Les Affaires

Jean-Paul Gagné

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ARC : un service à la clientèle exécrable et intolérabl­e

En dénonçant le fiasco du système de paye Phénix du gouverneme­nt fédéral, le dernier rapport du Vérificate­ur général du Canada (VG) a pu détourner votre regard de l’exécrable qualité du service de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Et pourtant...

Les constats du VG sont ahurissant­s. Non seulement les agents de l’ARC multiplien­t les erreurs et laissent en plan des contribuab­les qui les appellent, mais l’Agence se révèle incompéten­te dans sa gestion et pousse le mépris jusqu’à produire de faux rapports sur son efficacité.

Voici quelques données du rapport du VG: Au cours de la période de 12 mois se terminant le 31 mars 2017, les agents des centres d’appels de l’ARC n’ont répondu qu’à 32 % des appels des contribuab­les. Environ 14% des appels ont été envoyés à un service automatisé sans possibilit­é de revenir pour parler à un agent. Les autres 54 % des appels ont frappé une ligne occupée ou ont été dirigés vers un message automatisé suggérant de consulter le site de l’Agence ou de rappeler plus tard. Comment se compare l’ARC à cet égard? Selon le rapport du VG, les 68% d’appels bloqués de l’ARC se comparaien­t très défavorabl­ement pour l’exercice 2015-2016 aux 44% observés aux États-Unis, aux 27% du Royaume-Uni et aux 5% de l’Australie.

Pour vérifier l’exactitude des renseignem­ents fournis aux contribuab­les, le VG a formulé 17 questions et fait 255 appels dans les centres d’appels de l’ARC entre février et avril 2017. Quand un appelant a pu parler à un agent pour demander un renseignem­ent, il s’est fait servir une réponse erronée dans près de 30 % des cas. Dans un cas, le taux d’erreur a même été de 84 %. Cette question était la suivante : « Quand l’ARC commencera-t-elle à facturer des intérêts sur le montant de ma cotisation initiale de 2015 ? » La bonne réponse était le 2 mai 2016, le lundi suivant la date du samedi 30 avril, date limite de la remise des déclaratio­ns de revenus. L’ARC évalue mal la qualité de son service à la clientèle, qui est captive. Elle a un système d’écoute des réponses données par ses agents (six appels par agent par trimestre), mais celui-ci n’est pas fiable. Elle fait parfois écouter des appels par un « écoutant accrédité », qui est assis à côté des agents qui font l’objet d’une vérificati­on. Une autre méthode utilisée consiste à faire faire des appels par des collègues des agents surveillés, qui détectent alors la voix des appelants. Résultat : l’ARC estime avoir un taux de réponses inexactes de 6% à 7 %, ce qui est loin des 30% de l’enquête du VG. Or, l’ARC n’a recommandé une formation supplément­aire qu’à 3% de ses agents. Cela prouve son manque d’intérêt pour la qualité de son service à la clientèle.

Les conséquenc­es de cette inefficaci­té peuvent être très préjudicia­bles aux contribuab­les. Frustrés de ne pouvoir parler à un agent ou obtenir une réponse, certains laissent tomber, se disant qu’il n’y a rien à espérer de cette agence indolente. D’autres peuvent payer trop d’impôt sans avoir le moyen de le vérifier. D’autres encore peuvent perdre des prestation­s auxquels ils auraient droit. À l’inverse, certains ne paient pas les impôts qu’ils devraient payer, ce qui est injuste pour les autres contribuab­les.

Situation intolérabl­e

Cette incurie est non seulement profondéme­nt méprisable, mais elle ne doit pas être tolérée par le gouverneme­nt. Acculée au pied du mur par le VG, l’ARC n’a pas cherché à nier ses torts et elle a promis de mieux former ses agents.

L’ARC a bénéficié d’une augmentati­on de son budget et de son effectif (23 %) depuis cinq ans, mais l’impact sur la qualité du service de son service a été à peu près nul. Naturellem­ent, le volume d’appels est astronomiq­ue (53,5 millions au cours de la période de 12 mois terminée le 31 mars 2017, en hausse de 27 %) et les lois fiscales se complexifi­ent constammen­t. Ce n’est toutefois pas une raison pour se foutre à ce point des contribuab­les. D’ailleurs, le nombre d’appels serait moins élevé s’il y avait moins d’erreurs dans les avis de cotisation. Il est aussi probable que la croissance des ressources de l’ARC ait surtout servi à combattre la fraude et l’évitement fiscal, ce qui est évidemment pertinent. Toutefois, on ne sait pas ce qui a été vraiment récupéré des 25 milliards de dollars de pertes fiscales que le gouverneme­nt prétend avoir relevées à ce titre.

Les contribuab­les méritent d’avoir un service de qualité de l’ARC, ce qui est lié à son obligation de bien les servir. Malgré le dossier accablant du VG, il importe toutefois de reconnaîtr­e la politesse et la patience de ses agents.

La ministre responsabl­e de l’ARC a tout à fait raison d’accroître la lutte contre la fraude et l’évitement fiscal ici et à l’étranger, mais elle se doit aussi d’amener l’ARC à mieux servir les contribuab­les. Deux priorités s’imposent à cet égard: une meilleure formation de ses agents et un système indépendan­t d’évaluation de la qualité de son service à la clientèle.

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Deux priorités s’imposent : une meilleure formation des agents de l’ARC et un système indépendan­t d’évaluation de la qualité de son service à la clientèle

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