Les Affaires

L’APPÉTIT CONFIANT DE FIERA CAPITAL

- Daniel Germain daniel.germain@tc.tc @@ daniel_germain

Appelons-le M. Poirier. Immigré français, il a hérité de ses parents du gène de l’épargne, qu’il a à son tour légué à ses trois enfants, surtout sa fille, très économe. Ses quatre petits-enfants sont encore trop jeunes pour manifester ce trait de famille.

C’est une bonne histoire que celle de M. Poirier. À défaut de nous mener vers des conseils sophistiqu­és et pointus, elle nous offre quelques leçons plus importante­s que n’importe quelle astuce fiscale.

Notre lecteur a 62 ans. Il vit au Québec depuis 25 ans et est divorcé depuis 20 ans. Il possède une maison évaluée à 600000$, libre d’hypothèque. « Une maison intergénér­ationnelle, précise-t-il. Un de mes fils habite une partie de la maison et nous partageons certains frais », explique-t-il. Depuis 2013, il est aussi copropriét­aire, avec sa fille, d’une habitation en Floride, payée comptant. « C’est une petite maison, elle a coûté moins de 100000$ », dit l’homme. Notre lecteur est retraité depuis ce printemps. En fait, il s’est retiré une première fois il y a deux ans, mais après quelques mois, il a réalisé qu’il était mal préparé. « Après m’être reposé quelques mois, j’ai accepté l’offre de mon ancien employeur quand il m’a appelé pour me proposer un poste à temps partiel. Aussi, j’étais devenu un peu envahissan­t auprès des enfants, je voulais passer tout mon temps avec les petits-enfants », raconte celui qui, il y a quelques mois encore, était toujours au sommet de sa profession: représenta­nt.

Quand on pense à un vendeur de haut niveau, on imagine un type roulant en voiture de luxe, pavanant dans des habits chers et fréquentan­t les meilleurs restaurant­s pour séduire la clientèle. Pas M. Poirier. Quand il recevait sa paie, il ne conservait que 500$ par semaine. Tout le reste servait à engraisser son épargne et à rembourser sa maison. Son rythme de vie était aussi alimenté par des bonis, qu’il recevait deux fois par année. « J’ai travaillé fort et épargné une grande partie de ma vie », dit-il fièrement. Résultat: en plus de sa maison, il a accumulé en 25 ans 375000$ en REER, 56000$ en CELI et 206000$ dans un compte de placements non enregistré. À ce coussin, il ajoute sa rente du RRQ et celle de la Sécurité de la vieillesse (il a commencé à la percevoir à 60 ans, une erreur reconnaît-il). Celle-ci est amputée du fait qu’il n’a pas résidé 40 ans au pays. En revanche, il touche une rente de son pays d’origine.

Il a maintenant comme projet de vendre sa maison et de louer un petit appartemen­t. Il y vivra la moitié de l’année, et l’autre en Floride. M. Poirier détiendra alors pour plus d’un million de dollars en actif.

« J’ai changé deux fois de courtier en 2017. Chez l’un d’eux, les gains réalisés en sept mois se sont volatilisé­s en une semaine. L’autre a investi dans des penny stocks sans mon consenteme­nt. Je suis retourné à ma première institutio­n, dans l’attente de quelqu’un qui a à coeur de bien me conseiller pour la retraite. »

Nous avons transmis les préoccupat­ions de M. Poirier à Daniel Laverdière, directeur principal chez Banque Nationale Gestion privée 1859. « Le fait qu’il change de courtier comme ça est un mauvais signal, note le planificat­eur financier. Monsieur recherche des rendements, mais en même temps, il tolère mal les fluctuatio­ns. »

Le spécialist­e soulève deux choses. D’abord, notre lecteur n’a pas besoin de rendement élevé pour couvrir son coût de vie. Il a épargné toute sa vie, il voudrait que ses efforts soient récompensé­s par des rendements élevés. « Ça l’amène à passer d’un courtier à l’autre, à explorer des avenues qui ne feront qu’alimenter son insatisfac­tion. Il pose des gestes incohérent­s. »

La leçon, ici, est qu’il est inutile de prendre des risques supplément­aires pour viser des gains superflus, à plus forte raison quand on est un investisse­ur prudent. En se fondant sur les dépenses déclarées de M. Poirier, Daniel Laverdière a calculé qu’il pourrait combler ses besoins avec ses rentes et des rendements de 3% sur son capital. En d’autres mots, s’il conservait un rythme de vie de 25000$ par année, sans jamais entamer son capital.

S’il voulait épuiser son bas de laine d’ici son 99e anniversai­re, M. Poirier pourrait dépenser 48000 $ par année, ce qui excède de loin le rythme de vie auquel s’est habitué notre lecteur. Dans les deux scénarios, Daniel Laverdière s’est appuyé sur une hypothèse d’inflation à 2%. Ces scénarios restent hypothétiq­ues. M. Poirier n’a pas pris la peine d’évaluer son coût de vie. Il n’a pas non plus défini ses objectifs de retraite, sinon celui de profiter de ses petits-enfants, d’où son faux-départ, il y a deux ans.

C’est là l’autre leçon: la préparatio­n de la retraite dépasse de loin la planificat­ion financière.

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Daniel Laverdière est directeur principal, Centre d’expertise, chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

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