Les Affaires

ISO 37 001, une certificat­ion anticorrup­tion

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Qu’ont en commun les municipali­tés québécoise­s de Brossard, Granby, Re p e n t i g n y, Sa i n t- Ca li x te, Saint- Colomban, Sa i n t- Jérôme, Sainte- Julienne ? Elles ont toutes commencé à implanter la nouvelle norme ISO 37001 pour obtenir une certificat­ion dans quelques mois, quelques années tout au plus. Cette norme, publiée en octobre 2016, offre des Systèmes de management anticorrup­tion.

La Banque mondiale estime que plus de 1 000 milliards de dollars sont versés chaque année en pots-de-vin. C’est 3% du PIB mondial. Au Québec, la commission Charbonnea­u a ouvert les yeux de tous ceux qui se réfugiaien­t derrière la confortabl­e conviction que la corruption ne concernait que « ces pays-là ». La corruption systémique existait (existe toujours?) ici également.

Oui, je sais, j’aime citer Albert Camus qui a écrit: « L’intégrité n’a pas besoin de règles. » Je le crois profondéme­nt, lorsqu’il s’agit d’individus. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’organismes, l’intégrité a besoin de politiques, de rôles et de responsabi­lités claires à tous les paliers de l’organisati­on, de planificat­ion systématiq­ue, d’informatio­ns documentée­s, de sensibilis­ation, de formation, de beaucoup de communicat­ion, d’évaluation et de contrôles; et, surtout, pour que tout cela fonctionne, d’un leadership fort, déterminé et engagé.

Les meilleures pratiques du monde

Élaborée par des experts de 37 pays qui ont planché sur le sujet pendant trois ans, la norme 37001 représente une synthèse des meilleures pratiques qui existent pour prévenir la corruption. Elle propose des systèmes et des mécanismes pour agir en amont et empêcher la corruption de se produire. Elle se fonde sur les recommanda­tions d’organismes tels que la Chambre de commerce internatio­nale, l’OCDE et Transparen­cy Internatio­nal.

L’Organisati­on internatio­nale de normalisat­ion, responsabl­e d’élaborer les normes ISO et de superviser la délivrance des certificat­ions associées, énonce des exigences qui concernent les aspects suivants: Adoption d’une politique et de procédures

de lutte contre la corruption Démonstrat­ion par la direction de son

leadership et de son engagement Désignatio­n d’une personne ou d’une fonction responsabl­e de superviser la conformité à cette politique Formation anticorrup­tion Devoir de vigilance et évaluation des risques de corruption relatifs à certains projets ou partenaire­s commerciau­x Mise en oeuvre de moyens de contrôle financiers, commerciau­x et contractue­ls, ainsi qu’en matière d’achats Engagement de procédures de signalemen­t,

de suivi, d’enquêtes et d’audits Actions corrective­s et améliorati­on continue

Au début de cet article, j’ai mentionné des municipali­tés québécoise­s, mais la norme 37 001 ne se limite pas à celles-ci ni même au secteur public. Elle s’applique à tout organisme public ou privé, aussi bien une entreprise, grande ou petite, qu’un ministère, une société d’État ou un organisme non gouverneme­ntal. Tout organisme est susceptibl­e d’être corrupteur (directemen­t ou par l’intermédia­ire d’un de ses représenta­nts) ou corrompu – coupable ou victime de corruption. La norme 37 001 fournit des outils pour prévenir, corriger, voire éliminer les deux volets du problème.

La multinatio­nale française Alstom a récemment obtenu sa certificat­ion pour ses établissem­ents européens. Walmart et Microsoft ont annoncé leur intention de l’obtenir à l’échelle mondiale. Le président péruvien Pedro Pablo Kuczynski, élu en 2016 et mis en présence d’une corruption endémique et profondéme­nt enracinée, compte faire du Pérou le premier pays d’Amérique latine à implanter la norme 37 001. À l’autre extrémité du spectre, le gouverneme­nt de Singapour, que Transparen­cy Internatio­nal place deux positions devant le Canada dans son classement 2016 des pays du monde en matière de corruption, a annoncé en avril qu’il commençait à implanter la norme dans son administra­tion. Irréversib­le On le voit, moins d’un an après sa publicatio­n, la norme 37 001 intéresse des organismes de toute nature et de toute taille, depuis la municipali­té de Saint-Calixte (6 000 habitants) jusqu’à Walmart (2,3 millions d’employés dans 28 pays). Pour des raisons qui m’apparaisse­nt évidentes.

D’une part, les organismes préoccupés par leur propre intégrité et celle de leurs partenaire­s peuvent implanter un système de management rigoureux sans avoir à réinventer la roue – les meilleures pratiques ont déjà été recensées et synthétisé­es dans un document accessible.

D’autre part, un organisme qui adopte la norme 37001 et obtient la certificat­ion par une tierce partie autorisée envoie un message fort à ses employés, à ses clients, à ses partenaire­s et à ses fournisseu­rs: « Vous pouvez nous faire confiance, mais faire affaire avec nous requiert de l’intégrité. » À quand? La généralisa­tion de la nouvelle norme est irréversib­le. Dans le sillage des adopteurs précoces, un nombre croissant d’organismes publics et privés sentiront la pression de l’implanter. On peut même s’attendre à ce que la certificat­ion devienne un prérequis, ou au moins un facilitate­ur, pour faire affaire avec un grand client public ou privé. Imaginez que Walmart donne sa préférence à des fournisseu­rs certifiés 37 001. Ou que notre AMF en fasse une condition d’éligibilit­é à l’obtention de contrats publics. L’effet domino serait impression­nant.

Pour un organisme d’une certaine envergure, je crois que la question n’est déjà plus de savoir s’il faut obtenir la certificat­ion 37001, mais plutôt de savoir quand il faudra s’y mettre.

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