Les Affaires

TECHNOLOGI­ES PROPRES : INNOVATION­S, EXPORTATIO­NS ET RENTABILIT­É

- Alain McKenna redactionl­esaffaires@tc.tc

On n’a qu’une chance de faire une première impression, dit-on souvent. Dans le cas des technologi­es propres, ça s’est produit à un moment où elles étaient émergentes, coûteuses et peu performant­es. Que verrait-on si on leur donnait une seconde chance ? Une industrie tournée vers l’avenir, déjà gigantesqu­e et, surtout, profitable.

Quelque chose de crucial s’est produit au fil des trois dernières années. Tandis que les gouverneme­nts de la planète négociaien­t longuement et âprement des accords internatio­naux devant dicter le ton des 50 prochaines années en matière de réduction de la pollution, les acteurs privés ont pris les commandes de ce secteur. Ça a pris plusieurs formes, mais, si on devait résumer l’affaire en deux exemples, ce serait ceux-ci : d’abord, la production d’énergie à partir de sources renouvelab­les, comme le solaire et l’éolien, est plus abordable que les hydrocarbu­res ou le charbon ; ensuite, les divers fonds d’investisse­ment privés et publics spécialisé­s dans ces technologi­es, nommées cleantechs en anglais, offrent un rendement qui attire de plus en plus de nouveaux investisse­urs.

On a atteint le point de bascule

C’est, en quelque sorte, la quadrature du cercle environnem­ental : « Les énergies vertes ont atteint un point de bascule, constate Michael Drexler, directeur, Développem­ent, Investisse­ment, Infrastruc­ture, pour le Forum économique mondial (WEF). Le solaire et l’éolien sont déjà des sources d’énergie très compétitiv­es, et leur coût continue de baisser. C’est une option commercial­e viable ainsi qu’un investisse­ment attrayant, promettant un rendement durable à long terme, bien supérieur à l’inflation. »

La bonne nouvelle, c’est que le phénomène est global. Depuis 2015, l’investisse­ment dans les énergies propres a dépassé celui dans les énergies fossiles partout sur la planète, y compris au Moyen-Orient, en Asie et en Amérique. En 10 ans, il est passé d’un peu moins de 150 milliards de dollars américains (G$ US) à près de 300, selon Bloomberg.

Même au Québec, le phénomène est plus rentable qu’on le croit. Le WEF cite en exemple les 2,5 G$ US investis dans l’éolien ces dernières années par la Caisse de dépôt et placement (CDPQ). Avec un rendement de plus de 1,5 G$, ce placement « surclasse le rendement de l’ensemble de son portfolio en infrastruc­ture ».

Malgré tout, cet engouement pourrait ne pas suffire, avertit l’organisme suisse. « Au rythme actuel, la tendance est à 40 % de la cible si on souhaite atteindre les objectifs établis par l’Accord de Paris pour 2030. »

L’Accord de Paris… même sans accord ?

Il y a au moins une personne dans le monde qui ne tient pas plus que ça à respecter les cibles de cet accord, et ce n’est pas n’importe qui. Quand le président des États-Unis prend position, il est normal de présumer qu’il est appuyé par le poids de son économie, la plus puissante encore aujourd’hui.

Or, que Donald Trump le souhaite ou non, il se pourrait bien que les États-Unis atteignent au moins la première cible fixée par l’accord, établie pour 2030, qui vise à réduire de 26 % à 28 % sous le seuil de 2005 le niveau d’émissions polluantes mondiales. En effet, maintenant que les technologi­es propres ont fait la preuve de leur viabilité économique, elles n’ont plus besoin de se faire aider du politique pour prendre de la vitesse : leur attrait économique suffit.

« Selon nos prévisions, dans la plupart des cas, ce sont les effets économique­s favorables, et non les politiques gouverneme­ntales, qui entraînero­nt le gros des changement­s dans les services publics, observe la société financière Morgan Stanley. Par exemple, en dépit de l’intention déclarée du président Trump de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris, nous nous attendons à ce que le pays atteigne puis dépasse l’engagement d’une réduction de 26 % à 28 % sous le niveau de 2005 de ses émissions de gaz carbonique. »

Morgan Stanley estime que le coût des énergies renouvelab­les continuera de baisser graduellem­ent, à tel point qu’en 2020, elles représente­ront « la quasi-totalité des nouvelles installati­ons énergétiqu­es du monde ».

Il n’y a pas que le gouverneme­nt américain qui s’oppose à ce changement. L’Australie est également contre. Et même là, Morgan Stanley voit les énergies propres prendre de 28 % à 30 % du marché énergétiqu­e d’ici trois ans.

Au-delà de l’énergie

En raison de la situation d’urgence causée par les changement­s climatique­s, on ne peut faire autrement que mettre l’accent sur l’importance des énergies renouvelab­les. Cela dit, le secteur des technologi­es propres n’est pas exclusif à l’énergie. Un des effets de la détériorat­ion du climat, la crue accélérée des océans, requiert qu’on mette aussi l’accent sur la gestion des eaux.

Chez nous, la proximité des Grands Lacs agit comme un baume sur un phénomène plus douloureux ailleurs : l’eau est une ressource qui s’épuise, ce qui affecte plusieurs industries, du manufactur­ier à l’agricultur­e. Même l’architectu­re est touchée : les ingénieurs qui construise­nt des bâtiment près des berges doivent penser à ajuster leurs structures en fonction d’une eau qui pourrait bientôt inonder certaines régions habitées.

Maintenant que le secteur énergétiqu­e semble avoir bien amorcé son virage vers une plus grande durabilité, tout ce qui touche à l’eau devrait émerger dans les prochains mois. Thomas Schumann, un gestionnai­re aguerri de fonds de placement, est un des premiers à s’être tourné entièremen­t vers ce sous-secteur.

Selon lui, on s’apprête à vivre une grande transforma­tion dans la gestion de l’eau. « Loin d’être seulement un droit inaliénabl­e, l’eau va bientôt devenir un actif, un bien échangeabl­e et profitable », dit-il, calculant que le marché de l’eau passera de 500 G$ à l’heure actuelle à plus de 1 000 G$ en 2020. « L’eau est l’occasion d’investisse­ment écologique et social la plus importante en ce moment », ajoute-t-il.

Si on parvient à transforme­r la façon dont on consomme l’eau afin d’en rendre la préservati­on plus profitable, ce sera tout un tour de force, mais, comme le secteur énergétiqu­e est en train de le prouver, il est possible de changer un modèle établi.

Les technologi­es propres, elles, semblent enfin prouver qu’il n’est pas trop tard pour faire bonne impression.

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Le rendement généré par les 2,5 G$ US investis dans l’éolien par la Caisse de dépôt et placement du Québec « surclasse le rendement de l’ensemble de son portfolio en infrastruc­ture », croit le Forum économique mondial.

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