Les Affaires

CHANGEMENT DE PLAN À LA SCOTIA

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc C @@ srolland_la

L’industrie bancaire se transforme si rapidement que la Banque Scotia n’a pas eu le choix de remettre son plan d’expansion au Québec sur la planche à dessin, raconte Carole Chapdelain­e, qui dirige les activités de détails au Québec et dans l’est de l’Ontario. En poste depuis six ans, la dirigeante a réussi à accroître la part du gâteau de la plus internatio­nale des banques canadienne­s, mais elle a dû emprunter un chemin différent pour y parvenir.

Arrivée en poste en septembre 2011, Mme Chapdelain­e avait alors annoncé son intention d’ajouter 40nouvelle­s succursale­s aux 59que comptait la Scotia au Québec d’ici à la fin de l’année 2016. L’objectif était de faire passer la part de marché de la Scotia de 3,5% à 5%.

Six ans plus tard, l’ambition de doubler le nombre de succursale­s ne s’est pas matérialis­ée. Dans l’industrie bancaire, l’heure est aux fermetures et au regroupeme­nt tandis que la part des transactio­ns faites en ligne augmente rapidement. « Il y a cinq ans, c’était encore une fierté pour une banque d’avoir plus de succursale­s, se souvient-elle. Aujourd’hui, les banques veulent être celles qui offrent les meilleurs services sur les téléphones intelligen­ts. »

Mme Chapdelain­e peut tout de même affirmer: « Mission accomplie. » Les parts de marché se situent aujourd’hui entre 5% et 6%. Cette avancée s’est faite avec presque le même nombre de succursale­s, soit 61. « On a consolidé des marchés où on n’avait pas besoin d’autant de succursale­s, explique-t-elle. En revanche, nous en avons ouvert dans de nouveaux marchés. »

Séduire les agriculteu­rs et les jeunes

En ouvrant des établissem­ents à Drummondvi­lle et à Saint-Jean-sur-Richelieu, la Scotia a diversifié sa clientèle. « Nous avons pu ainsi aller chercher autre chose, car nous sommes dans des milieux urbains au Québec, loin du marché agricole. Saint-Jean et Drummondvi­lle nous ont permis de nous rapprocher des petites entreprise­s de ce milieu. » Outre cette clientèle, l’institutio­n financière veut développer celle des profession­nels de la santé et des franchisés.

La Scotia veut également se positionne­r comme la « banque des jeunes ». La carte Scène, qui offre des billets de cinéma en récompense, est un exemple de produit utilisé pour séduire la clientèle des 17 à 30 ans. « C’est difficile de convaincre un client de changer de banque. On le sait parce qu’on essaie de le faire avec ceux des autres institutio­ns. Quand on va les chercher très jeunes, ça nous permet de fidéliser des clients que nous pourrons garder longtemps. »

L’hypothèque reste le service de prédilecti­on pour attirer les jeunes familles. Outre son site web et ses employés en succursale, l’institutio­n financière mise sur une équipe de vente mobile qui entretient des relations avec les courtiers immobilier­s. Elle mise aussi sur les ventes réalisées par des courtiers hypothécai­res indépendan­ts.

Dans les dernières années, bien des prêteurs ont décidé de limiter leurs relations avec les courtiers hypothécai­res. C’est le cas de la Banque Nationale, qui a décidé de confier ce segment à un tiers, et de la Laurentien­ne, qui laisse ce marché à sa filiale B2B. Pourquoi la Scotia ne restreint-elle pas, elle aussi, ses relations avec les courtiers? « C’est la stratégie du réseau à la grandeur du Canada, mais c’est une très bonne chose pour le Québec, où nous sommes plus petits, se réjouit-elle. Avec seulement 5% des parts de marché, j’ai beaucoup plus de chances que le courtier nous amène des clients d’une autre institutio­n financière. »

La petite taille de la Scotia au Québec est un avantage. Mme Chapdelain­e est bien placée pour la savoir, car elle gère également la région de l’est de l’Ontario, où elle détient 30% de parts de marché. « C’est plus difficile en Ontario qu’ici parce que c’est un marché mature. C’est plus complexe de gagner un point de pourcentag­e quand tu as 30% de parts de marché. En Ontario, nous sommes sur nos gardes. Nous devons réagir pour protéger nos acquis. Au Québec, c’est nous qui séduisons les clients des autres banques. »

Un plan flexible

Après avoir révisé son plan initial, MmeChapdel­aine ne croit plus qu’on puisse mettre en place un plan stratégiqu­e de cinq ans avec des cibles précises. « Est-ce possible de voir ce qu’on a devant nous dans cinq ans? Je ne suis pas certaine. L’industrie a tellement évolué et le rythme du changement n’arrête pas de s’accélérer. C’est difficile d’avoir une vision claire. »

Malgré cette incertitud­e, la Scotia a toujours un plan, insiste la dirigeante. Elle veut aller chercher un autre 1% ou 1,5% de parts de marché, mais la cible est conditionn­elle au maintien du seuil de rentabilit­é. « Je ne veux pas qu’on ait l’air de ne pas savoir où on s’en va », lance-t-elle avec un rire. « On veut rester agile. Il faut mettre du capital de côté pour pouvoir faire les investisse­ments technologi­ques nécessaire­s si un nouveau joueur vient perturber notre rentabilit­é. Pour avoir cette réserve, on doit augmenter nos revenus et diminuer nos coûts d’année en année. »

En 2017 seulement, la Banque Scotia consacrera entre 2,5G$ et 2,6G$ aux investisse­ments technologi­ques. Au début de l’année, elle a ouvert son « usine numérique » à Toronto, qui embauche près de 350 personnes afin de développer de nouvelles solutions technologi­ques.

Ces investisse­ments soulèvent des questions sur la sécurité d’emploi des 2 100 employés de la Banque au Québec. Dans les deux dernières années, plus d’une institutio­n financière a annoncé des mises à pied dans la province. L’objectif: réduire les dépenses salariales destinées aux tâches cléricales et rediriger ces sommes vers la technologi­e. « On n’a fait aucune mise à pied au Québec, car nous sommes en expansion, répond Mme Chapdelain­e. Au sein de la Scotia, nous sommes la seule région dans cette situation tandis que les autres doivent réduire leurs effectifs. » La division embauche environ 30 nouveaux employés par mois, et la vice-présidente estime qu’une vingtaine de ces emplois seraient créés au Québec.

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Carole Chapdelain­e, première vice-présidente, Québec et est de l’Ontario, Banque Scotia

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