Escalader un mur d’inquiétude
Les Américains ont une expression que j’aime bien: « climbing a wall of worry » . Il est vrai que les marchés boursiers ont souvent tendance être performants lorsque les sources d’inquiétude paraissent particulièrement nombreuses.
Or, ces sources sont multiples et variées actuellement: les récents ouragans, les problèmes politiques de Donald Trump, les négociations en cours concernant l’ALÉNA, les menaces nucléaires de la Corée du Nord, les hausses des taux d’intérêt... Il y a, me semble-t-il, de nombreuses bonnes raisons de ne pas investir en Bourse et de se tenir sur les lignes de côté.
Pourtant, y a-t-il des moments où le ciel est vraiment bleu, où il n’y a pas de réelles sources d’inquiétude ? À bien y penser, oui ! Cependant, ces périodes correspondent ni plus ni moins à celles où les marchés boursiers sont très chers et sur le point de corriger. La fin des années 1990 me vient tout de suite à l’esprit, mais on pourrait ajouter la période du milieu des années 1980, voire aller aussi loin que les années 1920, surnommées les années folles.
Ce qui distingue ces périodes est le sentiment généralisé que l’économie ne peut que continuer de progresser et que les marchés boursiers ne peuvent faire autrement que de s’apprécier. On assiste alors à un sentiment d’infaillibilité; les gens sont convaincus que, cette fois-ci, « les choses sont différentes ». N’est-ce pas aussi dans ces périodes que les investisseurs s’endettent pour investir, que des gens quittent leur travail afin de se consacrer au day trading (fin des années 1990) ou que le beau-frère qui n’avait jamais auparavant investi en Bourse nous recommande soudainement d’acheter des actions de Nortel ou de BCE Emergis?
J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux investisseurs au cours des dernières semaines. Lors de ces réunions, le sentiment dominant que j’ai perçu est celui de l’incertitude. La plupart sont inquiets, car ils craignent une correction imminente du marché. N’entend-on pas régulièrement les médias marteler que les indices boursiers fracassent des records ? Ne doit-on pas en conclure que les marchés sont chers et en voie de corriger? Les fortes corrections passées ne se sont-elles pas pour la plupart produites après que les indices ont fracassé des records ? Oui mais, à mon avis, la différence est que les investisseurs sont bien loin d’afficher cette attitude de complaisance et cet oubli des risques qui caractérisent les marchés surévalués.
De nombreux facteurs favorables
De plus, quoique nous connaissions tous les facteurs qui pourraient faire chuter les marchés, n’oublions surtout pas ceux qui pourraient leur permettre de continuer de bien performer. En premier lieu, l’économie nord-américaine se porte bien. Même s’ils ont monté récemment, les taux d’intérêt sont toujours historiquement très faibles. Le marché de l’emploi est robuste. En outre, l’évaluation des marchés nord-américains demeure raisonnable, à mes yeux. On ne peut pas parler d’aubaine générale, mais il me semble qu’il n’y a pas non plus d’excès ou de bulle dans un quelconque segment.
Et, ce qui représente pour moi le point le plus important, les résultats financiers des sociétés sont favorables, du moins pour la majorité de celles que nous suivons ou que nous possédons en portefeuille. À titre d’exemple, j’ai récemment examiné les 30 titres qui composent le portefeuille de la « Lettre financière COTE100 ». En moyenne, les 26 sociétés qui ont publié leurs derniers résultats trimestriels ont affiché une croissance annuelle de 11,7% de leur bénéfice par action.
Lorsqu’on se concentre sur les sociétés détenues en portefeuille, sur leurs résultats financiers et sur leurs perspectives de croissance, il m’apparaît que tout n’est pas si sombre, bien au contraire.
Je fais un autre constat: il y a présentement beaucoup plus de titres attrayants, des titres que nous considérons comme des « achats », qu’au cours des nombreux derniers mois.
Je calcule en effet que, parmi les 30 titres actuels du portefeuille, 17 offrent un potentiel d’appréciation d’au moins 10% en fonction de nos évaluations. Parmi ces titres, 11 sont canadiens et 6 sont américains, ce qui reflète probablement le fait que le marché canadien avait largement sous-performé par rapport au marché américain au cours des derniers mois. Au début de 2017, il n’y avait, selon mes calculs, que neuf titres en portefeuille qui offraient un tel potentiel.
Se concentrer sur le long terme
Il y aura toujours de bonnes raisons pour ne pas investir ou pour se retirer du marché boursier. Les médias et les commentateurs s’en donnent d’ailleurs à coeur joie ces temps-ci avec des commentaires souvent alarmistes.
De toute façon, ces considérations concernent le court terme. Pour les investisseurs à long terme que nous sommes, je considère que les perspectives du marché boursier demeurent attrayantes au cours des prochaines années.
Le seul véritable bémol est que les marchés sont dans l’ensemble plutôt bien évalués – le S&P 500 s’échange à un peu plus de 19 fois les bénéfices prévus de 2017 et à près de 17 fois ceux prévus pour 2018, selon Standard & Poor’s. Par contre, il ne semble pas y avoir d’excès ou de secteurs s’échangeant à des ratios d’évaluation complètement déraisonnables.
En somme, bien que la prudence soit toujours de mise et qu’on ne soit jamais à l’abri d’une correction boursière, nous croyons que les incertitudes qui prévalent actuellement ne sont pas de bonnes raisons pour déroger à une philosophie d’investissement axée sur le long terme.
Je continue de penser qu’au cours des prochaines années, les marchés boursiers procureront des rendements attrayants (quoique sensiblement moins élevés que ceux des dernières années). La clé est de continuer de concentrer nos énergies sur ce qui compte vraiment: nos sociétés.
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Lorsque le prix international du fer a chuté sous la barre des 50$ US la tonne en 2016, plusieurs mines sont tombées en déficit. Le prix s’établit maintenant autour de 65$ US la tonne, et quelques mines du Québec ont retrouvé le chemin de la rentabilité.
La mine du lac Bloom, dans la région de Fermont, fait partie de celles-là. Elle a cessé ses activités avec la déprime des prix, et Cliffs Natural Resources, qui y avait investi plus de 1,5 milliard de dollars (G$) en infrastructures, l’a vendue à rabais à Champion Iron (CIA, 1,01$). Cette dernière veut la remettre en production.
En bref, la mine du lac Bloom est un gisement de fer dont le potentiel de production est de 7,4 millions de tonnes annuellement et dont l’espérance de vie, à cette cadence, est d’au moins 20 ans. Particularité: le minerai de fer qu’on pourra y produire est de qualité supérieure puisque sa concentration est de 66%. Cela se compare avantageusement avec la norme internationale de 62%.
La réouverture de la mine demandera des investissements d’environ 350 millions de dollars (M$) d’ici 2018. Un bon investissement?
Si on en croit les dernières analyses, il n’y a pas de doute. Avec le prix actuel du fer et toutes les infrastructures qui sont en place pour l’exploitation et la livraison au port de Sept-Îles, une bonne rentabilité est envisageable. En fait, la mine du lac Bloom peut produire du minerai de fer et le faire livrer jusqu’en Chine à un coût de 55$ US la tonne. En s’appuyant sur un prix du fer (62%) à 68$ US la tonne (et à 76$ US la tonne pour une concentration supérieure à celle de la mine du lac Bloom), l’étude de faisabilité dévoilée aux investisseurs en août permet d’envisager un taux de rendement de plus de 33%. Cela correspond à une valeur nette de la mine de 984M$. Considérant qu’il y aura bientôt 409 millions d’actions de CIA en circulation (à la suite de l’émission qui est en cours), la valeur nette de la mine est de 1,52$ par action de Champion Iron.
Or, l’action de Champion Iron s’échange actuellement à seulement 1,01$. La valeur fondamentale de CIA est donc de 50% supérieure à son prix en Bourse. Et c’est sans compter les autres propriétés que détient la société.
Il est vrai que, malgré un prix du fer qui remonte à 65$ US, aucune autre propriété de CIA n’est encore rentable sur le plan de l’exploitation. C’est pourquoi aucune n’est en activité. Il sera rentable d’exploiter ces autres mines (qui couvrent un territoire de plus de 700 kilomètres carrés) seulement si le prix du fer poursuit sa hausse. Ce n’est pas ce que prévoient la majorité des analystes. Selon le consensus, le prix du fer a un potentiel à la hausse limité. La valeur de ces propriétés et celle des droits d’exploitation sont donc difficiles à évaluer. Toutefois, ces propriétés n’ont certainement pas une valeur nulle.
J’ai aussi refait l’évaluation de la mine avec un scénario plus pessimiste où le prix du fer est à 68$ US (prix du fer du lac Bloom, et non le 62%) en présumant que ce prix n’augmentera pas pour les prochains 21 ans. J’ai fait baisser la valeur en exigeant un rendement minimal pour les investisseurs de 12% plutôt que de 8% dans l’étude de faisabilité. Le résultat est une valeur de la mine à 0,94$ par action de CIA. Dans ce scénario, le cours du titre de CIA, à 1,01$, est à peine plus élevé que la valeur de la mine du lac Bloom, et ce, toujours en ignorant la valeur de toute autre propriété de CIA.
Autre volet intéressant du projet : les partenaires
Champion s’est associée à des partenaires très solides pour la réouverture de la mine. Celle-ci est détenue en copropriété par CIA (à 63 %) et par Ressources Québec (37 %), qui financent conjointement sous forme de capital-actions sa remise en production. En plus, Ressources Québec détient environ 10% des actions de CIA. S’ajoute le fait que la Caissse de dépôt et placement du Québec a autorisé un prêt de 100M$ US afin de financer la réouverture. Ce sont des investisseurs à long terme qui peuvent supporter la volatilité à court terme du prix du fer.
Sur le plan de l’expertise minière, on compte parmi les principaux investisseurs Glencore International, une entreprise suisse dont l’expertise couvre tout le cycle, de la production jusqu’au transport, en passant par le financement.
Évidemment, la valeur de CIA est liée au prix du minerai de fer, qui est difficile à prévoir. Certains analystes anticipent une offre excédentaire qui limitera le potentiel à la hausse pendant encore plusieurs années. D’autres croient que la récente décision du gouvernement chinois de fermer ses usines les plus polluantes réduira l’offre, ce qui aura pour effet de stimuler le prix.
Un aspect intéressant est que le coût de production et de livraison en Chine de Bloom Lake, à 55 $ US la tonne, est inférieur à la majorité des prévisions des spécialistes pour les prochaines années.
Le titre de Champion à 1,01 $ est donc tentant, mais risqué. Si le prix du fer (concentration de 62 %) recule à moins de 50 $ US, la valeur d’exploitation de la mine deviendra nulle et la valeur de CIA chutera. À l’inverse, si le prix du fer remonte et se maintient à 90 $ US, son sommet de 2017, la valeur de l’action de CIA dépassera 3 $, puis augmentera encore, car les autres propriétés minières de CIA deviendront rentables et leur valeur s’accroîtra aussi de beaucoup.
Un achat d’actions de Champion est en quelque sorte un investissement à levier sur le prix du minerai de fer. Si le prix du fer recule à 50$ US pour longtemps, la baisse du prix de CIA sera abyssale. Par contre, pour les investisseurs qui croient que le prix du fer va se maintenir autour de 65-70$ US ou même dépasser ce niveau au cours des prochaines années, CIA à 1,01$ est un investissement très intéressant. Et dans le scénario très optimiste où le prix remonte de nouveau à 90$ US et s’y maintient, le titre de CIA triplera de valeur.
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