Les Affaires

Déchiffrer l’avenir de la profession comptable

Les CPA du Québec en chiffres

- Profession : comptable Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

La profession comptable est en changement: vieillisse­ment, diversité croissante, confiance à soutenir. Quels sont les plus importants enjeux qui la façonneron­t au cours des prochaines années, et dans quelle direction ces forces risquent-elles de la tirer?

Reconnaiss­ance des compétence­s

Pour commencer, la profession vieillit. « D’ici quelques années, on prévoit qu’il y aura plus de CPA qui partiront à la retraite que de futurs CPA qui sortiront des écoles – même si les écoles fonctionne­nt à plein rendement », explique Geneviève Mottard, présidente et chef de la direction de l’Ordre des CPA du Québec.

Pour combler le manque à gagner, la profession devra donc se tourner vers l’immigratio­n. Les perspectiv­es sont bonnes parce que le Canada jouit d’une excellente crédibilit­é à l’internatio­nal au sein du monde comptable. L’Ordre des CPA reçoit d’ailleurs un nombre croissant de demandes de reconnaiss­ance de compétence­s. Il y a quelques années, le nombre annuel tournait autour de 150. Cette année, il pourrait atteindre 600.

L’Ordre a bien des ententes de reconnaiss­ance avec une foule de pays, tels les États-Unis, la France, la Nouvelle-Zélande et l’Inde, ce qui accélère le processus. Mais, cette année, le gros des demandes provient de l’Afrique du Nord, un ensemble de pays avec lesquels l’Ordre n’a pas conclu d’ententes. « On doit donc étudier ces demandes au cas par cas, parce qu’il faut s’assurer que la loi, qui encadre l’obtention du titre, nous permet de leur accorder leur équivalenc­e », dit Mme Mottard. L’intégratio­n des nouveaux arrivants demeure malgré tout un défi parce que leur parcours et leur formation ne sont pas toujours adéquats.

Jusqu’à présent, si le candidat n’avait pas reçu de formation adéquate, la réponse de l’Ordre était de demander à ce dernier de suivre de deux à six ans de formation. Pour raccourcir le processus, l’Ordre vient plutôt de mettre en place un programme intermédia­ire de technicien avancé qui peut être suivi à distance et modulé selon les compétence­s du demandeur : la Certificat­ion avancée en comptabili­té et en finance. Lancée en septembre dernier à petite échelle, cette formation devrait être lancée à plus grande échelle en janvier. Les étudiants pourront choisir entre plusieurs université­s, dont l’ESGUQAM et HEC Montréal. Une profession qui s’ubérise MmeMottard note que le système profession­nel est en pleine érosion. La certificat­ion est le seul acte réservé, mais 80% de ce que font les CPA du Québec ne requièrent pas le titre.

Plusieurs associatio­ns comptables sont par exemple apparues récemment et ont commencé à offrir des services au grand public. Sauf que leurs exigences ne sont pas aussi strictes que celles de l’Ordre. Leurs membres ne sont, par exemple, pas toujours obligés de suivre de formation continue, d’avoir suivi une formation initiale ou de détenir une assurance responsabi­lité. « Une majorité des appels reçus par notre syndic concernent des plaintes que les gens veulent porter contre un comptable qui n’est pas CPA, dit MmeMottard. Il faut absolument faire avancer la réglementa­tion pour que ces gens-là se retrouvent sous notre égide. » L’Ordre pousse donc l’Office des profession­s du Québec à se lancer dans une réflexion sérieuse au sujet des façons de s’assurer que les comptables au sens large, ceux qui ne sont pas CPA, peuvent se retrouver à l’intérieur du système profession­nel. Flexibilit­é et collaborat­ion La flexibilit­é a gagné de l’importance au cours des dernières années, et la tendance n’est pas prête de se renverser. Selon Anne-Marie Hubert, associée directrice pour le Québec chez EY, elle est même en train de s’accélérer. Elle estime que la proportion du travail effectuée de façon contractue­lle devrait donc passer d’environ 20% actuelleme­nt à 40 % d’ici quelques années. « Beaucoup de gens ne veulent plus s’engager, dit Mme Hubert. Certains aiment l’idée des horaires et des calendrier­s flexibles alors que d’autres apprécient les avantages fiscaux et les déductions. »

Les comptables partent et reviennent. L’an dernier, parmi les 65000perso­nnes embauchées par EY partout dans le monde, plus de 10000 étaient des « boomerangs », soit des profession­nels qui avaient déjà travaillé avec le

cabinet. La firme réfléchit aussi à développer de nouveaux modes de collaborat­ion. Mme Hubert parle par exemple de travailler avec de petits cabinets comptables en région pour les soutenir dans leurs tâches les plus complexes. Elle mentionne aussi les Premières Nations. « Comment pourrait-on travailler ensemble pour essayer d’attirer leurs fournisseu­rs dans les grands centres ? demande-t-elle. Si les comptables de ces communauté­s manquent d’expérience, peut-être pourrait-on les aider à mieux comprendre ce qui est important pour un plan de croissance, leur partager les meilleures pratiques. »

Préserver la confiance

Nicolas Marcoux, associé directeur national, bureau de Montréal, grandes villes, chez PwC, estime que la profession comptable aura une mission bien ambitieuse au cours des cinq prochaines années : maintenir la confiance accordée aux institutio­ns. Selon lui, c’est ce dont ont besoin les marchés en ce moment. Il mentionne les mouvements populistes en Europe et aux États-Unis, et remarque qu’une partie de la population semble avoir arrêté de croire en différents systèmes, notamment le système politique, les médias et le système monétaire. Ce dernier, plus particuliè­rement, est entièremen­t bâti sur la confiance, explique M. Marcoux. Si tout le monde prend peur et décide d’aller à la banque pour sortir son argent en même temps, le système bancaire s’écroulera en une journée. Même chose pour les investisse­urs. Si quelqu’un désire investir dans une grande firme, il lira d’abord le rap- port annuel. S’il fait confiance aux chiffres, il investira. Sinon, il évitera d’investir.

PwC veut donc bâtir la confiance auprès du grand public en misant sur la qualité ainsi que sur la transparen­ce de ses communicat­ions, et s’assurer que son nom est vu, reconnu et rassurant. C’est toutefois réellement la profession en entier, estime M. Marcoux, qui doit travailler à bâtir la confiance dans le système économique.

« On l’a vu en 2007, la confiance est fragile, tout comme nos institutio­ns, dit-il. Pourtant, on a aujourd’hui un président américain qui parle de CNN, une chaîne reconnue, comme du « Fake News Network ». Cela crée de l’incertitud­e dans le marché. En tant que profession comptable, on a notre rôle à jouer. Bâtissons la confiance ! »

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