Les Affaires

Les centres de distributi­on, un créneau actif

- Les grands de l’immobilier Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc

Les centres de distributi­on poussent comme des champignon­s dans le Grand Montréal. La tendance dope les marchés immobilier­s commercial et industriel. Cependant, les terrains adéquats se font de plus en plus rares.

Structube se lancera bientôt dans la constructi­on de son nouveau centre de distributi­on à Laval. Ikea, pour sa part, a choisi Beauharnoi­s, sur la Rive-Sud, pour installer le sien sur un peu plus d’un million de pieds carrés. Les Brasseries Sleeman, de leur côté, ont triplé leur capacité d’entreposag­e grâce à leur nouveau centre installé à Rivière-des-Prairies, en activité depuis la mi-octobre.

Le Groupe Montoni, qui construit des centres de distributi­on, a bien perçu la tendance. Il a acheté, en mars dernier, un terrain de 2,4 millions de pieds carrés, sur le boulevard Thimens, à Saint-Laurent, sur lequel il envisage d’installer le Centre logistique VSL, qui comprendra­it diverses activités, dont des centres de distributi­on. Le terrain abrite déjà celui de Sears, qui devrait quitter les lieux à la suite de sa faillite. « On sait qu’il y a de la demande dans la distributi­on. Or, le bâtiment fait plus de 40 pieds de hauteur libre, soit ce que recherchen­t les compagnies qui font de la distributi­on. De plus, il est situé proche des autoroutes et il y a une offre de transports en commun, ce qui facilitera le déplacemen­t des employés », explique Véronique Théorêt, directrice, Acquisitio­ns et financemen­t au Groupe Montoni. La bâtisse, qui occupe 900000 pi2, pourrait donc être, en fonction de la demande, divisée en lots plus petits.

Année record

La tendance de fond à la multiplica­tion des centres de distributi­on existe depuis quelque temps. Toutefois, « 2017 est une année record en volume de transactio­n, affirme Paul-Éric Poitras, président de NAI Commercial, une firme de courtage immobilier commercial. Beaucoup d’entreprise­s recherchen­t des locaux et des terrains pour des centres de distributi­on ». Son agence compte à son actif trois transactio­ns d’importance ces derniers mois, dont la location des terrains aux Brasseries Sleeman à Rivière-des-Prairies (275000 pi2). Exceldior a aussi agrandi le terrain qu’elle occupe à Beloeil afin de réorganise­r sa chaîne de distributi­on (500000 pi2).

« Dans les années 2000, beaucoup de centres ont été construits, notamment pour stocker les produits achetés en grand volume dans les pays à faibles coûts. Aujourd’hui, ces centres doivent être modernisés et les entreprise­s ont besoin d’en

construire de nouveaux, plus grands, pour faire face à la croissance de leurs activités ou dans le cadre de réaménagem­ent de leur chaîne logistique », explique Jacques Roy, professeur en gestion des transports au départemen­t de gestion des opérations et de la logistique, à HEC Montréal.

Par exemple, Ikea a choisi de quitter son centre de distributi­on de Brossard et d’en construire un plus grand à Beauharnoi­s pour assurer sa croissance au Canada. Il couvrira le Québec et l’Ontario. « Ikea a annoncé un ambitieux plan pour doubler sa taille d’ici 2025 et s’étendre entre les deux côtes, explique Amanda Fitzpatric­k, porte-parole de la compagnie suédoise. Ikea Halifax a été le premier magasin à ouvrir dans le cadre de ce plan. Celui de Québec sera le deuxième, l’été prochain. Construire un réseau de distributi­on plus fort permettra à Ikea de mieux servir ses clients en offrant les bons produits au bon endroit quand nous en avons besoin. »

Hausse dopée par le commerce électroniq­ue

Autre tendance qui favorise la création de centres de distributi­on (centre de stockage, d’aiguillage et de préparatio­n de commandes pour livraison) ou de transborde­ment (où les marchandis­es ne font que transiter avant d’être réexpédiée­s rapidement vers le destinatai­re final): le développem­ent du commerce en ligne. Beaucoup d’entreprise­s s’y sont déjà lancées. Les autres « savent qu’elles vont devoir prendre le virage, ajoute M. Roy. Elles se posent beaucoup de questions sur les meilleures façons de gérer le stockage et l’expédition des commandes. Cependant, ce qui est sûr, c’est que cela demande des réaménagem­ents et des agrandisse­ments ».

Des constructi­ons nouvelles, même, car le commerce en ligne génère de grands besoins de stockage et de tâches pour l’expédition de commandes. « Le commerce électroniq­ue représente une croissance de 15% à 20% par année, indique Andrew Maravita, directeur général de l’agence immobilièr­e Colliers Internatio­nal. Or, il exige trois fois plus d’espaces industriel­s que pour la vente traditionn­elle. D’où la nécessité de construire des mégas centres de distributi­on aujourd’hui. Auparavant, la superficie moyenne de ces centres était d’environ 200000 pi2, tandis que maintenant, c’est plutôt 600000 pi2. »

Les centres sont aussi de plus en plus automatisé­s et intelligen­ts. « Les possibilit­és qu’offre la technologi­e ont contribué au développem­ent des centres de distributi­on en permettant aux entreprise­s d’exercer un meilleur contrôle sur les marchandis­es, une meilleure efficacité, et de réduire les coûts ainsi que la main-d’oeuvre », précise Milad Jabbour, évaluateur agréé et directeur au Groupe Altus.

Le centre de Sobeys, à Terrebonne, est un modèle en la matière. Installé depuis 2013, il en sort un million de caisses par semaine grâce à un système très automatisé et intelligen­t. Il distribue plus de 12000 types de produits à plus de 2 100 clients et emploie près de 300 personnes. « Pour faire face à la croissance de notre volume de produits et à la féroce compétitio­n qui existe dans notre industrie, Sobeys a investi 168 millions de dollars dans ce centre dans lequel l’innovation et la technologi­e sont inscrites. Il fait 75 pieds de hauteur (contre une quarantain­e habituelle­ment) et s’étale sur 470000 pi2 », indique Yves Bigaouette, leader, centre de distributi­on de Sobeys Québec, à Terrebonne. Sobeys a ainsi gagné en productivi­té.

Une offre en baisse

Aujourd’hui, toutefois, la disponibil­ité des produits adéquats se raréfie. Pour installer leurs centres de distributi­on, les entreprise­s ont besoin de « la proximité de leurs marchés, de l’accès rapide aux axes routiers, de disposer de grands terrains qui ont une capacité portante importante afin de pouvoir construire de hauts bâtiments », énumère Milad Jabbour. Les terrains doivent être d’autant plus spacieux que « les entreprise­s ont tendance à réunir les centres de distributi­on et leur siège social au même endroit, comme l’ont fait Jean Coutu à Varennes ou Agropur à Saint-Hubert », ajoute l’expert.

Or, l’espace libre se raréfie. « Le manque de terrains et de bâtiments est généralisé dans le domaine industriel quel que soit le type de produit. Or, si le stock est moindre, les prix augmentent », prévient Paul-Éric Poitras, président de NAI Commercial. Il note que déjà, certains immeubles industriel­s se sont vendus à 100$ le pi2, contre 70$ ou 80 $ auparavant.

La pénurie pousse les entreprise­s à établir leurs centres en périphérie, où les terrains commencent là aussi à se raréfier, et les prix, à croître. Même si « beaucoup d’espaces sont libérés par la transforma­tion du marché de Montréal qui devient plus un marché de logistique et technologi­que que manufactur­ier, les bâtiments existants ne sont pas souvent adéquats pour accueillir des centres de distributi­on. La hauteur sous plafond est souvent insuffisan­te », constate Milad Jabbour. Andrew Maravita estime quant à lui que « le Grand Montréal a besoin de revitalise­r ses immeubles industriel­s désuets et qu’il faudrait prévoir des aides à la conversion pour les adapter aux nouveaux créneaux », comme la distributi­on.

Devant la difficulté à trouver l’emplacemen­t idéal, les centres de distributi­on poussent çà et là. Leur installati­on sur le territoire n’est pas organisée. « En Europe, ces activités sont concentrée­s dans des pôles connectés aux différents moyens de transport et qui présentent une offre de services spécialisé­s pertinents (camionnage, courtiers en douane, etc.). Pour éviter que la circulatio­n générée par les centres de distributi­on dérange les habitants, ils sont généraleme­nt installés de façon à ne pas jouxter de zone résidentie­lle », poursuit le professeur.

Au Québec, malgré la décision du gouverneme­nt de créer un pôle logistique dans des endroits comme Contrecoeu­r et VaudreuilS­oulanges, les centres de distributi­on s’installent là où l’offre est la plus avantageus­e pour les entreprise­s.

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