Les Affaires

Un entreprene­ur au service de l’énergie verte

- François Normand francois.normand@tc.tc @francoisno­rmand

PDG de l’année – Moyenne entreprise — Même s’il porte un nom de famille célèbre, Patrick Lemaire a dû faire ses preuves depuis qu’il est en âge de travailler. Il a gravi les échelons, en étant responsabl­e de l’entretien dans une usine de Cascades aux États-Unis, puis, vice-président et chef de l’exploitati­on (cartons-caisses) de sa division Norampac. Depuis 2006, il dirige le producteur d’énergie verte Boralex, acheté par Cascades en 1995, dont les principaux indicateur­s sont en forte croissance.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Depuis 5 ans, l’action (BLX., 23,30$) a bondi de 142 % et la capitalisa­tion boursière atteint maintenant 1,7 milliard de dollars canadiens. Les bénéfices ont aussi fortement progressé : celui avant impôt, intérêts et amortissem­ent (BAIIA) est passé de 111 à 187 millions de dollars entre 2014 et 2016.

Sur la même période, les revenus tout comme la production d’électricit­é ont augmenté d’environ 50 %.

Aujourd’hui, Boralex est bien implantée au Canada et en France, et la société québécoise veut accroître sa présence sur le marché américain. La majorité de sa production en mégawatts se situe au Canada (54 %), suivi de la France (40 %) et des États-Unis (6 %).

Tous ces éléments ont séduit le comité de sélection de Les Affaires, qui a décerné le prix de PDG de l’année, catégorie moyenne entreprise, à M. Lemaire, président et chef de la direction de Boralex.

Le comité a aussi apprécié l’engagement de la famille Lemaire dans les énergies renouvelab­les et la diversific­ation géographiq­ue de l’entreprise. Tout comme il a vu d’un bon oeil la récente prise de participat­ion de 17,3 % de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans son capital (l’institutio­n a racheté le bloc d’actions de Cascades).

Les accompliss­ements de Boralex et de son grand patron ont aussi été remarqués ailleurs dans le monde des affaires. Le 15 novembre, la revue britanniqu­e World About Wind a classé M. Lemaire au 58e rang des acteurs les plus influents de l’industrie éolienne dans son palmarès annuel.

Un homme d’équipe

Ainsi, quand nous sommes allés l’interviewe­r en octobre, Patrick Lemaire avait toutes les raisons du monde d’être fier et de s’attribuer une bonne partie du crédit pour ces succès. Pourtant, il a plutôt souligné le travail de ses employés. « Je suis très fier des réalisatio­ns, de ce que Boralex a fait au cours des 10 dernières années. C’est grâce à eux, nos employés, qu’elle est ce qu’elle est aujourd’hui, affirme l’entreprene­ur. Et c’est en continuant à faire ce que nous avons fait dans le passé que nous allons nous propulser dans le futur. »

À ses yeux, aucune entreprise ne peut avoir de succès sans de bons employés. Bref, cela ne peut pas se résumer à une seule personne. « C’est toujours l’histoire d’une équipe », insiste-t-il.

Le PDG de Montréal Internatio­nal, Hubert Bolduc, qui de 2004 à 2012 a été vice-président, Communicat­ions et affaires publiques chez Cascades, confirme que le patron de Boralex est un homme d’équipe. « Il est vraiment de la trempe de ses oncles et de son père, Bernard Lemaire. Il est présent dans les usines, auprès de ses employés. C’est un trait déterminan­t. »

Le dynamisme de Boralex est aussi salué par les spécialist­es en énergie. C’est notamment le cas de Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, qui souligne que l’entreprise est toujours à l’affût de nouvelles occasions dans le secteur des énergies renouvelab­les. « Elle a su développer son créneau à partir des résidus de bois et de l’hydroélect­ricité, d’où elle tire ses origines, venant du secteur des pâtes et papiers. Sa démarche de diversific­ation dans l’éolien et le solaire a bien fonctionné, et elle continue d’avoir des projets prometteur­s », dit-il. La stratégie de croissance Boralex produit quatre types d’énergies renouvelab­les : de l’éolien (84 %), de l’hydroélect­ricité (12 %), du thermique à l’aide de la biomasse forestière (3 %) et du solaire (1 %). Aujourd’hui, l’entreprise a une puissance installée de 1 403 mégawatts (MW) d’électricit­é en exploitati­on. Depuis que M. Lemaire est à la barre de Boralex, la stratégie de croissance a toujours essentiell­ement reposé sur des acquisitio­ns. C’est de cette manière que l’entreprise a fait sa première incursion en France, en 1998, en mettant la main sur la centrale hydroélect­rique de La Rochette. C’est cette stratégie que déploiera Boralex pour continuer d’afficher une croissance annuelle d’environ 10 % dans les prochaines années. Par exemple, d’ici la fin de 2020, sa production passera de 1 403 à quelque 2 000 MW, soit un bond de 40 %. Plusieurs projets sont d’ailleurs en constructi­on ou prêts à construire au Canada et en France.

Boralex est aussi bien positionné­e pour réaliser des projets en Écosse grâce à la création d’une coentrepri­se, le 17 octobre, avec la britanniqu­e Infinergy, qui développe, finance, construit et exploite des projets éoliens. Même si le marché européen demeure névralgiqu­e pour Boralex, les États-Unis sont assurément sur son écran radar. Boralex exploite déjà 82 MW de projets hydroélect­riques dans l’État de New York.

Maintenant, elle veut s’étendre ailleurs sur le marché en créant une coentrepri­se avec un développeu­r de projets, qui produit déjà de l’énergie renouvelab­le. Cependant, M. Lemaire est patient. « On ne fera pas affaire avec le premier venu. On a déjà eu quelques discussion­s. Il y a des partenaire­s potentiels qui sont trop gourmands », dit-il, en précisant que Boralex veut détenir au moins 50 % de la coentrepri­se. Le risque : la fin de la prévisibil­ité dans l’industrie Même si Patrick Lemaire est optimiste pour l’avenir, il affirme que Boralex devra s’adapter aux nouvelles conditions de marché. Comme les coûts de production des énergies renouvelab­les sont devenus très compétitif­s, les gouverneme­nts en Amérique du Nord et en Europe réduisent graduellem­ent leur soutien à cette industrie. Du coup, les contrats à long terme avec des prix déterminés et indexés seront de moins en moins fréquents. « Il faut un peu revoir notre modèle de marché », confie M. Lemaire, en expliquant que 98 % de la capacité de production de l’entreprise est actuelleme­nt encadrée par des contrats à long terme (une moyenne de 15 ans).

Ces conditions de marché procurent des flux monétaires stables et prévisible­s à Boralex, et séduisent en plus les investisse­urs. Or, le nouvel environnem­ent d’affaires qui se dessine à l’horizon fera en sorte que les flux monétaires seront moins stables et prévisible­s. Le défi sera de taille, admet le patron. « Il faut être créatif. Il faudra aussi probableme­nt se servir d’outils financiers pour essayer de minimiser les variations de nos revenus. » Cela dit, M. Lemaire est confiant. Boralex a su s’adapter aux conditions de marché depuis sa fondation. Elle continuera de le faire dans l’avenir.

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