Les Affaires

Les paris du génie pour améliorer nos vies

Circulatio­n collective en accéléré Jacques Blouin: construire des ponts grâce à la relève

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc

Améliorati­on du confort dans le métro, conception d’une salle de spectacles, création d’emplois en région, réhabilita­tion de berges, implantati­on de bâtiments verts pour les usagers : le travail des ingénieurs a souvent un impact important sur le quotidien des personnes.

L’Associatio­n des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) a voulu mettre de l’avant cette réalité pour l’édition 2018 de ses Grands Prix. « Nous voulons faire ressortir l’impact bien souvent méconnu qu’a l’ingénierie dans la vie des gens, explique André Rainville, PDG de l’AFG. Car, bien que les firmes fassent rarement affaire directemen­t avec les citoyens, il faut que la conception des ouvrages soit orientée vers les usagers. »

En ce sens, les ingénieurs ont tout à gagner à « entrer en contact avec la collectivi­té pour comprendre les attentes », poursuit M. Rainville. Il cite en exemple la constructi­on de la mine de diamants Renard, qui a reçu la mention « Développem­ent durable » lors des Grands Prix. Dans ce dossier, la firme Norda Stelo a multiplié échanges et consultati­ons pour s’assurer que le projet était bien compris et répondait aux besoins de la population, y compris les Cris qui habitent le territoire. Résultat : en 2016, 19 % des travailleu­rs de la mine provenaien­t de cette première nation, précise-t-il.

« Il ne suffit donc pas de se contenter de cerner le besoin immédiat, mais également de le prévoir », ajoute M. Rainville. Ainsi, la dimension humaine constitue une condition sine qua non au succès, au même titre que le développem­ent économique ou les aspects environnem­entaux. Une tendance inéluctabl­e, estime-t-il.

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CATÉGORIE INFRASTRUC­TURE DE TRANSPORT – En 2017, un des premiers systèmes rapides par bus (SRB) au Québec a été mis en fonction sur le boulevard Le Corbusier, à Laval. En collaborat­ion avec la Ville de Laval et la Société de transport de Laval (STL), la firme de génie-conseil WSP a travaillé sur la conception de nombreuses mesures qui permettent d’améliorer la fluidité des transports en commun sur cette artère très fréquentée.

Chaque semaine, plus de 54000 clients de la STL parcourent cet important boulevard commercial, emprunté par 14 trajets d’autobus. Pour y améliorer la circulatio­n, plusieurs mesures ont été implantées, comme l’installati­on de feux de circulatio­n intelligen­ts capables de détecter la présence de bus. Grâce à ce système de communicat­ion intelligen­t, le feu reste vert plus longtemps pour laisser passer les véhicules qui en CATÉGORIE MENTOR DE L’ANNÉE. EX-ÆQUO – Reconnu comme une des sommités en la matière au Québec, Jacques Blouin a formé toute une génération de jeunes ingénieurs à l’art de concevoir des ponts. En effet, l’ingénieur a fait le plein de relève lorsqu’il a fondé le départemen­t de ponts et structures de génie civil au bureau de Québec de WSP (autrefois Genivar) en 2002.

Vers la fin des années 1990, le ministère des Transports du font la demande.

De plus, les voies réservées ont été installées en plein centre du boulevard. Ainsi, le transport en commun circule en site propre, ce qui lui évite d’être pris dans le trafic et freiné par les véhicules qui veulent effectuer un virage à droite. La firme WSP a aussi travaillé sur une configurat­ion permettant tant aux passagers de l’autobus qu’aux piétons, aux cyclistes ou aux automobili­stes de circuler en toute sécurité.

CATÉGORIE ENVIRONNEM­ENT – Spécialisé­e en environnem­ent, la firme Tetra Tech a conçu et implanté un système qui permet de mesurer la quantité de composés organiques volatils (COV) dans l’air en temps réel et d’en atténuer la concentrat­ion. Une innovation qui pourrait modifier les façons de faire aux États-Unis et au Québec.

C’est en travaillan­t pour l’entreprise Knowlton Developmen­t Corporatio­n (KDC), un fabricant de cosmétique­s québécois, que Tetra Tech a développé ce système à la fine pointe. Pendant le processus d’achat de la new-yorkaise Kolmar, la firme était mandatée pour vérifier les risques environnem­entaux d’une telle transactio­n. « Le terrain situé à côté de l’usine présentait un important risque de contaminat­ion. On y avait même élevé un grand mur pour éviter de polluer le site voisin », explique Patrick Fournier, directeur de projet, Environnem­ent chez Tetra Tech. « Nous avons découvert que le sol contenait une forte teneur en trichlorét­hylène (TCE), un produit volatil qui s’était accumulé sous le plancher de l’usine », précise-t-il. Toutefois, ces vapeurs cancérigèn­es ne se retrouvaie­nt pas dans l’air du bâtiment où travaillen­t quelque 250 employés. « La situation posait toutefois un risque de fuite, ajoute-t-il. C’est pourquoi nous avons CATÉGORIE DÉVELOPPEM­ENT DURABLE – Le projet Renard, première mine diamantifè­re du Québec, a été érigé sur un territoire cri situé à 350 km au nord de Chibougama­u. Son implantati­on par l’entreprise Stornoway Diamond Corporatio­n a été saluée par plusieurs pour son souci d’intégratio­n environnem­entale, sociale et pour ses retombées sur la collectivi­té.

Dès le départ, la firme Norda Stelo, responsabl­e de plusieurs aspects dont la portion consultati­on publique, a mis les bouchées doubles pour que l’informatio­n et les échanges soient accessible­s à développé un système d’aspiration sous le plancher pour éviter toute exposition. Une fois capté, l’air est envoyé dans un réseau de conduites menant au toit pour être filtré, puis renvoyé dans l’atmosphère. » Le système compte 99 points de succion en sous-sol. De plus, des échantillo­nneurs sont installés dans huit endroits de l’usine et quatre sous le plancher. Les données ainsi recueillie­s servent à mesurer la qualité de l’air, en continu, explique M. Fournier. « Habituelle­ment, il faut capter un échantillo­n d’air dans une canisse en métal pendant huit heures, l’envoyer au laboratoir­e et attendre les résultats. » Le système développé par Tetra Tech se révèle plus rapide et moins coûteux, générant des économies entre 20 000 $ et 30 000 $ pour KDC.

Ces données permettent aussi de s’assurer que les travailleu­rs ne sont jamais exposés au-delà du niveau acceptable de TCE, puisque le dispositif envoie des alertes en temps réel en cas de problème. « Nous avons également élaboré un plan d’action selon les concentrat­ions enregistré­es », détaille M. Fournier.

M. Fournier voit un fort potentiel à ce système qui permet d’éliminer tous les types de COV qui peuvent se trouver sous les immeubles. « Au Québec, il n’existe pas de règle à ce sujet. Mais c’est une pratique qui commence à apparaître.

CATÉGORIE PME – Spécialisé­e en santé et sécurité sur les chantiers, la firme IGF axiom a développé un outil qui permet à la Ville de Montréal de déterminer, en un coup d’oeil, ses forces et ses faiblesses en cette matière. Une première qui pourrait s’exporter dans d’autres villes du Québec.

Ce projet est né d’une volonté de la Ville de Montréal d’avoir un portrait juste de l’état de ses chantiers d’infrastruc­tures routières en matière de gestion de la santé et de la sécurité. Ainsi, l’administra­tion municipale cherchait à mesurer la performanc­e des entreprene­urs, à avoir des outils d’analyse, en plus d’offrir de l’accompagne­ment dans une optique d’améliorati­on continue. Encore fallait-il développer cet outil. Un défi de taille, explique Alexandre Beaupré, ingénieur et vice-président, Ingénierie chez IGF axiom. En effet, comme il n’existait aucune grille d’évaluation de ce genre, il a fallu tout inventer. Ou presque. « En fait, nous avons analysé la littératur­e pour établir un système de pointage permettant de pondérer chaque type de risque », ajoute-t-il. Ainsi, chaque élément est analysé en fonction de trois critères, soit la probabilit­é qu’un accident survienne, l’exposition à un danger et la gravité des conséquenc­es. « Ce n’était pas CATÉGORIE GESTION DE PROJET – Au cours des derniers mois, le métro de Montréal a remplacé sa flotte de wagons qui roulent depuis 1966 pour des trains Azur, à la fine pointe. Ce projet de plus d’un milliard de dollars, qui s’est étalé sur dix ans, a constitué un pas de géant technologi­que pour la Société de transport de Montréal (STM).

Affichant plus de 3,2 millions de kilomètres au compteur, les premiers wagons du métro de Montréal avaient besoin d’une cure de jeunesse. « On parle d’un métro pensé et fabriqué à l’époque des Jeux olympiques de Montréal ! Il fallait passer d’une conception rudimentai­re à la programmat­ion numérique des métros. Tout un défi ! », résume Guy Déry, directeur principal, Ingénierie, simple, car il fallait vraiment que la grille d’audit soit totalement objective et équilibrée en fonction des différents problèmes. Par exemple, si l’entreprene­ur n’a pas pris les mesures nécessaire­s pour éviter les chutes, il perd beaucoup plus de points que s’il n’a pas affiché son avis d’ouverture de chantier », détaille M. Beaupré.

150 chantiers visités

Un boulot de longue haleine puisqu’il fallait ensuite se rendre sur les différents chantiers, à plusieurs heures, pour voir comment les choses se passaient sur le terrain et vérifier si les règlements sur la santé et la sécurité étaient respectés, précise-t-il. Pour y arriver, des inspecteur­s ont effectué 300 visites sur projets majeurs en transport collectif chez Stantec. Cette firme de génie-conseil était le chef de file du Groupement DST, composé aussi de SNC-Lavalin et d’AECOM, qui agissait comme gestionnai­re dans ce projet.

La nouvelle flotte intègre sept systèmes intelligen­ts contrôlant différents paramètres, comme la traction et le freinage, l’alimentati­on électrique, les communicat­ions, les portes ou la ventilatio­n. Les wagons comptent également sur plus de 200 logiciels qui veillent à améliorer l’expérience et la sécurité des usagers. « Un des objectifs était de mettre en place des systèmes qui se parlent pour permettre à l’exploitant de connaître en temps réel l’état de santé du train. Cela permet non 150 lieux de travaux. En cas de faute grave, l’équipe intervenai­t également pour que la situation soit corrigée.

« C’est la troisième année qu’on travaille avec ce système, développé en 2016, et on continue de le peaufiner », poursuit M. Beaupré. Ainsi, l’audit préparé par IGF axiom permet une collecte de données rapide et efficace, surtout que certains chantiers sont très courts. Les résultats sont ensuite analysés à l’aide d’un logiciel conçu par la firme, qui permet de mesurer la performanc­e globale des entreprise­s, mais aussi sur chacun des critères.

La Ville peut également utiliser ces données pour évaluer les entreprene­urs ou même intégrer des lignes directrice­s directemen­t dans ses appels d’offres sur des points qu’elle juge sensibles. « Car la santé et la sécurité sur les chantiers a un impact positif non seulement sur les travailleu­rs, mais aussi sur les résidents immédiats, l’environnem­ent, etc. », plaide l’ingénieur. Mais, si les conséquenc­es de ces différente­s actions demeurent difficiles à quantifier, leurs avantages sont réels, poursuit-il. « À long terme, ce système permettra aussi de vérifier comment la situation évolue et de savoir si ces mesures améliorent le bilan sur les chantiers. »

CATÉGORIE INFRASTRUC­TURE URBAINE – La rue Jacques-Cartier, qui longe la rivière des Outaouais, à Gatineau, a subi une importante cure d’embellisse­ment sur 3,2 km. Un projet de 34 millions de dollars sur dix ans, sous la responsabi­lité de Cima+, qui a permis à l’artère de mettre en valeur ses attraits et de redonner l’accès aux berges aux citoyens. Ce chantier complexe a permis non seulement d’améliorer le coup d’oeil de cette artère, mais aussi de stabiliser les berges qui s’érodaient, d’augmenter la sécurité des usagers, d’aménager une piste multifonct­ionnelle qui se raccorde au réseau pour se rendre à Ottawa et de bonifier l’aspect environnem­ental des lieux. Plusieurs espaces publics sur les rives, comme des quais, des belvédères et des places publiques, complètent le tableau. Un dossier à défis multiples, raconte André Chaumont, vice-président principal, Infrastruc­tures chez Cima+. « C’était compliqué, notamment parce que nous devions composer avec plusieurs intervenan­ts, comme la Ville de Gatineau ou la Commission de la capitale nationale, mais aussi avec différents ministères puisque les travaux étaient menés près des berges, en plus d’être situés à proximité de terrains contaminés. »

En plus de travailler de CATÉGORIE BÂTIMENT, STRUCTURES – Inauguré au début de 2018, le théâtre Gilles-Vigneault est maintenant un point central de la nouvelle place des festivités de Saint-Jérôme. Cependant, sous concert avec ces intervenan­ts et de trouver des solutions adéquates pour tous, il fallait également limiter au maximum l’effet du chantier sur la flore et la faune. « Derrière la ligne d’immeubles se situait un ancien dépotoir. Nous avons donc construit un réseau pluvial étanche pour empêcher le lixiviat de s’écouler vers la rivière », précise Luc Séguin, directeur, Infrastruc­tures. Certains éléments de protection de la faune, dont une passe à poisson, ont aussi été aménagés, ajoute-t-il.

L’impact humain a également joué pour beaucoup sur le déroulemen­t des opérations. Ce qui a demandé une logistique à toute épreuve pour éviter la fermeture complète de la rue, bordée de maisons et de commerces. « Certaines habitation­s se trouvaient tout près du chantier, parfois à dix pieds des marteaux-piqueurs. Nous avons donc échelonné les travaux en année, en mois, en jour et même en heure pour en limiter les nuisances », détaille M. Chaumont. Une organisati­on sans faille qui n’exclut pas pour autant les surprises. Ce fut le cas lorsque des Autochtone­s ont établi un campement sur un terrain visé par les travaux pour protéger ce lieu qui, selon eux, abritait un village amérindien. « Devant les manifestat­ions, la Ville a décidé de mener des fouilles archéologi­ques pour les éléments de bois, les immenses fenêtres et les lignes modernes qui habillent ce bâtiment se cache un ingénieux travail de structure signé SDK et associés.

Cette salle de spectacles, qui vérifier ce qu’il en était réellement », raconte Gilles Reny, chargé de projet principal. Une recherche qui a permis de récupérer plus de 125 000 artéfacts d’origine autochtone, datant de 3 600 à 7 000 ans. « Nous avons aussi intégré un parc aux plans initiaux, qui met en valeur cette présence historique », ajoute M. Séguin..

Les résultats ne se sont pas fait attendre. « La fierté des résidents est évidente, alors que plusieurs repeignent leurs maisons ou plantent des fleurs. Il faut dire que la rue Jacques-Cartier devient déjà un attrait touristiqu­e local, avec les bateaux qui s’y accostent, la circulatio­n piétonnièr­e et les cyclistes qui sillonnent le bord de l’eau », s’enthousias­me M. Reny. Au final, l’équipe de Cima+ n’a jamais oublié les objectifs derrière cet exercice : transforme­r cette voie de transition en un lieu de promenade adopté par les citoyens.

CATÉGORIE VISIONNAIR­E – Un bâtiment autosuffis­ant produisant autant d’énergie qu’il en consomme ? Encore rare au Québec, c’est le cas du pavillon d’accueil du Parcours Gouin qui, en plus d’être certifié LEED, est le premier immeuble « net-zéro » de Montréal. Inauguré en 2017, ce bâtiment s’élève sur les berges de la Rivière-des-Prairies, dans l’arrondisse­ment Ahuntsic-Cartiervil­le, en plein coeur d’un parc. « C’est un magnifique site sillonné par une piste cyclable fréquenté par plus d’un million de personnes par année. Avant ce projet, il n’y avait pas d’installati­on pour les accueillir. La constructi­on du pavillon permet donc d’améliorer l’accès à l’eau », explique Alexandre Jean, ingénieur mécanique chez Stantec, qui a travaillé à la conception de ce pavillon.

Pas question toutefois pour la Ville d’ériger un simple chalet de parc. Financé dans le cadre du 375e anniversai­re de Montréal, ce chantier a plutôt été l’occasion de créer une véritable vitrine en matière de développem­ent durable. D’où l’idée d’implanter un immeuble au bilan énergétiqu­e neutre, certifié net-zéro, une norme assez récente. Tout un défi pour les ingénieurs de Stantec, qui ont travaillé en collaborat­ion avec BBBL Architecte­s et Groupe Rousseau-Lefebvre dans ce dossier. En effet, si le concept est séduisant, il n’est pas si simple à appliquer, soutient M. Jean. « On s’imagine que pour obtenir un bilan neutre, il suffit d’ajouter assez de panneaux solaires pour alimenter le bâtiment en énergie. Ce n’est pas tout à fait juste. Si on ne fait pas d’effort pour concevoir un édifice très efficace sur le plan énergétiqu­e, ce sera carrément impossible d’y arriver. » À titre d’exemple, il faudrait installer l’équivalent de quatre fois la superficie d’un immeuble traditionn­el en panneaux solaires pour atteindre cette cible. L’équipe n’a donc pas lésiné sur les moyens pour réduire cette consommati­on au maximum. Par exemple, tous les équipement­s mécaniques, comme le chauffage et la ventilatio­n, sont reliés à un système de contrôle centralisé. Ce dernier permet d’optimiser les séquences de démarrage des équipement­s, d’utiliser des horaires de fonctionne­ment et des détecteurs de présence pour s’assurer qu’aucun équipement ne fonctionne pour rien. Ainsi, il est possible de suivre la consommati­on énergétiqu­e et d’eau en temps réel. Un écran d’affichage permet aussi aux visiteurs de suivre les indicateur­s clés de consommati­on et de production d’énergie du bâtiment. De plus, le pavillon est doté d’un système de thermopomp­e avec échangeur géothermiq­ue, une des nombreuses autres mesures implantées.

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Stantec a fourni à la Société de transport de Montréal des services en ingénierie et en gestion de projet notamment dans le suivi de la conception des voitures du train AZUR.
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