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RÉMUNÉRATI­ON DES PDG : IL Y A UNE MARGE D’AMÉLIORATI­ON

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ diane_berard

En 15 ans, le document type expliquant la rémunérati­on des dirigeants canadiens a quintuplé. Il fait désormais 34 pages! D’une entreprise à l’autre, c’est du copier/coller, ces modèles de rémunérati­on étant tous rédigés par les mêmes firmes de consultant­s. « Les comités de rémunérati­on des CA sont sous l’emprise de principes de rémunérati­on généraleme­nt acceptés », ironise Yvan Allaire, président exécutif du CA de l’Institut sur la gouvernanc­e d’organisati­ons privées et publiques (IGOPP).

L’IGOPP vient de publier sa seconde prise de position sur la rémunérati­on des dirigeants, intitulée Trancher le noeud gordien. On y affirme, entre autres, que la rémunérati­on des PDG repose sur des hypothèses fausses ou faibles. Un exemple: la haute transférab­ilité du talent de gestion d’une industrie. Au nom de ce « marché des talents », le CA devrait accorder une rémunérati­on élevée au PDG, pour éviter qu’il quitte le navire. « Pour un cas de recrutemen­t externe réussi, on relève une dizaine d’échecs, souligne Yvan Allaire. Recruter un PDG externe dénote l’échec du processus de relève. D’ailleurs, les entreprise­s le savent. En 2016, 90% des firmes du S&P 500 qui ont changé de dirigeant ont promu un de leurs cadres. »

Une autre fausse prémisse: la relation entre les mesures entreprise­s par le PDG et la valeur de l’action. « Ce lien est surévalué, dit Yvan Allaire. Trop de facteurs externes, politiques, sociaux et économique­s influent sur un titre. » Une troisième hypothèse erronée est la notion de rémunérati­on à risque comme mesure incitative. « Les PDG ne reçoivent pas une rémunérati­on à risque, précise Yvan Allaire. Ils reçoivent une rémunérati­on variable. Ce n’est pas tout ou rien. C’est tout ou un peu moins. »

Au fil des augmentati­ons basées sur les prémisses précédente­s, la rémunérati­on médiane des PDG canadiens atteint aujourd’hui 8 millions de dollars canadiens. C’est de 2 à 3 fois plus que celle des 2e et 3e dirigeants les mieux rémunérés et 140 fois plus que le salaire moyen des travailleu­rs du secteur privé. Ce fossé a entraîné un effritemen­t de la confiance dans la capacité et la compétence des comités de rémunérati­on à établir et à contrôler la rémunérati­on des dirigeants. « Les comités de rémunérati­on perdent leur légitimité, constate Yvan Allaire. Les autorités réglementa­ires s’immiscent de plus en plus dans leur travail et le vote consultati­f des actionnair­es gagne en popularité. Les administra­teurs savent qu’ils sont sur la sellette. »

Des solutions pour reprendre le contrôle de la rémunérati­on des PDG

« Aucun CA ne peut agir isolément, estime Yvan Allaire. Faire bande à part comporte trop de risques. Il faut un forum où les présidents de CA et les présidents de comités de ressources humaines/rémunérati­on puissent discuter entre eux et s’entendre collective­ment. » Il établit un parallèle avec la Coalition canadienne pour la bonne gouvernanc­e, dont les investisse­urs institutio­nnels se sont dotés en 2002.

Le rapport de l’IGOPP suggère aussi de simplifier les programmes de rémunérati­on – afin que les membres puissent les maîtriser et voter en connaissan­ce de cause – et de mettre fin à la standardis­ation. « Chaque entreprise a sa dynamique et ses enjeux d’investisse­ment », rappelle Yvan Allaire.

Le rapport propose de remplacer l’attributio­n annuelle d’actions par une attributio­n aux trois ans. Et que ces unités d’actions soient exerçables au terme d’un nombre d’années établi selon le cycle d’investisse­ment de l’industrie, qui peut aller jusqu’à 10 ans.

Enfin, l’IGOPP estime que le CA devrait déclarer dans la Circulaire de procuratio­n qu’il est informé du rapport entre la rémunérati­on du PDG et la rémunérati­on médiane dans l’entreprise ainsi que dans la société civile, et qu’il juge ce rapport approprié dans le contexte de l’entreprise, de l’industrie et des valeurs de la société ambiante.

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L’IGOPP suggère de simplifier les programmes de rémunérati­on – afin que les membres puissent les maîtriser et voter en connaissan­ce de cause – et de mettre fin à la standardis­ation.

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