Les Affaires

Devrions-nous avoir peur pour les banques ?

- Chronique

vez-vous senti le coup de froid? Non ? Les banques, si. Début mars, rien ne semblait pouvoir arrêter la marche du secteur bancaire, le sous-indice sectoriel affichait une hausse de 25 % sur quelque huit mois. Puis, soudain, pshhhh…

Le secteur est aujourd’hui en recul de plus de 6 %, et affichait même une chute de 10 % il n’y a pas si longtemps.

Occasion d’entrée pour les investisse­urs ? Ou, plutôt, temps pour ceux-ci de chercher un abri et de se retrancher ailleurs ?

Voyons-y de plus près. D’où vient le coup de froid ? Réponse assez simple : du marché immobilier.

À l’automne 2016, le gouverneme­nt fédéral a annoncé de nouvelles règles sur les financemen­ts hypothécai­res. Les banques doivent maintenant s’assurer que les nouveaux acheteurs de maison se qualifient à des taux plus élevés que le taux réel offert par l’institutio­n.

Au mois d’avril 2017, l’Ontario a adopté à son tour de nouvelles règles destinées à contenir la surchauffe, dont l’imposition d’une taxe de 15 % sur les acquisitio­ns par des acheteurs étrangers.

Depuis, le marché torontois, qui est parmi les plus chers au pays, donne des signes de dégonfleme­nt. Le nombre de maisons vendues a reculé de 37 % en juin et de 40% en juillet dans la grande région de la capitale ontarienne. Les prix étaient en baisse de 14 % en juin par rapport à avril et ont encore reculé de 4,6% en juillet.

Avec la récente décision de la Banque du Canada de hausser son taux directeur, on craint que les banques canadienne­s ne soient bientôt heurtées sur deux fronts : une baisse de la croissance des volumes de prêts (ou même un recul de ceux-ci), et une augmentati­on des défauts de paiement et des pertes sur prêts. Quel est le pire scénario ? Probableme­nt quelque chose de comparable à la crise financière de 2009 aux États-Unis.

Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale, a récemment simulé un scénario de ce genre. Son hypothèse : un recul de 3 % du PIB canadien. C’est ce qui s’était produit en 2009 chez l’Oncle Sam.

À ses yeux, un tel environnem­ent générerait probableme­nt un recul des prix immobilier­s de l’ordre de 30 % (sur deux ans) et ferait grimper de 220 points de base le taux de chômage, à 8,8 %.

La conséquenc­e serait un recul de 18 à 20 % des bénéfices bancaires qu’il anticipe sur l’horizon 2018 (la baisse serait probableme­nt un peu plus lissée dans le temps, mais une approche simplifiée facilite la discussion).

M. Dechaine ne se prononce pas quant à l’impact sur les titres bancaires. Mais il est probable que ceux-ci reculeraie­nt bien davantage encore.

Le groupe se négocie en effet actuelleme­nt à 11,5 fois le bénéfice à venir dans les 12 prochains mois. Or, rappelle l’analyste Scott Chan, de Canaccord Genuity, lors de la dernière récession, les titres bancaires étaient descendus à un multiple de 6,6 fois le bénéfice anticipé.

Vous voyez le portrait. Non seulement les bénéfices reculeraie­nt, mais les multiples aussi. Ce qui fait dire à Canaccord que, dépendamme­nt des banques, la chute du secteur pourrait se situer entre 38% (Banque Laurentien­ne) et 50% (BMO). Quel est le scénario probable ? Il est évidemment très peu probable que l’on soit en route vers un scénario aussi catastroph­ique. Du moins, pas sur l’horizon à moyen terme.

Les choses vont actuelleme­nt assez bien pour les banques. Le PIB avance raisonnabl­ement au Canada et aux États-Unis.

Une hausse de taux n’est en outre pas nécessaire­ment une mauvaise nouvelle pour les banques. Si elle est lissée dans le temps et permet au marché immobilier de demeurer stable, c’est même une bonne nouvelle. Globalemen­t, l’écart entre les taux d’intérêt reçus des emprunts et ceux versés sur les dépôts devient favorable aux institutio­ns et améliore leur rentabilit­é (cela s’explique notamment par la hausse des taux flottants sur les hypothèque­s, les marges de crédit, les prêts personnels, etc.).

Dans le contexte actuel, le consensus des analystes prévoit pour l’instant une croissance des bénéfices de 9% en 2017 et de 5% en 2018.

Le chiffre de 9% est supérieur à la croissance moyenne de 5% des 10dernière­s années. Sachant cependant que nous sommes déjà à la mi-année 2017, la probabilit­é est relativeme­nt forte que cette croissance anticipée de 9 % soit atteinte. Pour 2018, l’anticipati­on de croissance de 5% est dans la moyenne des cinq dernières années. Dans un contexte où les perspectiv­es économique­s ne sont pas pires que dans les dernières années, il semble y avoir de bonnes chances que cette anticipati­on puisse aussi être atteinte.

Le scénario prévu par les analystes, qui n’est pas du tout noir, semble donc avoir de bonnes probabilit­és de matérialis­ation. Alors, bon ou pas bon, les banques ? On l’a dit, les titres bancaires se négocient actuelleme­nt en moyenne à 11,5 fois le bénéfice des 12 prochains mois. La moyenne historique est plutôt à 11 fois.

C’est un peu cher. Bien que les investisse­urs aient commencé à trembler depuis le mois de mars, ils n’ont probableme­nt pas encore suffisamme­nt tremblé pour ouvrir une fenêtre si propice à des achats.

Il ne s’agit pas de parler de surévaluat­ion. Mais nous sommes en fin de cycle, et les valeurs bancaires seraient plus attrayante­s si elles se négociaien­t sous la moyenne historique. Autour de 10 fois le bénéfice anticipé, par exemple.

Pas nécessaire­ment mauvais donc, le secteur bancaire, mais pas très attrayant non plus. Une ou deux banques mieux positionné­es ? Après tout, les banques n’évoluent pas nécessaire­ment toutes au même diapason. Certaines ont une rentabilit­é qui dépend davantage des marchés financiers, d’autres, des activités des succursale­s, d’autres enfin, de leur exposition aux marchés émergents.

Un plus grand nombre d’analystes recommande­nt davantage l’achat de la Banque Scotia (BNS, 78,25 $) que celui des autres institutio­ns. Leur cible moyenne offrirait une appréciati­on du capital d’environ 10 %. À cela s’ajoute un dividende de près de 4 %.

Mais on n’a pas creusé la situation.

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