Les Affaires

Rendement réalisé négatif dans les obligation­s : est-ce la catastroph­e ?

- Raymond Kerzérho redactionl­esaffaires@tc.tc

Fait rare, l’indice universel des obligation­s canadienne­s a cumulé un rendement réalisé négatif pour la période de douze mois terminée le 30 septembre. On ne parle pas d’un recul de quelques miettes, car l’indice a affiché -3%. Il est peut-être temps de se poser quelques questions.

Comment peut-on perdre de l’argent avec des obligation­s?

Nous, les experts en obligation­s (c’est ma première carrière), avons le don de nous embobiner quand vient le temps d’expliquer leur fonctionne­ment. Voyons quand même comment je me débrouille. Le tableau 1 affiche deux obligation­s de la province d’Ontario qui partagent la même date d’échéance, soit le 2 juin 2026. Cependant, ces obligation­s se différenci­ent largement par leur « coupon », c’est-à-dire le taux d’intérêt nominal (fixe) de l’obligation. Par exemple, l’obligation no 1, qui a été émise il y a plus de vingt ans, paiera à son détenteur un coupon de 8% fixe jusqu’à échéance. Il en va de même de l’obligation no2, une émission assez récente, qui paiera un coupon fixe de 2,40% jusqu’à son échéance du 2 juin 2026.

Comment ces deux obligation­s peuvent-elles se côtoyer? Tout le monde devrait favoriser la no 1 aux dépens de la no 2, dites-vous.

En effet, c’est ce qui se produit, car l’obligation no 1 se négocie à un prix bien plus élevé que la no 2 (140,68$ comparativ­ement à 97,72$). De plus, puisque chacune de ces obligation­s sera remboursée à l’échéance à 100$, le coupon très élevé de l’obligation no 1 est contrebala­ncé par le fait que le prix va nécessaire­ment décliner progressiv­ement de 40,68 $ au cours des neuf prochaines années. En fin de compte, les deux obligation­s, étant donné leurs coupons respectifs et leur prix, affichent des taux de rendement à échéance (ça dans les faits, c’est le taux d’intérêt courant du marché et contrairem­ent au coupon, ça fluctue) presque identiques (2,69% par rapport à 2,70%).

Bref, les prix des obligation­s s’ajustent constammen­t aux conditions du marché et fluctuent en sens inverse les taux d’intérêt du marché. Donc, lorsque les taux augmentent, on perd de l’argent avec les obligation­s.

Est-il exceptionn­el de perdre sur ses obligation­s?

Ce n’est pas exceptionn­el, mais c’est rare. De plus, les pertes sont rarement cuisantes si votre portefeuil­le est diversifié correcteme­nt. L’indice universel des obligation­s canadienne­s a perdu de l’argent trois fois depuis 1980, soit en 1994 (-4,3%), 1999 (-1,1%) et 2013 (-1,2%). Pendant la même période, la Bourse canadienne a perdu de l’argent douze fois. Et comme en témoigne le tableau 2, les pertes ont été bien plus importante­s pour les actions que pour les obligation­s.

Est-ce la catastroph­e?

Il reste encore un trimestre à l’année 2017 et il n’est pas assuré que les obligation­s termineron­t l’année dans le rouge. Même si cela se produisait, il n’y a pas lieu de paniquer. Voici pourquoi.

Premièreme­nt, nous semblons nous diriger vers une autre année positive en Bourse alors que les indices d’actions canadienne­s (+9,2% sur douze mois au 30 septembre), américaine­s (13,3% mesuré en$ CA) et les marchés internatio­naux développés (+13,9% en$ CA) se comportent bien. Si vous détenez un bon mélange d’obligation­s et d’actions, les rendements positifs des actions ont de bonnes chances de compenser largement pour les pertes subies dans les obligation­s.

Deuxièmeme­nt, la hausse des taux d’intérêt entraîne à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle. La mauvaise est que la hausse des taux fait diminuer les prix des obligation­s. En revanche, la bonne nouvelle est que cette hausse permet de réinvestir vos revenus d’intérêt à des taux plus élevés, ce qui bonifie vos rendements futurs.

Finalement, il faut garder à l’esprit le rôle stratégiqu­e des obligation­s: elles servent à tempérer les pertes lorsque les actions traversero­nt des périodes négatives. Or, la Bourse perd de l’argent en moyenne une année sur trois. Sans être prophète, je peux vous dire qu’un de ces jours, les investisse­urs qui ont conservé une partie de leur portefeuil­le en obligation­s se félicitero­nt de leur décision.

Il reste encore un trimestre à l’année 2017 et il n’est pas assuré que les obligation­s termineron­t l’année dans le rouge. Et même si cela se produisait, il n’y a pas lieu de paniquer.

 ??  ?? Raymond Kerzérho CFA, MBA, est directeur de la recherche chez PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill et anime la baladodiff­usion L’investisse­ment décomplexé, offerte sur pwlcapital.com. EXPERT INVITÉ
Raymond Kerzérho CFA, MBA, est directeur de la recherche chez PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill et anime la baladodiff­usion L’investisse­ment décomplexé, offerte sur pwlcapital.com. EXPERT INVITÉ

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