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Protection des données : les entreprise­s devront en faire davantage

- Matthieu Charest matthieu.charest@tc.tc @MatthieuCh­arest Un succès d’estime Entreprene­uriat Denis Lalonde denis.lalonde@tc.tc DenisLalon­de Techno

Ils occasionne­nt des pertes matérielle­s, des coûts importants, du stress, des pertes de temps et de souvenirs. Les dégâts d’eau sont une vraie plaie. Et malheur à vous si votre habitation est une copropriét­é. Selon le Bureau d’assurance du Canada (BAC), il s’agit de la principale cause de sinistre pour ce type d’habitation. Et elle fait monter primes et franchises d’assurance. Un gros problème, mais un marché formidable pour Ubios, qui pense avoir trouvé la solution afin de prévenir ce fléau.

L’entreprise montréalai­se commercial­ise un système qui allie l’Internet des objets et l’intelligen­ce artificiel­le. « Dans toutes les pièces où il y a une entrée d’eau, nous installons une valve sur la tuyauterie et nous remplaçons le thermostat, explique Mathieu Lachaîne, président et fondateur. Quand une personne entre dans la pièce, la valve s’ouvre ; quand elle quitte la pièce, la valve se referme. »

À l’instar du système de thermostat­s intelligen­ts Nest, acheté par Alphabet (Google) en 2014, le chauffe-eau et les plinthes électrique­s sont contrôlés par le système Ubios et s’adaptent donc à la présence ou à l’absence d’individus dans l’habitation. Selon la start-up, non seulement l’occurrence et la gravité des dégâts d’eau sont grandement limités, mais les économies de chauffage peuvent atteindre 25 %.

Quant aux primes d’assurance, elles pourraient être amenées à diminuer, mais il faudra d’abord convaincre les assureurs. L’entreprise fait le pari que son système intéresser­a les firmes d’assurance, car les dégâts d’eau représente­nt 95 % des réclamatio­ns produites par les copropriét­és, selon le BAC.

Les syndicats qui gèrent les complexes d’habitation devraient eux aussi tendre l’oreille. Selon un sondage mené par le Regroupeme­nt des gestionnai­res et copropriét­aires du Québec en 2015, les copropriét­és ont connu en moyenne 1,42 sinistre sur une période de cinq ans, dont 58 % étaient des dégâts d’eau. En conséquenc­e, plus de 60 % des syndicats ont connu une hausse de plus de 20 % de leurs primes d’assurance et du montant de leurs franchises. Ce n’est donc pas un hasard si Ubios cible les tours résidentie­lles. « Plus les immeubles sont élevés, plus les dommages peuvent être importants. Cependant, nous allons nous concentrer sur le résidentie­l, car le secteur commercial requiert trop de personnali­sation, affirme M. Lachaîne. Nous pensons plutôt croître en répliquant notre modèle en Europe ou aux États-Unis. »

Le modèle de revenus fonctionne un peu comme un forfait cellulaire. Selon les options choisies, il en coûte de 19,99 $ à 49,99 $ par mois, par unité. Le terme des contrats court sur 5 ou 10 ans.

Fondée en 2014, l’entreprise de quatre employés a commencé l’installati­on de ses premiers dispositif­s en décembre dernier. Le contrat, signé avec des copropriét­és de Mont-Tremblant, implante le système Ubios dans une centaine de copropriét­és sur les 2 300 du parc immobilier du site de villégiatu­re. Un premier succès qui représente des ventes de 375 000 $.

« Le cycle de vente est assez long, confie le président fondateur. Souvent, les gestionnai­res d’immeubles et les syndicats de copropriét­és doivent parafer le contrat. Cela peut prendre 12 mois. »

Si le temps est un enjeu, l’entreprene­ur de 38 ans ne s’inquiète pas outre mesure de la compétitio­n. Selon lui, les difficulté­s de certificat­ion sont telles que la concurrenc­e potentiell­e sera freinée dans ses tentatives de conquête.

Ubios compte déjà Vidéotron parmi ses partenaire­s. Les composante­s du système sont fabriquées par Stelpro, située à Saint-Brunode-Montarvill­e, sur la Rive-Sud de Montréal. C’est l’entreprise Fusion Énergie qui est le partenaire installate­ur.

Après avoir récolté 156 500 $ l’an dernier par un financemen­t participat­if sur GoTroo (soit 156 % de son objectif) et 250 000 $ de PME MTL l’entreprise prévoit une deuxième ronde de financemen­t vers la fin de 2017. Cette fois, la somme recherchée pourrait avoisiner 10 millions de dollars.

D’ici la fin de l’année, Ubios a pour objectif d’installer son système dans 1 000 unités d’habitation. Le chiffre d’affaires est actuelleme­nt d’environ 1,2 million de dollars, et dès 2018, Mathieu Lachaîne entend entrer sur le marché des exportatio­ns.

la La Loi sur la protection des renseignem­ents personnels et les documents électroniq­ues (LPRPDE) sera bientôt plus sévère pour les entreprise­s fédérales, prévient Antoine Guilmain, avocat chez Fasken Martineau DuMoulin. Ces dernières doivent se préparer à l’adoption de règlements qui sont présenteme­nt à l’étude par le gouverneme­nt du Canada.

« Concrèteme­nt, les entreprise­s fédérales qui sont victimes d’un bris de sécurité pouvant causer un “risque réel de préjudice grave” ont une obligation de divulgatio­n aux consommate­urs, mais aussi aux organismes de réglementa­tion », raconte Me Guilmain.

Deux autres obligation­s accompagne­nt les bris de sécurité, soit l’envoi d’un avis à toutes les personnes concernées dans un langage facile à comprendre, de même que la tenue d’un registre des atteintes à la protection des données.

« De plus, les entreprise­s doivent dire ce qu’elles feront pour atténuer les dommages. C’est un élément très important, car les clients ne sont pas tous des spécialist­es en sécurité de l’informatio­n », déclare Me Guilmain.

Ce dernier ajoute que certains éléments de la loi entrés en vigueur en 2015 ne sont pas clairs. « Prenons l’exemple de la tenue d’un registre. Beaucoup de questions peuvent en découler. Quel doit être le format du document ? Qui doit gérer celui-ci ? Sans oublier la définition du risque réel de préjudice grave, qui peut varier d’un individu à un autre... L’objectif du règlement est d’avoir une même compréhens­ion des termes utilisés dans le texte de loi », soutient Antoine Guilmain.

Il dit ignorer de combien de temps les organisati­ons disposeron­t pour se conformer au nouveau règlement, dont l’adoption est prévue fin 2017 ou en 2018. Le document de travail du gouverneme­nt fédéral parle quant à lui d’une période de transition allant de 6 à 18 mois.

Chose certaine, les organisati­ons doivent se préparer, à son avis, à des changement­s qui seront plus que « cosmétique­s ». Elles devront modifier des processus, ainsi que renforcer les étapes de la prévention et de la gestion des problèmes. « Quand on parle de cybersécur­ité, il n’y a pas que l’informatiq­ue qui compte, croit-il. Il faut vraiment que les organisati­ons se dotent d’une politique de sécurité globale. En cybersécur­ité, l’aspect humain est fondamenta­l. »

Le besoin de sensibilis­er le personnel

Une étude du fournisseu­r américain de services de télécommun­ications Verizon tend à lui donner raison. Le Data Breach Investigat­ions Report soutient ainsi que, de tous les événements d’atteinte à la sécurité des données, 62 % impliquent un acte de piratage informatiq­ue. De ce nombre, 81 % sont le résultat de mots de passe dérobés aux employés ou ayant un faible niveau de sécurité. De plus, 14 % des brèches de sécurité sont attribuabl­es à des erreurs du personnel. L’étude ajoute que 25 % des brèches ont impliqué la participat­ion de membres du personnel. Plus de la moitié (51 %) des incidents sont liés à des organisati­ons criminelle­s, alors que 18 % ont été « commandité­s » par un État. Cette année, le document, qui en est à sa 10e édition, fonde ses conclusion­s sur l’analyse de 40 000 incidents, dont 1 935 brèches de sécurité confirmées.

Les lois provincial­es devront s’ajuster

Toutes les entreprise­s canadienne­s ne seront pas touchées de la même manière par le règlement à venir. Seules les entreprise­s de juridictio­n fédérale devront s’y conformer, de même que les entreprise­s constituée­s dans les provinces qui appliquent la LPRPDE.

Au Québec, les entreprise­s de juridictio­n provincial­e doivent se conformer à la Loi sur la protection des renseignem­ents personnels dans le secteur privé, jugée « essentiell­ement similaire » à la LPRPDE. À la suite de l’adoption du règlement fédéral, les différente­s lois provincial­es en la matière devront aussi être modifiées, afin d’assurer un traitement équitable pour toutes les organisati­ons au pays, estime Antoine Guilmain.

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