COUCHE-TARD : PERTE DE CONFIANCE
Algoma Central Corp. Roots
Àquoi peut s’attendre une direction qui fait faire 10 fois leur mise à ses actionnaires sur cinq ans (et près de 70 fois sur 18 ans) lorsque son action se met à faire du surplace pendant 18 mois? « Il faudrait que M. Bouchard quitte pour la retraite », dira l’un ; « Couche-Tard, c’est fini », dira l’autre. Et ainsi de suite.
Les derniers résultats de la chaîne de dépanneurs ont été reçus avec émotion s’il faut en croire notre boîte courriel. L’indulgence est une denrée rare sur les marchés financiers. Même envers les meilleurs.
Le titre de Couche-Tard est en recul de 10% sur la mi-mars (date des résultats). Depuis le début 2016, il ne parvient pas à avancer de façon soutenue.
Que se passe- t- il ?
Les résultats du dernier trimestre, que l’on pourrait qualifier de coup de Jarnac, sont arrivés en complète désynchronisation avec les attentes du marché. Un bénéfice de 0,54 $ US par action, alors que le consensus était autour de 0,75 $ US.
Beaucoup a été écrit sur l’effondrement de la marge bénéficiaire dans le secteur de l’essence, grand responsable de l’écart avec les attentes.
S’il faut en croire la direction, un phénomène inattendu s’est produit en Arizona, qui a fait rapidement augmenter le prix du pétrole en janvier et a frappé la rentabilité. Le marché se serait depuis rétabli.
L’agacement dans ces résultats se situe davantage dans les activités magasin.
Les ventes de marchandise à l’intérieur des établissements comparables sont en hausse de 0,1% aux États-Unis, de 0,5% au Canada et de 3,6 % en Europe. S’il n’y a rien à redire du côté de l’Europe, il est évident que quelque chose cloche au Canada et chez l’Oncle Sam. La seule inflation devrait en effet amener une croissance supérieure à celle affichée.
La météo a été défavorable dans certaines régions, notamment en raison des ouragans. Mais il y a plus, puisque, comme le remarque la firme Macquarie, la croissance des ventes comparables ralentit depuis maintenant une dizaine de trimestres.
Le consommateur semble moins fréquenter les établissements, et la cause n’est pas claire. Certains avancent que les magasins à 1$ (qui augmentent leur offre alimentaire), de même que les chaînes de restauration rapide, pourraient bien gagner des parts de marché.
Mystère et boule de gomme.
La croissance des ventes peut-elle repartir?
La grande question. C’est la première fois depuis très longtemps que Couche-Tard fait face à un problème de croissance. Historiquement, les acquisitions lui ont toujours procuré beaucoup d’élan. Elle savait payer le bon prix et intégrait chez la chaîne acquise sa recette à succès.
Cette recette fonctionne encore. Mais, dans les dernières années, on en est personnellement venu à se demander si Couche-Tard avait encore la meilleure sur le marché, du moins pour attirer de la clientèle. Une petite chaîne comme Maplefields, qui doit compter une vingtaine d’établissements dans l’État de New York et au Vermont, offre aujourd’hui beaucoup de restauration et des aires confortables. Difficile de dire si ses opérations sont aussi rentables que celles de Couche-Tard, mais l’envie d’y retourner est forte. Stewart’s, une chaîne de plus de 335 dépanneurs dans la même région, est un autre exemple de formule intéressante.
Couche-Tard peut-elle ajouter des ingrédients gagnants à sa recette? La direction y semble déterminée. Elle promet pour le printemps et l’été une série d’initiatives destinées à augmenter l’achalandage dans ses commerces. Pour des motifs concurrentiels, la plupart sont pour l’instant secrètes. On sait cependant qu’elle a récemment créé un club du tabac dans 4 500 établissements aux États-Unis et que le programme aide à l’achalandage. Au Canada, Esso vient d’adhérer au programme de loyauté Loblaw/PC Optimum, ce qui devrait augmenter la circulation dans les stations-service Couche-Tard sous cette bannière.
Mieux encore, quoique à plus long terme, l’entreprise a décidé de créer une équipe pour amener chez elle des façons de faire de la chaîne Holiday, qu’elle a récemment achetée. Holiday semble assez avancée dans la restauration. Une recette améliorée dans le vaste réseau de Couche-Tard pourrait être génératrice de retombées intéressantes.
La croissance des ventes peut-elle repartir?, demandions-nous. Ça semble probable. Faut-il acheter Couche-Tard? L’approche de l’analyste Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC, est particulièrement intéressante. De manière à lisser dans le temps l’influence des fluctuations du prix du pétrole, M. Petrie modélise un bénéfice attendu pour l’année à venir en fonction des données fondamentales actuelles. Puis, il le normalise en appliquant aux activités pétrolières la marge moyenne historique de Couche-Tard plutôt que sa marge courante. Ce qui fait que son anticipation de bénéfice par action de 2,97 $ US pour l’exercice 2019 (avril) tombe en réalité à 2,92 $ US.
La projection de M. Petrie est d’autant intéressante (celle à 2,97$ US), qu’elle est la deuxième plus faible de notre univers d’une dizaine d’analystes.
Sur la projection normalisée (2,92$ US), Couche-Tard se négocie actuellement à 14,6 fois le bénéfice.
C’est plus faible que la moyenne historique du marché dans son ensemble (15), et il ne fait pas de doute dans notre esprit que l’entreprise en a encore pour quelques années à afficher une croissance des bénéfices supérieure à celle du marché. Conclusion Le risque de recul du titre apparaît faible, et la probabilité de rendements futurs raisonnables, bonne.
La société suspend toutes les dépenses non essentielles liées au projet d’expansion de la ligne Trans Mountain. Linda Ezergailis, de Valeurs mobilières TD, est surprise de cette décision étant donné la récente obtention de décisions réglementaires favorables. Si le projet ne va pas de l’avant, la valeur du titre se situe probablement autour de 11 $, calcule l’analyste. S’il va de l’avant, sa valeur se situe davantage autour de 23,50 $. Elle abaisse à « conserver » sa recommandation sur le titre. La société lancera un nouveau programme de fidélisation qui s’étendra cette fois à la plupart de ses chaînes. Le programme devrait permettre à Canadian Tire d’obtenir une meilleure compréhension de la manière dont ses clients magasinent dans son réseau de magasins, ce qui devrait augmenter sa part de leur portefeuille, croit Keith Howlett. Desjardins Marché des capitaux réitère une recommandation d’achat. La cible est à 200 $. Le titre se négocie à 12,6 fois le BAIIA anticipé pour 2019 (novembre). Il s’agit de 3,5 points de moins que les multiples observés chez les pairs américains, souligne George Doumet, de Banque Scotia. Il juge cependant l’escompte mérité en raison des faiblesses internes observées et d’un profil de restaurants plus cyclique (notamment en raison du poids de la crème glacée). Il renouvelle une recommandation « performance de secteur ». La cible est à 52 $. Le refinancement de la dette apporte un peu d’oxygène supplémentaire, croit Scot Ciccarelli, de RBC Marchés des capitaux. Le détaillant a refinancé pour l’équivalent de 4,7 G $ US de dettes à un taux moyen d’environ 3,8 %. Cela devrait permettre à la société d’épargner entre 11 M $ US et 11,5 M $ US par trimestre en frais d’intérêt. La société trône au sommet de la liste d’achat de l’analyste. La cible passe de 106 $ US à 108 $ US.