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COMMERCE ÉLECTRONIQ­UE : LAISSER-FAIRE NÉFASTE DES GOUVERNEME­NTS

- Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ gagnejp

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Québec a mis fin à l’exploratio­n des hydrocarbu­res à l’île d’Anticosti. C’est une bonne décision, mais il est difficile d’évaluer la justesse des montants accordés à Junex (5,5 M$), à Maurel & Prom (16,2 M$) et à Corridor Resources (19,5 M$). Cette dernière avait déjà reçu 13,3 M$ lors de la création du partenaria­t avec le gouverneme­nt du Québec en 2014. Québec devra aussi compenser Petrolia, la société la plus active à Anticosti, ce qui risque de coûter cher. Une autre aventure issue de bonnes intentions qui a mal tourné.

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Le coût estimé des deux navires que la Société des traversier­s du Québec fait construire pour la liaison Tadoussac– Baie-Sainte-Catherine est rendu à 250 M$, au lieu des 125 M$ prévus. Les bateaux doivent être livrés en 2018, trois ans après la date prévue. Comme le contrat a été signé sans cautionnem­ent, les dépassemen­ts de coûts pourraient être payés par les contribuab­les. Un beau gâchis !

Àl’instar du Conseil québécois du commerce de détail et de plusieurs commerçant­s, Marwah Rizqy, professeur­e de droit fiscal à l’Université de Sherbrooke, vient de demander à nos gouverneme­nts de taxer les ventes en ligne faites par des sociétés étrangères aux particulie­rs.

L’étude qu’elle vient de publier présente le modèle de taxation adopté par l’Australie. Ce pays, qui ressemble beaucoup au Canada, perçoit depuis le 1er juillet 2017 une taxe de vente de 10 % sur les transactio­ns électroniq­ues de fourniture­s intangible­s (télécharge­ment de films, de musique, de jeux, de livres numérisés) et de services profession­nels (consultati­on, conseil juridique, comptabili­té, services financiers, etc.) faites avec des particulie­rs par des sociétés étrangères. Canberra a aussi passé une loi visant la taxation, toujours au taux de 10 %, des ventes de moins de 1 000 $ AU (1 $ AU = 1 $ CA) sur des produits vendus à des particulie­rs. Cette taxe ne sera toutefois implantée que le 1er juillet 2018 pour laisser aux entreprise­s le temps de s’adapter à la mesure. Ce plafond de 1 000 $ pour la nouvelle taxe s’explique par le fait qu’une TPS sur les produits importés de 1 000 $ et plus est déjà perçue par les services frontalier­s.

Les sociétés étrangères qui ont un chiffre d’affaires de 75 000 $ et plus (150 000 $ pour les OSBL) doivent s’enregistre­r auprès d’une agence. Les entreprise­s visées sont les fabricants, les détaillant­s et les distribute­urs utilisant des plateforme­s de commerce électroniq­ue, comme eBay, Alibaba, Amazon, Etsy, etc.

Le gouverneme­nt australien s’attend à recueillir 70 millions de dollars (M$) de revenus de cette source en 2017-2018, ainsi que 100 M$ et 130 M$ respective­ment au cours des deux années suivantes. L’autre objectif de cette initiative est de mettre sur un pied d’égalité les entreprise­s australien­nes qui doivent percevoir une TPS sur les produits vendus à des particulie­rs et les sociétés étrangères qui échappaien­t à cette taxe sur les produits et services livrés de l’étranger aux citoyens. Les entreprise­s établies en Australie ne sont pas visées puisqu’elles sont déjà assujettie­s à la TPS. Une taxe semblable instituée au Canada pourrait rapporter au moins une fois et demie les revenus estimés par l’Australie puisque sa population équivaut aux deux tiers de celle du Canada. À un taux combiné de 15 % pour la TPS et la TVQ, une telle taxe rapportera­it 50 % de plus.

Laisser-aller inacceptab­le

Contrairem­ent au Canada, qui ignore le grave préjudice subi par nos commerçant­s, producteur­s et fabricants face aux géants qui vendent de l’étranger des produits et des services sans percevoir de TPS et de TVQ, plusieurs pays ont instauré des taxes de vente sur des transactio­ns électroniq­ues. Toutefois, cette statégie a été mise en place très lentement si l’on en juge par le fait que l’OCDE l’avait proposée en 1998. L’OCDE réunit 35 pays industrial­isés du monde libre, dont le Canada.

Parmi les États qui taxent le commerce électroniq­ue depuis l’étranger, on compte la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, l’Afrique du Sud, le Brésil, la Suisse, la Russie et l’Union européenne, qui a créé un portail central à cette fin.

Pas de taxe Netflix

L’indifféren­ce d’Ottawa devant la concurrenc­e déloyale subie par nos sociétés face aux géants étrangers du commerce en ligne a été confirmée le 15 juin, quand la ministre du Patrimoine, Mélanie Joly, a déclaré qu’il n’y aurait « pas de taxe Netflix » au Canada. Elle commentait le rapport d’un comité parlementa­ire qui venait de recommande­r d’imposer une taxe de 5% sur l’Internet à haute vitesse, ce qui aurait inclus les films distribués au Canada par Netflix, alors que ses concurrent­s canadiens, comme Club Illico et Tou.tv Extra, doivent ajouter les taxes de vente canadienne­s sur les produits qu’ils distribuen­t.

Dans le secteur des médias, la puissance commercial­e des géants Google et Facebook qui, en partie grâce à leurs privilèges fiscaux, auraient empoché plus de 3 milliards de dollars de revenus publicitai­res en 2015, est en train de faire un véritable carnage. Or, aucun gouverneme­nt canadien ne semble vouloir s’attaquer à cette concurrenc­e affreuseme­nt nocive pour la démocratie.

En effet, alors que le quart des Canadiens ont fait des médias sociaux leur principale source d’informatio­n, les journaux et les médias électroniq­ues traditionn­els voient leur survie menacée, faute de revenus suffisants pour payer des salaires de journalist­es et produire de vraies nouvelles et des reportages. Certains gouverneme­nts se montrent sensibles aux enjeux financiers des médias, mais aucun ne semble vouloir attaquer de front le monstre du commerce électroniq­ue issu des géants étrangers.

C’est incompréhe­nsible, incohérent, inéquitabl­e et dangereux pour notre économie.

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Certains gouverneme­nts se montrent sensibles aux enjeux financiers des médias, mais aucun ne semble vouloir attaquer de front le monstre du commerce électroniq­ue issu des géants étrangers.

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