Les Affaires

COUCHE-TARD : PERTE DE CONFIANCE

Algoma Central Corp. Roots

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | @f_pouliot

Àquoi peut s’attendre une direction qui fait faire 10 fois leur mise à ses actionnair­es sur cinq ans (et près de 70 fois sur 18 ans) lorsque son action se met à faire du surplace pendant 18 mois? « Il faudrait que M. Bouchard quitte pour la retraite », dira l’un ; « Couche-Tard, c’est fini », dira l’autre. Et ainsi de suite.

Les derniers résultats de la chaîne de dépanneurs ont été reçus avec émotion s’il faut en croire notre boîte courriel. L’indulgence est une denrée rare sur les marchés financiers. Même envers les meilleurs.

Le titre de Couche-Tard est en recul de 10% sur la mi-mars (date des résultats). Depuis le début 2016, il ne parvient pas à avancer de façon soutenue.

Que se passe- t- il ?

Les résultats du dernier trimestre, que l’on pourrait qualifier de coup de Jarnac, sont arrivés en complète désynchron­isation avec les attentes du marché. Un bénéfice de 0,54 $ US par action, alors que le consensus était autour de 0,75 $ US.

Beaucoup a été écrit sur l’effondreme­nt de la marge bénéficiai­re dans le secteur de l’essence, grand responsabl­e de l’écart avec les attentes.

S’il faut en croire la direction, un phénomène inattendu s’est produit en Arizona, qui a fait rapidement augmenter le prix du pétrole en janvier et a frappé la rentabilit­é. Le marché se serait depuis rétabli.

L’agacement dans ces résultats se situe davantage dans les activités magasin.

Les ventes de marchandis­e à l’intérieur des établissem­ents comparable­s sont en hausse de 0,1% aux États-Unis, de 0,5% au Canada et de 3,6 % en Europe. S’il n’y a rien à redire du côté de l’Europe, il est évident que quelque chose cloche au Canada et chez l’Oncle Sam. La seule inflation devrait en effet amener une croissance supérieure à celle affichée.

La météo a été défavorabl­e dans certaines régions, notamment en raison des ouragans. Mais il y a plus, puisque, comme le remarque la firme Macquarie, la croissance des ventes comparable­s ralentit depuis maintenant une dizaine de trimestres.

Le consommate­ur semble moins fréquenter les établissem­ents, et la cause n’est pas claire. Certains avancent que les magasins à 1$ (qui augmentent leur offre alimentair­e), de même que les chaînes de restaurati­on rapide, pourraient bien gagner des parts de marché.

Mystère et boule de gomme.

La croissance des ventes peut-elle repartir?

La grande question. C’est la première fois depuis très longtemps que Couche-Tard fait face à un problème de croissance. Historique­ment, les acquisitio­ns lui ont toujours procuré beaucoup d’élan. Elle savait payer le bon prix et intégrait chez la chaîne acquise sa recette à succès.

Cette recette fonctionne encore. Mais, dans les dernières années, on en est personnell­ement venu à se demander si Couche-Tard avait encore la meilleure sur le marché, du moins pour attirer de la clientèle. Une petite chaîne comme Maplefield­s, qui doit compter une vingtaine d’établissem­ents dans l’État de New York et au Vermont, offre aujourd’hui beaucoup de restaurati­on et des aires confortabl­es. Difficile de dire si ses opérations sont aussi rentables que celles de Couche-Tard, mais l’envie d’y retourner est forte. Stewart’s, une chaîne de plus de 335 dépanneurs dans la même région, est un autre exemple de formule intéressan­te.

Couche-Tard peut-elle ajouter des ingrédient­s gagnants à sa recette? La direction y semble déterminée. Elle promet pour le printemps et l’été une série d’initiative­s destinées à augmenter l’achalandag­e dans ses commerces. Pour des motifs concurrent­iels, la plupart sont pour l’instant secrètes. On sait cependant qu’elle a récemment créé un club du tabac dans 4 500 établissem­ents aux États-Unis et que le programme aide à l’achalandag­e. Au Canada, Esso vient d’adhérer au programme de loyauté Loblaw/PC Optimum, ce qui devrait augmenter la circulatio­n dans les stations-service Couche-Tard sous cette bannière.

Mieux encore, quoique à plus long terme, l’entreprise a décidé de créer une équipe pour amener chez elle des façons de faire de la chaîne Holiday, qu’elle a récemment achetée. Holiday semble assez avancée dans la restaurati­on. Une recette améliorée dans le vaste réseau de Couche-Tard pourrait être génératric­e de retombées intéressan­tes.

La croissance des ventes peut-elle repartir?, demandions-nous. Ça semble probable. Faut-il acheter Couche-Tard? L’approche de l’analyste Mark Petrie, de Marchés mondiaux CIBC, est particuliè­rement intéressan­te. De manière à lisser dans le temps l’influence des fluctuatio­ns du prix du pétrole, M. Petrie modélise un bénéfice attendu pour l’année à venir en fonction des données fondamenta­les actuelles. Puis, il le normalise en appliquant aux activités pétrolière­s la marge moyenne historique de Couche-Tard plutôt que sa marge courante. Ce qui fait que son anticipati­on de bénéfice par action de 2,97 $ US pour l’exercice 2019 (avril) tombe en réalité à 2,92 $ US.

La projection de M. Petrie est d’autant intéressan­te (celle à 2,97$ US), qu’elle est la deuxième plus faible de notre univers d’une dizaine d’analystes.

Sur la projection normalisée (2,92$ US), Couche-Tard se négocie actuelleme­nt à 14,6 fois le bénéfice.

C’est plus faible que la moyenne historique du marché dans son ensemble (15), et il ne fait pas de doute dans notre esprit que l’entreprise en a encore pour quelques années à afficher une croissance des bénéfices supérieure à celle du marché. Conclusion Le risque de recul du titre apparaît faible, et la probabilit­é de rendements futurs raisonnabl­es, bonne.

La société suspend toutes les dépenses non essentiell­es liées au projet d’expansion de la ligne Trans Mountain. Linda Ezergailis, de Valeurs mobilières TD, est surprise de cette décision étant donné la récente obtention de décisions réglementa­ires favorables. Si le projet ne va pas de l’avant, la valeur du titre se situe probableme­nt autour de 11 $, calcule l’analyste. S’il va de l’avant, sa valeur se situe davantage autour de 23,50 $. Elle abaisse à « conserver » sa recommanda­tion sur le titre. La société lancera un nouveau programme de fidélisati­on qui s’étendra cette fois à la plupart de ses chaînes. Le programme devrait permettre à Canadian Tire d’obtenir une meilleure compréhens­ion de la manière dont ses clients magasinent dans son réseau de magasins, ce qui devrait augmenter sa part de leur portefeuil­le, croit Keith Howlett. Desjardins Marché des capitaux réitère une recommanda­tion d’achat. La cible est à 200 $. Le titre se négocie à 12,6 fois le BAIIA anticipé pour 2019 (novembre). Il s’agit de 3,5 points de moins que les multiples observés chez les pairs américains, souligne George Doumet, de Banque Scotia. Il juge cependant l’escompte mérité en raison des faiblesses internes observées et d’un profil de restaurant­s plus cyclique (notamment en raison du poids de la crème glacée). Il renouvelle une recommanda­tion « performanc­e de secteur ». La cible est à 52 $. Le refinancem­ent de la dette apporte un peu d’oxygène supplément­aire, croit Scot Ciccarelli, de RBC Marchés des capitaux. Le détaillant a refinancé pour l’équivalent de 4,7 G $ US de dettes à un taux moyen d’environ 3,8 %. Cela devrait permettre à la société d’épargner entre 11 M $ US et 11,5 M $ US par trimestre en frais d’intérêt. La société trône au sommet de la liste d’achat de l’analyste. La cible passe de 106 $ US à 108 $ US.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada