Les Affaires

MINE DU LAC BLOOM, VITALITÉ DU PLAN NORD

Le plus étonnant, c’est que le rédémarrag­e soit l’oeuvre d’une PME, Champion Iron, qui prend ce risque après avoir racheté la mine pour ce qui est, dans ce milieu, l’équivalent d’une bouchée de pain.

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

Au départ, on avait peine à y croire, mais les sceptiques ont été confondus. Le mercredi 15 novembre, la mine de fer du Lac Bloom, près de Fermont, a été officielle­ment relancée, trois ans après que l’ancien propriétai­re, Cliff Natural Resources, a décidé de la fermer. Le plus étonnant, c’est que le rédémarrag­e soit l’oeuvre d’une PME, Champion Iron, qui prend ce risque après avoir racheté la mine pour ce qui est, dans ce milieu, l’équivalent d’une bouchée de pain. Faisons un retour en arrière.

À l’hiver 2011, en pleine relance du prix du minerai de fer, l’américaine Cliff Natural Resources, de Cleveland, achète la minière québécoise Consolidat­ed Thompson et sa mine du Lac Bloom pour un montant astronomiq­ue de 4,9 milliards de dollars… mais le potentiel, semble-t-il, explique la facture.

Le changement de propriétai­re n’affecte pas les activités de la mine. Au contraire, Cliff entend doubler sa production. C’est vers ce moment, en 2012, qu’une mission pilotée par Les Affaires se pose à Fermont, une étape avant sa destinatio­n finale, la mine de nickel de Canadian Royalties, dans le Grand Nord. Une trentaine d’entreprene­urs en font partie, intéressés à proposer leurs services en tous genres, autant environnem­entaux qu’industriel­s ou financiers. Les retombées éventuelle­s d’une participat­ion au Lac Bloom sont prometteus­es. L’avenir est souriant. C’est alors que le prix du fer s’effondre.

Les plans de Cliff se refroidiss­ent rapidement. Le premier signe en est la fermeture de son usine de boulettage à Sept-Îles, en 2013. L’année suivante, c’est la mine elle-même qui passe au tordeur. Elle cesse ses activités et 400 personnes perdent leur emploi. Elle devient ainsi une sorte de symbole des ambitions apparemmen­t perdues du « Plan Nord ».

À Fermont, cet échec est durement ressenti. Après les années de vaches grasses où l’expansion de l’industrie minière se traduisait par des défis liés à sa croissance – où loger et satisfaire tout ce monde? –, le recul fait très mal. Il reste toujours Arcelor Mittal et ses imposantes mines de Mont Wright et de Fire Lake, dans les environs, mais elle-même envoie des signaux inquiétant­s.

C’est alors que, en 2016, Champion Iron, de Vancouver, surprend en entrant en jeu. Personne n’a jamais mis en cause la qualité du minerai de fer du Lac Bloom. C’est le prix mondial déprimé et les coûts de production qui ont entraîné la chute de la mine.

Pour 10 millions de dollars, Champion met la main sur l’actif délaissé par Cliff, qui l’avait acheté juste cinq ans plus tôt presque 500 fois plus cher! C’est une aubaine… pourvu qu’on puisse arriver à en tirer quelque chose. Cependant, si une multinatio­nale a rendu les armes, comment une société qui commence pourrait-elle espérer réussir? La commande paraît si grosse que beaucoup se demandent si l’idée n’est pas simplement de faire un peu d’argent en soldant ce qui reste des équipement­s et du site. Un an plus tard, force est de constater que les plans de Champion Iron étaient sérieux, assez, en tout cas, pour lui permettre de recueillir le financemen­t nécessaire à la relance de la mine.

La plus grosse injection de fonds est arrivée en juillet, lorsque Minerai de fer Québec, la filiale de Champion Iron, a conclu un emprunt de 180M$ auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec, alliée à la firme Sprott Resource Lending, après une étude de faisabilit­é qui signalait que le projet de relance était viable. Québec a aussi grandement contribué à l’aide d’une série d’investisse­ments qui totalisent 51M$, ce qui lui procure une participat­ion de 36,8% dans la mine.

Ainsi, le 15 novembre, on confirmait la réussite de tout ce montage financier et le redémarrag­e officiel des activités, prévu pour mars 2018. Entretemps, 450 emplois bien payés auront été créés. Si le prix du minerai de fer peut se maintenir au-dessus de 55 dollars la tonne, le pari du retour à la rentabilit­é sera tenu. À noter, Champion Iron fait également partie du groupe de cinq sociétés qui ont investi dans le quai multi-usager de Pointe-Noire, à Sept-Îles, une infrastruc­ture capable d’accueillir les plus grands minéralier­s du monde.

Sur un plan plus large, la relance de la mine du Lac Bloom s’ajoute à d’autres développem­ents pour ce qu’on appelait le « Plan Nord » qui, contrairem­ent à la rumeur, n’était pas mort…

La mine de diamants Renard, de Stornoway, veut embaucher 50 nouveaux travailleu­rs alors qu’elle passe d’une exploitati­on à ciel ouvert à une exploitati­on souterrain­e. Parallèlem­ent, elle pense pouvoir résoudre le problème de bris de diamants, lors de leur extraction, qui a affecté sa rentabilit­é.

Si les projets de la mine de lithium Nemaska et de son usine de transforma­tion sont retardés d’un an, comme le rapportait plus tôt notre collègue François Normand sur le site de lesaffaire­s.com, ceux de Mason Graphite, au nord de Baie Comeau, en revanche, progressen­t comme prévu.

La grande mine d’or Eleonore, en Jamésie, fonctionne à plein régime depuis plus de deux ans et emploie, aussi bien directemen­t qu’indirectem­ent, quelque 1 200 personnes. De son côté, la minière Tata Steel a repris au printemps ses activités à Sheffervil­le, avec 450 travailleu­rs, dont 150 issus des Premières Nations.

D’autres projets, solides, sont également en cours.

Oui, le potentiel minier du Québec demeure bien réel. Pour autant qu’on puisse trouver le personnel pour poursuivre sa mise en valeur…

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