Les Affaires

Les villes de périphérie, destinatio­ns de choix

- Les grands de l’immobilier Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc

Beauharnoi­s, Varennes, Laval, Terrebonne, Coteau-du-Lac : les centres de distributi­on s’installent principale­ment à l’extérieur de Montréal. Et pour cause : « Les entreprise­s ont avantage à ne pas être trop loin de leur marché pour réduire leurs coûts de transport. Elles se font toutefois expulser des centres à cause du coût élevé des terrains. Par conséquent, elles s’établissen­t en proche périphérie, où les prix des terrains sont moindres », explique Jean Dubé, professeur en développem­ent régional à l’Université Laval et directeur de l’École supérieure d’aménagemen­t du territoire et de développem­ent régional. De plus, « elles fuient la congestion et le taux des taxes, qui sont aussi supérieurs à celles des villes de périphérie », ajoute Milad Jabbour, évaluateur agréé et directeur au Groupe Altus. Enfin, les centres-villes ne disposent souvent plus des espaces suffisants pour accueillir ces centres, qui s’étalent sur des milliers de pieds carrés.

Après la Rive-Nord, c’est la Rive-Sud qui attire beaucoup les investisse­ments, surtout depuis le prolongeme­nt de l’autoroute 30, en 2012. Les municipali­tés situées le long de l’A30 sont une porte vers les États-Unis et, parmi elles, celles qui sont à l’ouest offrent un accès direct à l’Ontario.

Toutefois, tant au nord qu’au sud de Montréal, de nombreuses villes bénéficien­t d’une position géographiq­ue favorable pour attirer les entreprise­s à la recherche d’une localisati­on pour leur centre de fabricatio­n. Beaucoup sont insérées dans un réseau routier dense, sont situées à proximité des ports, des aéroports et des voies ferrées.

Création de nouveaux pôles

Cependant, l’éloignemen­t des grands centres peut alors poser un problème de main-d’oeuvre. « Quand elles s’éloignent, les entreprise­s peuvent rencontrer des difficulté­s pour recruter », confirme Paul-Éric Poitras, président de NAI Commercial. Par exemple, Ikea quitte Brossard, où est actuelleme­nt installé son centre de distributi­on. Est-ce que les travailleu­rs vont suivre alors que Beauharnoi­s est à environ 45 minutes de Brossard ? Beauharnoi­s et les environs ont-ils un bassin de main-d’oeuvre suffisant et adéquat en matière de qualificat­ion pour répondre aux besoins de l’entreprise suédoise ? Le maire sortant, Claude Haineault, pense que des travailleu­rs de Brossard viendront travailler au nouveau centre de Beauharnoi­s malgré la distance. Certains travailleu­rs auraient même déjà choisi de s’installer à Beauharnoi­s pour se rapprocher de leur nouveau lieu de travail. Pour le reste, « les villes avoisinant­es comme Châteaugua­y (près de 50 000 habitants), Salaberry-de-Valleyfiel­d (plus de 40 000), Saint-Constant (environ 25 000) ou La Prairie (près de 25 000) offrent de la main-d’oeuvre disponible à proximité », précise-t-il.

L’arrivée de centres de distributi­on – mais

aussi d’autres activités, notamment industriel­les, qui quittent les centres-villes – dans certaines villes éloignées du centre de Montréal changera peut-être leur visage et le marché immobilier résidentie­l, commercial et industriel. « Les gens suivent souvent leur travail. D’autres pôles pourraient donc se développer en dehors des grands centres. Tout s’imbrique », note Jean Dubé.

L’arrivée d’activités économique­s attire de nouveaux habitants à venir s’installer plus près de leur travail et la ville grossit. Ensuite, « afin de créer des services de proximité pour leurs nouveaux habitants, ces villes cherchent à avoir une assiette fiscale supérieure en attirant de nouveaux investisse­ments commerciau­x et industriel­s », poursuit l’enseignant.

Pression sur les terres agricoles

Toutes les villes du Grand Montréal n’ont cependant pas la chance de Terrebonne et de Beauharnoi­s : plusieurs n’ont plus assez de superficie à usage industriel à offrir pour se mettre sur les rangs. Appâtées par les gains du développem­ent économique, elles veulent quand même être dans la course. Seule solution pour elle : mordre sur les hectares de terres agricoles que certaines possèdent encore et qui subissent, partout dans le Grand Montréal, une forte pression.

À Coteau-du-Lac, près de Salaberry-deValleyfi­eld, le projet d’agrandisse­ment du centre de distributi­on de Canadian Tire a fait couler beaucoup d’encre. Les terrains nécessaire­s au projet étaient en zone agricole. La Commission de protection du territoire agricole n’a accepté le dézonage que de 55 hectares sur les 165 demandés par la Ville dans le but de les intégrer à la zone industriel­le Alta. La bataille judiciaire a duré plusieurs années pour se solder par l’autorisati­on de dézonage par le tribunal administra­tif, à l’automne 2016. Ce n’est toutefois qu’en juillet dernier que Québec a signé un décret qui ouvre la voie à la réalisatio­n du projet, évalué à 300 millions de dollars.

En exigeant une grande superficie, en présentant un gain important en taxes et en créant souvent des centaines d’emplois, les centres de distributi­on intéressen­t grandement les villes. Tandis que les terrains disponible­s se raréfient, la pression sur les terres agricoles n’en est que plus forte.

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