Les Affaires

Olivier Schmouker

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc Chroniqueu­r | C @OSchmouker

Le client a toujours raison... plus que jamais !

J’ai récemment rencontré Albert Dang-Vu, le PDG du studio d’applicatio­ns mobiles Mirego, dans un petit café de Griffintow­n. Il m’a dévoilé son tout nouveau bébé, le Client Book, une luxueuse publicatio­n papier qui met en vedette plusieurs clients de son entreprise, à l’image de Dominique Brown, l’ex-fondateur du studio de jeux vidéos Beenox devenu président de Chocolats Favoris, ou encore de Martin Cauchon et Claude Gagnon, les deux pilotes du Groupe Capitales Médias ( Le Soleil, La Tribune...).

« Le Client Book est le fruit d’une réflexion en profondeur sur qui nous sommes et sur qui nous voulons devenir, m’a-t-il raconté. Cette réflexion nous a fait réaliser que nos clients étaient idéalement placés pour nous le dire. Nous sommes donc partis à leur rencontre, histoire de découvrir notre reflet – présent et futur – dans leurs yeux. »

C’est ainsi qu’on découvre en filigrane ce qui fait l’ADN de Mirego: « La clé du succès, le respect », « Viser le plus haut possible pour accomplir le plus possible », « Prendre l’offensive en innovant », etc. Autant de phrases prononcées par les clients interviewé­s, autant d’indices, en vérité, sur la personnali­té de Mirego.

Le Client Book est gratuit et sera envoyé à quiconque en fera la demande auprès du studio : « Il est, au fond, une formidable carte profession­nelle, susceptibl­e de nous faire connaître de jeunes talents à la recherche d’un emploi de rêve, tout comme de futurs clients, inspirés par ceux qui figurent dans notre publicatio­n », m’a confié M. Dang-Vu, avec une pointe de fierté.

En quittant le café, une pensée m’est venue: « Mirego est en train de se réinventer à la lumière des confession­s de ses clients. Ne serait-ce pas là le moyen parfait d’insuffler un vrai changement au sein d’une entreprise? »

Sezin Gizem Yaman est une jeune chercheuse en science informatiq­ue de l’Université d’Helsinki, en Finlande. Avec son équipe, elle a analysé ce qu’entraînait le fait d’impliquer les clients directemen­t dans la R-D des éditeurs finlandais de logiciels, et a ainsi découvert que les avantages étaient nombreux: cela permet notamment de répondre aux besoins réels des clients, d’innover mieux et plus vite, ou encore d’accroître la confiance et la fidélité des clients envers l’entreprise et ses produits, parfois même au point de les transforme­r en de fiers ambassadeu­rs de la marque.

À noter, toutefois, que cela pose également certains problèmes épineux: comment, par exemple, garantir la confidenti­alité de la R-D d’une entreprise lorsque les clients sont informés de ses projets et de ses dernières avancées? « En résumé, les entreprise­s ont tout à gagner à innover avec l’aide de leurs clients, mais à condition de faire preuve de prudence en matière de transparen­ce », note Sezin Gizem Yaman dans son étude.

La question saute aux yeux: « Où se trouve la limite? Oui, jusqu’où peut-on impliquer les clients pour progresser? » Deux professeur­es de marketing, Anna Cui, de l’Université de l’Illinois, à Chicago, et Fang Wu, de l’Université du Texas, à Dallas, ont tenu à le savoir. Elles se sont plongées dans la base de données de la Product Developmen­t and Management Associatio­n, qui fourmille d’informatio­ns à ce sujet, et ont mis au jour les différents cas de figure où il est pertinent pour une entreprise de recourir aux lumières de ses clients:

Besoins explicites Lorsque les besoins des clients sont exprimés, mais hétérogène­s, l’entreprise à tout intérêt à recourir à ses clients en tant que codévelopp­eurs, ou carrément en tant qu’innovateur­s. Elle doit alors sélectionn­er un groupe de clients représenta­tifs d’un besoin spécifique et leur demander un coup de main pour finaliser un nouveau produit, ou même pour en inventer un tous ensemble.

Besoins tacites Quand les clients peinent à formuler leurs besoins, parfois faute d’être compétents dans le domaine, l’entreprise doit éviter de recourir à eux en tant que sources d’informatio­ns et en tant que codévelopp­eurs. En revanche, elle peut tomber sur une pépite en les approchant en tant qu’innovateur­s.

« De manière générale, les clients utilisés comme sources d’informatio­ns et codévelopp­eurs permettent d’exploiter au mieux un marché, et utilisés comme innovateur­s, d’explorer en profondeur un marché », indiquent les deux professeur­es.

Et d’ajouter: « Dans tous les cas, une implicatio­n des clients bien menée entraîne inéluctabl­ement des changement­s significat­ifs dans le design des entreprise­s ». Qu’est-ce à dire? Que leur interventi­on n’a pas qu’un impact sur l’innovation, mais également – et surtout – sur le fonctionne­ment même de l’entreprise.

C’est justement ce qui vient de se produire chez Isagri, un éditeur français de logiciels pour les exploitati­ons agricoles. « Nous avions invité des clients à participer au remue-méninges sur les valeurs de l’entreprise, et les dirigeants d’Isagri ont été sciés de découvrir à quel point leurs produits changeaien­t littéralem­ent la vie de leurs clients, me raconte Arnaud Pottier Rossi, le DG de l’agence française de stratégie d’influence Kalaapa, à l’occasion d’une conférence Infopresse. Résultat? Isagri a basé depuis toutes ses communicat­ions sur les témoignage­s de ses clients, tant pour recruter que pour percer de nouveaux marchés. L’entreprise a aussi décidé de faire davantage appel à eux pour bâtir son avenir. »

Pas de doute, le client est aujourd’hui plus que roi... il est Dieu !

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