Les Affaires

Jean-Paul Gagné

La clé d’une immigratio­n soutenue et réussie est l’intégratio­n des nouveaux venus. Il faut en faire une priorité.

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Le Québec doit faire plus et mieux en matière d’immigratio­n

Le gouverneme­nt fédéral prévoit accueillir au pays 310000 immigrants en 2018, 330000 en 2019 et 340000 en 2020. Près de 60% de ces nouveaux venus seront des immigrants dits économique­s, soit des personnes qui arriveront avec une profession ou un métier ou qui sont des investisse­urs ou des étudiants. Environ 15% seront des réfugiés et les autres viendront rejoindre leur famille.

Le Canada avait accueilli une moyenne de 260000 immigrants de 2011 à 2015, mais 300000 en 2016 grâce à l’afflux de presque 60000 réfugiés syriens. L’accélérati­on de l’immigratio­n vise à contrer l’effet du vieillisse­ment de la population et du déclin du nombre de personnes en âge de travailler sur la croissance économique du pays. Si rien n’est fait pour contrer ces tendances, le produit intérieur brut du Canada (PIB) pourrait croître de seulement 0,8% par année en termes réels au cours des 50 prochaines années, comparativ­ement à 3,1% au cours des cinq décennies précédente­s selon le rapport du Conseil consultati­f en matière de croissance économique créé par le premier ministre Justin Trudeau.

C’est ce constat inquiétant qui avait amené ce Conseil, présidé par Dominic Barton de la firme McKinsey & Company, à proposer à Ottawa de faire passer de 300000 en 2017 à 450000 en 2021, le nombre d’immigrants au Canada. Toutefois, cet objectif a été rejeté par le gouverneme­nt Trudeau parce que trop ambitieux pour deux raisons: la difficulté d’intégratio­n des immigrants et le doute des Canadiens sur les bienfaits de l’immigratio­n.

En effet, selon un récent sondage d’Ipsos (tel que rapporté par La Presse), 38% des Canadiens voient l’immigratio­n comme positive, mais 30% pensent le contraire. Toutefois, 43% croient que leur venue au Canada est favorable à l’économie et 48% pensent qu’ils rendent le pays plus intéressan­t. Les Québécois sont moins ouverts. Près de 50% d’entre eux croient que les immigrants transforme­nt le pays d’une manière qui leur déplaît, alors que 37% des autres Canadiens pensent de même. Ces chiffres expliquent la prudence des gouverneme­nts par rapport à l’accroissem­ent de l’immigratio­n.

Enjeu important pour le Québec

Les objectifs du gouverneme­nt canadien poseront un défi pour celui du Québec. Alors que premier ministre Philippe Couillard a déjà rêvé d’accueillir 60000 immigrants par année, Kathleen Weil, alors qu’elle était ministre de l’Immigratio­n, a plutôt proposé d’en faire entrer entre 49000 et 51000 en 2017 et 2018, puis entre 50500 et 54500 en 2019. Si cet objectif tient, le Québec n’accueiller­a alors qu’environ 15% des nouveaux venus au Canada, ce qui veut dire qu’il perdra encore de son importance relative au sein de la fédération. La population du Québec ne représente que 23% de celle du Canada, alors que son PIB compte pour moins de 20% de celui du pays. Si le Québec maintient ses cibles d’immigratio­n, sa croissance économique en souffrira puisqu’il aura relativeme­nt moins de consommate­urs et surtout moins de travailleu­rs gagnant un revenu, que le reste du Canada.

Outre l’enjeu économique de l’immigratio­n, le gouverneme­nt Couillard doit aussi gérer les perception­s au sein de la population, en ce qui a trait aux avantages politiques que certains partis de l’opposition cherchent à gagner en attirant l’attention sur les difficulté­s d’intégratio­n des immigrants. Il s’agit là certes d’un défi réel, mais on peut se demander si on en fait assez pour optimiser les processus d’intégratio­n des immigrants.

Pourrait-on mieux sélectionn­er les candidats à l’immigratio­n ? Peut-on miser davantage sur les personnes qui parlent français et qui ont un métier ou une profession? Peut-on faciliter davantage la reconnaiss­ance des compétence­s profession­nelles des étrangers au sein des profession­s et des métiers dont l’accès est réglementé? Peut-on accroître et améliorer l’effort de mise à niveau des connaissan­ces des immigrants? Peut-on être plus proactif pour les amener à travailler en région, où les besoins de main-d’oeuvre sont plus grands qu’à Montréal, où s’établissen­t 85% des nouveaux venus ? Peut-on recruter plus d’étudiants étrangers et, surtout, développer des stages en entreprise­s pour encourager leur rétention ? Peut-on améliorer le programme des immigrants investisse­urs afin d’accroître leur rétention ? Peut-on sensibilis­er les PME en région à l’expertise qu’elles peuvent obtenir des travailleu­rs immigrants? Peut-on faire plus de promotion sur les avantages de l’immigratio­n ? Peut-on améliorer les processus d’embauche, notamment en favorisant des stages en entreprise ? Avec un peu de bonne volonté, on peut répondre OUI à toutes ces questions. Québec s’est engagé à investir 42,5 millions de dollars en cinq ans pour faciliter l’intégratio­n des immigrants. Est-ce assez? Poser la question, c’est y répondre.

La clé d’une immigratio­n soutenue et réussie est une meilleure intégratio­n. Il faut en faire une priorité. C’est très important pour notre économie, nos finances publiques et notre prospérité.

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Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ gagnejp

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