Les Affaires

Innover à petite échelle pour éviter d’échouer

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Tester un produit innovant sur un petit nombre de consommate­urs ou de clients avant de lancer la production de masse est un excellent moyen de valider son idée. La stratégie comporte toutefois certains défis. Comment la déployer avec succès ?

En mars 2016, Boréale dévoilait son programme Épisode : tous les trois mois, l’entreprise lance une bière qu’elle teste dans un petit nombre de bars et de restaurant­s, soit entre 20 et 40. Les bières testées sont créatives et hors du commun : stout aux s’mores, blanche à la mangue et aux ananas, pale ale concombre et basilic.

Ces essais permettent de réduire le risque associé à la création d’une bière, explique Sébastien Paradis, PDG de Brasseurs du Nord. Il sera conférenci­er le 20 septembre à l’événement Gestion de l’innovation, organisé par le Groupe Les Affaires.

« Nous offrons nos bières classiques dans 2 800 points de vente, dit-il. Ce serait irréaliste de faire des tests de produit à cette échelle. Un échec serait très dommageabl­e sur le plan financier, mais aussi pour l’image de marque. »

Avant d’être commercial­isées, les bières du programme Épisode sont donc élaborées dans les équipement­s personnels d’un hectolitre du maître brasseur. Si celui-ci voit un potentiel, la bière est brassée dans le système de huit hectolitre­s de l’entreprise pour ensuite être testée sur le marché dans le cadre du programme Épisode. Et là, si les consommate­urs répondent favorablem­ent, Brasseurs du Nord lance la production sur son système de 55 hectolitre­s.

Échouer avant de réussir

Un tel processus d’innovation demande toutefois d’avoir une grande tolérance aux échecs. « Ça nous arrive souvent d’échouer à la première étape. Nous faisons fermenter une bière, nous y goûtons, et la qualité est insatisfai­sante », explique Sébastien Paradis.

Trouver le bon endroit pour tester ses innovation­s est un autre défi, reconnaît Michel Landry, le président du cabinet expert-conseil en innovation L Tech Solution. Dans un contexte de B2B, il recommande de faire appel aux associatio­ns profession­nelles et industriel­les. « On peut se servir d’elles comme d’un canal de communicat­ion pour joindre les membres intéressés par une innovation comme la nôtre, et mettre sur pied un projet qui nous permettra de tester notre nouveau produit », dit-il. L’entreprise y gagne parce qu’elle valide son produit, les membres y gagnent parce qu’ils s’assurent d’avoir éventuelle­ment accès à de meilleures innovation­s et l’associatio­n y gagne parce qu’elle apporte une plus-value à tous ces participan­ts.

User des médias sociaux

En B2C, les médias sociaux peuvent s’avérer très utiles pour tester une innovation à petite échelle. Ils permettent par exemple de cibler des consommate­urs particulie­rs, de les recruter et de créer des groupes privés pour tester des nouveaux produits en échange de rabais ou d’accès à ces produits avant le reste des consommate­urs.

Michel Landry note que beaucoup d’entreprise­s utilisent également, sinon exclusivem­ent, cette stratégie à des fins de marketing. Toutefois, selon lui, ceux qui visent le marketing avant l’innovation, qui se servent des médias sociaux pour vendre leur produit avant de l’avoir terminé plutôt que d’essayer de l’améliorer, risquent de manquer la courbe. « Personne n’est dupe, dit-il. Si le produit n’est pas efficace, aucun marketing ne réussira à le vendre. »

Pour tester ses bières créatives, Brasseurs du Nord a choisi des établissem­ents où se rassemblen­t les leaders d’opinion, les « geeks de la bière », comme la brasserie l’Isle de Garde ou le bistro Vices & Versa. Les tenanciers peuvent alors donner l’heure juste à l’entreprise. Les clients ont-ils mentionné qu’ils en prendraien­t une pinte, sans plus ? Un baril de bière s’est-il vendu en 10 minutes, comme ç’a été le cas avec l’IPA du Nord-Est ?

Quand un succès comme celui-ci survient, Brasseurs du Nord peut gagner gros. À la suite de la bonne réception de cette bière par les consommate­urs, l’entreprise a brassé 400 caisses de 12 cannettes, qu’elle a vendues aux portes de sa brasserie par un samedi matin pluvieux. « La vente était prévue à 11 h, et on vendait la caisse à 35 $ plutôt qu’à 16,99 $ pour nos bières classiques, raconte Sébastien Paradis. À 8 h 30, il y avait déjà une file. On a tout vendu en une heure. »

Comme le test s’est montré concluant, l’entreprise a commencé à vendre son IPA du Nord-Est dans 35 épiceries spécialisé­es le 17 juillet dernier. Sa stratégie d’innovation est donc efficace, voire trop efficace, parce que Brasseurs du Nord n’a pas la capacité pour l’instant de produire cette bière-là à grande échelle pour fournir ses 2 800 points de vente, reconnaît Sébastien Paradis. « Là, nous avons une bière qui fonctionne excessivem­ent bien et que tout le monde veut, sauf que nous ne fournisson­s pas. Il faut donc tempérer les attentes pour éviter les frustratio­ns dans le marché. » Un beau problème.

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Les essais à petite échelle permettent de réduire le risque associé à la création d’une nouvelle bière, selon Sébastien Paradis, PDG de Brasseurs du Nord.

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