Le numérique bouleverse les pratiques des ordres professionnels
Les leçons de Lac-Mégantic
À la Chambre des notaires du Québec, un programme de transformation numérique de la profession, Emergence, est aussi sur la table.
L’élément déclencheur ? La catastrophe de Lac-Mégantic, durant laquelle deux études de notaires ont été touchées, entraînant la perte de 100 000 documents. « On s’est aperçu que nos normes de stockage papier ne suffisaient pas devant un tel événement », fait valoir François Bibeau, président de la chambre. Celle-ci s’est donc inspirée des façons de faire de ses homologues français, qui ont déjà adopté l’acte notarié dématérialisé, pour se construire une feuille de route quinquennale. « Il ne s’agit pas uniquement d’un bond technologique. Il faudra aussi réaliser des changements législatifs et réglementaires ainsi que des investissements majeurs dans les bureaux de notaires », croit M. Bibeau.
Cce dernier pense que d’ici quelques années, les notaires pourront proposer à leurs clients une clé USB ou un service d’infonuagique pour consulter leurs documents. Les aspects concernant la sécurité des données seront passés au crible : « On pourrait demander une sauvegarde au sein de plusieurs endroits différents, avec des serveurs hébergés exclusivement au Canada », dit-il. En attendant, les notaires qui le souhaitent peuvent numériser les documents pour en conserver une copie, même si cela n’a pour l’instant aucune valeur légale.
Vers une évolution de la réglementation
Devant l’évolution des pratiques, la réglementation peine à suivre le rythme… Sophie Morin, présidente de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec, a par exemple demandé il y a quelques mois à l’Office des professions de valider « des modifications mineures » concernant certains détails techniques. « Notre règlement actuel demande par exemple d’apposer des initiales sur chaque page d’un document, ce qui n’est pas adapté au numérique » dit-elle.
Autre exemple ? L’Ordre des CPA, dont le règlement requiert « que les notaires conservent une copie papier des dossiers sous clé, dans leur bureau, ce qui est désuet », dit Geneviève Mottard, présidente de l’Ordre.
Selon elle, il s’agit d’un enjeu de protection du public qui appelle une révision de la réglementation. « Cette question concerne l’ensemble du système professionnel », confie MmeMottard. L’ordre a notamment lancé des discussions avec le Barreau du Québec et la Chambre des notaires à propos des services d’infonuagique qui répondraient aux risques inhérents à leurs professions.
« Ces ordres doivent réfléchir aux instruments dont il est nécessaire de se doter, par l’intermédiaire de leur réglementation, précise Jean Paul Dutrisac, président de l’Office des professions. On peut aussi avoir une modification législative, comme ç’a été le cas dans la loi 11, qui a autorisé les notaires à utiliser la signature électronique. Par la suite, la Chambre des notaires doit modifier son règlement pour intégrer le changement. »
La procédure prévoit notamment une validation en plusieurs étapes auprès de l’Office, qui dialoguera lui-même avec ses partenaires gouvernementaux, ainsi qu’une consultation des membres de l’ordre. – Marie Lyan