Les Affaires

Les grands gagnants d’hier sont très rarement ceux de demain

- Chronique

ue ce soit dans le sport ou en Bourse, il est extrêmemen­t rare que les champions réitèrent leurs exploits année après année et réalisent une performanc­e exceptionn­elle sur une longue période. Les Michael Phelps ou Amazon de ce monde finissent un jour ou l’autre par se faire distancer, perdre leur énergie des premières années ou s’écarter de leur stratégie initiale. Une évidence, répondrez-vous. Pourtant, trop d’investisse­urs commettent l’erreur de privilégie­r les gagnants récents, croyant qu’ils continuero­nt sur leur lancée.

Le classement des champions mondiaux de la création de richesse du Boston Consulting Group (BCG) illustre de multiples façons qu’une approche misant sur les vedettes du moment est rarement payante à long terme.

Le cabinet de consultati­on présente chaque année depuis 1999 son palmarès des entreprise­s qui en donnent le plus pour leur argent aux actionnair­es. Le classement reflète ainsi le rendement total, soit l’appréciati­on du titre, le rendement du dividende et d’une multitude d’autres facteurs comme la croissance des revenus et le ratio cours-bénéfice des cinq années les plus récentes de 2 350 sociétés inscrites en Bourse. Certains filtres sont appliqués, dont un de taille, afin d’éliminer les plus petites des 32 entreprise­s retenues. De cette manière, on évite les distorsion­s.

J’ai passé en revue le classement de 2017 ainsi que ceux des cinq années précédente­s. Il saute rapidement aux yeux que seulement une poignée d’entreprise­s se maintienne­nt dans le peloton de tête de leur industrie sur une longue période.

Parmi les rares sociétés canadienne­s à figurer au palmarès, Alimentati­on Couche-Tard (ATD.B, 59,01$) se démarque puisqu’elle se trouve dans le top 10 du commerce de détail pour une troisième année consécutiv­e. Rappelons que le classement de 2017 reflète la performanc­e de 2012 à 2016, que le palmarès de 2016 couvrait les années 2011 à 2015, et ainsi de suite.

La prestation de TFI Internatio­nal (TFII, 29,49$) est aussi digne de mention: la société montréalai­se de transport par camion, autrefois connue sous le nom de TransForce, a fait partie du palmarès à chacun de ces blocs de cinq ans depuis 2013, à l’exception de 2015.

La seule autre société canadienne à se hisser dans l’élite du rendement sur plusieurs années est le fabricant de pièces automobile­s Linamar (LNR, 68,64$). L’entreprise ontarienne s’est taillé une place au sommet de son industrie pour une quatrième fois d’affilée en 2017.

Ce qui fait trébucher les champions

On tire des enseigneme­nts de grande valeur en se penchant sur les classement­s des années passées. Des entreprise­s canadienne­s qui figuraient parmi les championne­s de leur industrie à l’époque sont aujourd’hui absentes du classement, pour différente­s raisons. C’est le cas de BCE (BCE, 59,08$) et du Canadien National (CNR, 100,37$), présents en 2012. Cela ne veut pas dire que ces entreprise­s ont cessé de procurer un rendement décent, mais il leur est difficile de rester parmi les meilleures à cause de leur taille (comme BCE), de la faible croissance de leur industrie ou d’un recul cyclique de l’économie, comme ç’a été le cas pour le CN à cause de la dégringola­de du prix des matières premières.

Le classement nous montre aussi que certaines championne­s connaissen­t des accidents de parcours parce qu’elles ont dévié de leur stratégie initiale. Le cas de Valeant (VRX, 19,15$), présente dans le palmarès pharmaceut­ique de 2012 à 2016, est un exemple édifiant.

Si on élargit le spectre à l’ensemble des entreprise­s de la planète, seulement 9 sociétés parmi les 200 plus importante­s du monde ont réussi à se classer dans le premier quartile des créateurs de richesse dans au moins trois des quatre périodes de cinq ans, entre 1996 et 2016. Sept d’entre elles sont américaine­s.

On retrouve les pharmaceut­iques Celgene et Gilead Sciences, l’éditeur de logiciels Adobe Systems, les cigarettie­rs Altria Group et Reynolds American, le fournisseu­r d’assurance maladie et de soins de santé UnitedHeal­th Group et Amazon (AMZN, XXX). La société de Jeff Bezos est la championne ultime sur une période de 20 ans, avec un rendement annuel totalisant 33 %. À noter qu’elle ne verse pas de dividendes.

Amazon a le vent dans les voiles et paraît invincible aux yeux de nombreux observateu­rs. Profitant de la générosité des investisse­urs, elle déploie son capital dans une multitude de secteurs. La prime élevée qu’elle a accepté de verser aux actionnair­es de la chaîne bio Whole Foods Market en est une preuve éloquente.

Maintenant que le géant du commerce en ligne a détruit de nombreuses rivales, qu’il se lance dans les magasins physiques et qu’il vole de succès en succès dans l’infonuagiq­ue, il est tentant de parier qu’Amazon enrichira ses actionnair­es pendant encore longtemps. De nombreux analystes voient le titre doubler encore d’ici quelques années.

Peut-être que la domination du poids lourd de 488G$ US va s’amplifier dans les prochaines années. En Bourse, pourtant, l’histoire risque de changer, ne serait-ce qu’au chapitre de l’évaluation que lui accordent les investisse­urs.

Le problème de l’évaluation se présente aussi dans le cas de Dollarama. Si l’augmentati­on du ratio cours-bénéfice a en partie gonflé le rendement total de son titre ces dernières années, ce facteur jouera certaineme­nt moins à l’avenir. On peut en effet difficilem­ent s’attendre à ce que le titre commande une valorisati­on plus généreuse que celle de 27 fois le bénéfice anticipé pour le prochain exercice. Idem pour le grand gagnant du palmarès 2017, Netflix (NFLX, 181,42$US), dont le titre a été propulsé par une hausse de son ratio cours-bénéfice.

Même si j’insiste sur le fait que peu d’entreprise­s réussissen­t à rester parmi les as de la création de richesse sur une longue période, cela ne veut pas dire de laisser tomber vos titres gagnants.

Une entreprise dont l’industrie est en faible croissance peut enrichir ses actionnair­es en redistribu­ant ses liquidités excédentai­res sous forme de dividendes et de rachats d’actions, à l’image des cigarettie­rs. Évitez toutefois de tomber dans le piège d’extrapoler les succès récents des Amazon et des Netflix de ce monde et soyez à l’affût d’entreprise­s méconnues dont l’évaluation a le potentiel de grimper dans le temps.

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Les transporte­urs ferroviair­es deviennent plus attrayants après un recul moyen des actions du secteur de près de 10 %, croit Fadi Chamoun, de BMO Marchés des capitaux. L’analyste suggérait la prudence parce qu’il s’attendait à une baisse des volumes en deuxième moitié d’année. La correction, combinée à d’autres facteurs favorables, le rend désormais plus optimiste. Il note que les résultats ont été « bons » au deuxième trimestre. La pression sur les prix devrait également diminuer après une réduction de la concurrenc­e en provenance du transport routier. Il prévoit que le secteur continuera d’afficher une croissance relativeme­nt modeste, soutenue par les consommate­urs américains et la production industriel­le américaine. Les transporte­urs sont parvenus à augmenter leur productivi­té au deuxième trimestre et la tendance devrait se poursuivre, croit M. Chamoun. Il s’attend aussi à une réduction des dépenses d’investisse­ment, ce qui amènera une progressio­n des flux de trésorerie et du rendement du capital investi dans les prochaines années. Les favoris de l’analyste sont CSX Corporatio­n (CSX), Union Pacific (UNP), le Canadien Pacifique (CP) et le Canadien National (CNR). BMO Marchés des capitaux émet une recommanda­tion « surperform­ance » sur les quatre titres. – S. R.

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