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En attendant le Shopify des cleantechs Earth Alive s’attaque au marché américain

- Dossier François Normand francois.normand@tc.tc @francoisno­rmand montréalai­s Ecofuel président de l’accélérate­ur

Comme l’ensemble du secteur technologi­que, le créneau des technologi­es propres vit grandement de financemen­t privé et de capital-risque. Contrairem­ent à d’autres secteurs technologi­ques plus en vue, ses entreprise­s prennent plus de temps à atteindre leur maturité. Un problème dont la solution tient en un mot : « patience ».

L’hiver dernier, le regroupeme­nt sectoriel Écotech Québec, ainsi que Technologi­es du développem­ent durable Canada, un organisme financé à 100 % par le gouverneme­nt fédéral, ont publié une étude sur l’état des technologi­es propres au pays. En comparant leur financemen­t et leur croissance avec ceux de leurs homologues américaine­s, il est plus facile de déterminer si le modèle économique actuelleme­nt en place tient la route.

Conclusion : oui et non. En effet, bien que l’industrie des technologi­es propres des deux pays ait sensibleme­nt le même modèle, reposant considérab­lement sur le capital-risque, le financemen­t privé et l’endettemen­t, les montants investis au Canada sont bien inférieurs à ceux investis chez l’Oncle Sam.

« Le Canada accuse un retard en capital-risque et en financemen­t par dette, concluent Gilles Duruflé et Louis Carbonneau, les principaux auteurs de l’étude. Pourtant, ce sont deux éléments essentiels pour aider les entreprise­s à innover, à développer leurs activités et à commercial­iser leurs technologi­es. »

Même en tenant compte de la taille relative des économies canadienne et américaine, tant les entreprise­s de technologi­es vertes que les investisse­urs de chez nous sont plus timides, constatent les chercheurs. Ainsi, les 20 entreprise­s américaine­s ayant obtenu le plus de capital-risque entre 2002 et 2015 ont récolté de Après une percée en Amérique latine et en Afrique, la montréalai­se Earth Alive Clean Technologi­es (EAC, 0,43 $), spécialisé­e dans les produits microbiens pour les agriculteu­rs et les minières, s’attaque désormais au marché 326 millions de dollars (M$) à 1,2 milliard de dollars (G$), 90 % de ces montants étant de provenance locale.

À l’opposé, la valeur des 20 plus importants financemen­ts canadiens sur cette même période varie de 20 M$ à 292 M$, et l’investisse­ment étranger compte pour 40 % de la somme totale. « Il y a un besoin pour un outil canadien qui permettrai­t des financemen­ts de cette ampleur [comme aux États-Unis] pour soutenir les entreprise­s canadienne­s aux stades du démarrage et de l’expansion », conclut l’étude.

Trouver sa niche

Au Québec, la situation ne diffère pas tellement de celle du reste du pays. En revanche, on semble avoir trouvé le maillon faible de la chaîne de financemen­t, maillon qui plombe le succès des technologi­es propres d’ici. « Il faut penser à une commercial­isation internatio­nale dès le début. En s’assurant de pouvoir opérer à l’internatio­nal, on attire le capital », explique Richard Cloutier, président de l’accélérate­ur Ecofuel, à Montréal.

Au-delà de la question de la propriété intellectu­elle, le fait d’avoir un marché potentiel à l’échelle mondiale permettra d’aller chercher des sous ailleurs qu’au Canada, où les sommes investies sont plus modestes qu’aux États-Unis, ou même qu’en Chine, ajoute M. Cloutier.

En effet, le Québec ne manque pas de talent sur le plan de la recherche, précise-t-il, mais, du côté de la transforma­tion de cette recherche en entreprise­s vertes et durables, on cherche encore l’effet d’entraîneme­nt d’une entreprise phare, comme le fait Shopify dans le commerce en ligne ou Lightspeed POS dans les systèmes de paiement.

« On ne manque certaineme­nt pas d’innovation dans les technologi­es propres québécoise­s. Toutefois, si on veut avoir du succès à long terme, il va falloir trouver notre niche. On n’a pas encore l’équivalent de Shopify, mais on y est presque », assure le président d’Ecofuel, citant notamment Enerkem, une entreprise qui convertit les déchets non recyclable­s en éthanol cellulosiq­ue, un substitut des hydrocarbu­res prometteur.

Futur leader des « molécules vertes » ?

En fait, s’il avait à déterminer un secteur des technologi­es durables où le Québec et le Canada semblent le plus actifs, M. Cloutier citerait d’emblée celui des « molécules vertes ». Ce terme englobe tout ce qui touche à la transforma­tion non polluante de substances et de matériaux divers, allant des résidus des pâtes et papiers aux déchets industriel­s, pour remplacer d’autres produits polluants de l’activité industriel­le courante.

Dans l’agricultur­e, notamment, le niveau de recherche effectué au Canada est sensibleme­nt plus élevé qu’ailleurs dans le monde, compte tenu de la taille du pays sur le plan démographi­que. Ainsi, selon une étude réalisée l’an dernier par la firme Questel Consulting, le Canada est deux fois plus actif dans la recherche de technologi­es durables en agricultur­e que la moyenne mondiale.

« Alors qu’il se publie 2 recherches scientifiq­ues pour un brevet en moyenne dans le monde, il s’en publie 28 au Canada », apprend-on. Des 15 plus importants joueurs internatio­naux dans ce secteur, 5 sont d’ailleurs établis ici.

Évidemment, il reste à convertir cette recherche en produits commerciau­x viables. Et pour ça, il faudra que les centres de recherche, les université­s et les entreprise­s spécialisé­es s’ajustent afin d’aller chercher le financemen­t là où il se trouve, au pays ou à l’étranger. En effet, faute de financemen­t adéquat, le prochain Shopify ne sera pas issu des technologi­es propres... – ALAIN MCKENNA

Dans d’autres régions du monde, comme en Amérique latine, l’entreprise a recours aux services de Brenntag, une multinatio­nale spécialisé­e dans la distributi­on de produits chimiques, afin de vendre son produit pour le contrôle de la poussière. En Afrique, Earth Alive Clean Technologi­es distribue ses produits par l’intermédia­ire de la multinatio­nale Imex Internatio­nal.

La rentabilit­é dans deux ans

Malgré des revenus d’un million de dollars, Earth Alive Clean Technologi­es n’est pas encore rentable. « Nous devrions l’être d’ici deux ans », affirme M. Warren.

Pour accroître son chiffre d’affaires, l’entreprise misera en grande partie sur des acquisitio­ns. Elle en a déjà fait dans le passé. Sa première, en 2014, a été LFP Solutions, une PME fondée par Michael Warren lui-même, spécialisé­e dans la distributi­on d’intrants organiques. Depuis le début de l’année, le titre de l’entreprise a perdu 39 % de sa valeur.

Des risques existent pour Earth Alive Clean Technologi­es, au premier chef celui de la réglementa­tion, c’est-à-dire des délais trop longs pour l’homologati­on de ses produits dans certaines juridictio­ns. Le cas échéant, cela pourrait lui faire perdre des occasions d’affaires. Toutefois, à ce jour, aucune juridictio­n n’a refusé d’homologuer les produits, souligne Michael Warren.

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