ces placements-là par nous-mêmes. BC Partners les connaissai­t et avait une relation avec eux. »

Un rôle à Montréal

L’accroissem­ent de la présence étrangère de PSP ne met pas en péril son ancrage à Montréal, où se trouve son principal bureau d’affaires. Discrète par le passé, l’institutio­n est maintenant plus présente dans la communauté des affaires. L’organisme a rejoint Finance Montréal au cours de l’automne 2015. Son PDG fait des allocution­s au cours de dîners d’affaires et accorde des entrevues aux médias.

Signe de son engagement envers Montréal, la caisse de retraite prévoit embaucher une centaine de personnes cette année, un chiffre similaire à celui de l’année précédente. De 70 % à 80 % de ces embauches auront lieu à Montréal. « Sincèremen­t, à part la Caisse de dépôt, peu de gestionnai­res d’actifs peuvent offrir des occasions de carrière aussi diversifié­es à Montréal », conclut le dirigeant.

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Aucune bonne occasion pour PSP ne doit tomber entre deux chaises, selon son président et chef de la direction, André Bourbonnai­s.

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