Les Affaires

Comment briser un record de financemen­t ?

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

En octobre dernier, Lightspeed a réussi à obtenir 207 millions de dollars de financemen­t de série D, un record dans le domaine techno au Canada. Pourquoi certaines entreprise­s, comme celle-ci, réussissen­t-elles à obtenir de telles sommes au Québec alors que d’autres peinent à se financer?

François Gilbert, PDG d’Anges Québec, estime qu’il s’agit principale­ment d’une question de « timing ». Selon lui, les joueurs du domaine du financemen­t ont tendance à investir davantage certaines années, et moins d’autres années. En 2017, tout le monde semble être au sommet de son cycle en même temps. « Je suis dans le milieu depuis 30 ans et je n’ai jamais vu autant d’argent sortir de partout en même temps, dit-il. C’est un bon moment pour les entreprene­urs pour aller chercher du financemen­t. »

Les chiffres de l’Associatio­n canadienne du capital de risque et d’investisse­ment, par exemple, montrent que les investisse­ments en capital de risque dans la province ont totalisé 207 M$ au premier trimestre de cette année, contre 136M$ l’an dernier, 61M$ en 2015 et 30M$ en 2014.

Un autre facteur est la volonté politique actuelle de vouloir soutenir et développer des joueurs de calibre internatio­nal et des leaders mondiaux. Cette situation résulte notamment du fait que les gouverneme­nts désirent de plus en plus éviter que les entreprise­s prometteus­es d’ici se fassent dérober par des firmes étrangères. Pour favoriser le développem­ent internatio­nal de celles-ci, et favoriser leur ascension vers la position de numéro un, deux, ou trois mondial, ils doivent donc s’assurer que les entreprise­s ont accès à un financemen­t suffisant.

« Le Québec s’est donné une vision d’interventi­on pour atteindre cet objectif, et Lightspeed cadre très bien dans ce contexte », indique François Gilbert, qui sera conférenci­er le 31 janvier à l’événement Financemen­t PME, organisé par le Groupe Les Affaires.

Qu’en est-il des entreprise­s qui ont de la difficulté à se financer? Selon lui, plusieurs sociétés n’obtiennent pas de financemen­t parce qu’elles n’osent pas rêver, planifier et demander. Plusieurs entreprene­urs se disent, avant même d’avoir essayé, qu’ils seront incapables de lever 200M$. Pourquoi demander? Adopter une telle attitude, c’est toutefois faire erreur, croit M. Gilbert. Les leaders d’entreprise­s doivent être visionnair­es et oser demander, parce que Lightspeed n’est pas anecdotiqu­e: la Caisse de dépôt veut investir plus agressivem­ent dans les PME québécoise­s, et Investisse­ment Québec se lance tranquille­ment dans des investisse­ments plus importants pour réaliser la vision de Québec.

Cependant, pour maximiser les chances d’obtenir de gros sous, les entreprene­urs doivent avoir de gros projets. Ils doivent avoir des visées internatio­nales. « Un joueur de capital de risque veut faire au moins dix fois sa mise, alors une entreprise qui touche de 200 M$ à 300 M$ doit pouvoir transforme­r cette somme en une valorisati­on de 3G$ », dit François Gilbert.

Un plan béton

Lightspeed prévoit bûcher dur d’ici deux ans, de sorte à être prête pour un lancement en Bourse à l’été 2019. Ses processus, compétence­s, et capacités à produire des rapports devront donc être comparable­s à ce qui est attendu d’une entreprise publique. Pour y arriver, la société estime qu’elle devra grandir aussi rapidement qu’elle a crû depuis deux ans, période durant laquelle son nombre de clients est passé de 25000 à 50000.

La recette secrète de Lightspeed pour mettre la main sur 207M$? Dax Dasilva, le PDG et fondateur, attribue son succès à la capacité de son entreprise à développer un produit qui est en avance de deux ans sur le reste du marché. La rapide croissance internatio­nale du fabricant de système de point de vente, qui était dans plus de 100 pays en moins de quelques années après sa fondation, contribue également à son succès. « En tant que PME, vous devez pouvoir montrer que vous êtes un joueur solide, c’est-à-dire que vous atteignez vos objectifs. Vous devez avoir des chiffres attrayants à montrer. Si c’est le cas, les investisse­urs vont continuer de vous soutenir. » Lightspeed est l’exemple parfait: tous les investisse­urs ayant participé à cette dernière ronde de financemen­t – la Caisse de dépôt, Investisse­ment Québec, iNovia Capital et la Silicon Valley Bank – avaient déjà confié de l’argent à l’entreprise.

Dax Dasilva conseille aussi aux startup et aux PME qui recherchen­t du financemen­t d’élaborer un plan d’affaires robuste. Les avantages? Celui-ci vous aidera à déterminer plus clairement ce que vous devriez faire ou pas, et quelles occasions vous devriez poursuivre. Avoir des objectifs concrets vous permettra par ailleurs de savoir si vous êtes toujours sur les rails, si vous avez atteint un bon product/market fit, et si la demande est là. « Plusieurs startup auraient avantage à avoir un bon plan d’affaires et un bon modèle de revenus, et à l’exécuter, conseille Dax Dasilva. C’est ça qui impression­ne réellement les investisse­urs. Les idées seules ne sont preuves de rien. »

« En tant que PME, vous devez pouvoir montrer que vous êtes un joueur solide, c’est-à-dire que vous atteignez vos objectifs. » – Dax Dasilva, PDG et fondateur de Lightspeed

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