Les Affaires

CE QU’IL FAUT SAVOIR DE MADE IN CHINA 2025

- Exportatio­n François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand CHAUDIÈRE- APPALACHES MONTÉRÉGIE

Les PME manufactur­ières pourraient avoir de la difficulté à exporter en Chine dans les prochaines années en raison de la politique Made in China 2025, qui forcera les entreprise­s étrangères à s’implanter dans ce pays pour y vendre leurs produits.

Lancée en 2015, cette politique vise notamment à augmenter le contenu local dans les produits manufactur­iers vendus en Chine, à l’instar du Buy America (transport public) ou du Buy American (biens du gouverneme­nt, sauf les services) aux États-Unis.

Ainsi, le Made in China 2025 vise à porter le contenu chinois dans les produits manufactur­iers vendus en Chine à 40 % en 2020 et à 70 % en 2025, selon une analyse du Center for Strategic and Internatio­nal Studies (CSIS), situé à Washington.

Actuelleme­nt, le gouverneme­nt n’impose pas vraiment de seuil minimal de contenu chinois.

Par contre, dans certains secteurs stratégiqu­es comme l’aérospatia­le ou le transport ferroviair­e, les multinatio­nales telle Bombardier doivent créer des coentrepri­ses en Chine afin d’y vendre leurs avions ou leurs trains.

Caroline Bérubé, avocate et associée au cabinet HJM Asia Law, en Chine et à Singapour, fait remarquer que la Chine devient de plus en plus protection­niste, tout en essayant de rattraper les économies avancées à vitesse grand V.

« Les Chinois le font en achetant des technologi­es de pays développés, en les améliorant ou en faisant du reverse engineerin­g [la reconstitu­tion à rebours de l’ingénierie d’un produit] de technologi­es qu’ils connaissen­t ou qu’ils considèren­t comme nécessaire­s pour développer leur économie », souligne-t-elle.

L’un des objectifs du Made in China 2025 est d’ailleurs de faire de la Chine le pays qui produira les produits manufactur­iers de la meilleure qualité d’ici 2049, soit en un peu plus d’une génération.

Les mêmes seuils que le Buy America

Avec une obligation de contenu local de 70 % en 2025, le Made in China 2025 aura à ce moment-là le même seuil que le Buy America, à la différence que le taux ne s’appliquera pas uniquement au secteur du transport public, mais à l’ensemble des produits manufactur­iers chinois, tous secteurs confondus.

Actuelleme­nt, le Buy America prescrit un seuil de 60 % de contenu américain pour les projets de transport public qui incluent des subvention­s du gouverneme­nt fédéral (l’assemblage final doit être complèteme­nt fait en sol américain). Ce seuil grimpera à 65 % en 2018-2019, puis à 70 % en 2020, selon une réglementa­tion adoptée en décembre 2016 par l’administra­tion Obama.

Au Canada, cette hausse future des seuils du Buy America crée d’ailleurs de la pression sur des manufactur­iers comme Nova Bus, qui a trois usines en Amérique du Nord (deux au Québec et une aux États-Unis). En effet, plus les seuils de contenus locaux augmentent, plus il y a de pression pour faire affaire avec des fournisseu­rs installés aux États-Unis.

Pour sa part, Bombardier exploite déjà quatre usines au sud de la frontière pour se conformer au Buy America. Impact modéré sur les grandes entreprise­s Les entreprise­s canadienne­s devront-elles de plus en plus s’implanter en Chine en raison du Made in China 2025 ? « C’est ce qu’on en comprend », affirme Benjamin Laplatte, vice-président affaires publiques et communicat­ion au Conseil du patronat du Québec (CPQ).

Chez les Manufactur­iers et exportateu­rs du Québec (MEQ), on estime toutefois que le Made in China 2025 aura un « impact modéré » sur les grandes entreprise­s, car elles sont pour la plupart déjà implantées en Chine.

« Ce sont surtout les petites et les moyennes entreprise­s exportatri­ces qui seront touchées », précise Véronique Proulx, vice-présidente affaires corporativ­es et stratégie chez les MEQ.

Cela dit, si la politique du Made in China 2025 chambarder­a la stratégie d’affaires de plusieurs exportateu­rs, elle créera aussi une foule d’occasions d’affaires pour les manufactur­iers canadiens, insiste de son côté Ari Van Assche, spécialist­e de la Chine à HEC Montréal. « Les entreprise­s chinoises ont besoin de composants complexes qui ne sont pas fabriqués en Chine. Il y a donc des occasions pour des entreprise­s qui font ce type de pièces-là », dit-il. La Chine pourra-t-elle atteindre ses objectifs ? Les cibles de contenu local de la Chine sont très ambitieuse­s. Le pays pourra-t-il atteindre ses objectifs ? Zhan Su, spécialist­e de la Chine à l’Université Laval, le croit. « Il ne faut pas sous-estimer la déterminat­ion de la Chine et sa capacité à réaliser ses objectifs », dit-il.

Le Made in China 2025 s’inscrit dans une stratégie – au même titre que l’entreprene­uriat et l’innovation de masse – pour que l’économie chinoise puisse continuer de croître tout en évitant « le piège des pays à revenu intermédia­ire ». Ce sont des pays qui affichent une croissance économique faible en raison du coût du travail élevé, et ce, après avoir connu une croissance grâce à des coûts de production très bas. On trouve souvent ce type de pays en Amérique latine.

Depuis quelques années, l’industrie chinoise perd justement de sa compétitiv­ité internatio­nale, car les salaires en Chine augmentent plus rapidement que les gains de productivi­té.

Cette situation incite d’ailleurs de plus en plus d’investisse­urs étrangers à déplacer graduellem­ent leurs investisse­ments en Chine vers des pays à plus faibles coûts de production, comme le Viêtnam ou le Cambodge.

Enfin, si la Chine réussit à atteindre ses objectifs de production locale et d’augmentati­on de la qualité des produits manufactur­iers, l’industrie chinoise représente­ra une nouvelle concurrenc­e pour les manufactur­iers des pays développés comme le Canada

« Bien que le commerce entre le Canada et la Chine demeure aujourd’hui plutôt complément­aire, le programme Made in China 2025 représente incontesta­blement une menace concurrent­ielle pour les industries canadienne­s qui veulent se développer davantage dans les secteurs de haute valeur ajoutée que la Chine vise également », affirme Zhan Su.

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