Les Affaires

ALÉNA : UN DIVORCE TRANQUILLE

- Laura O’Laughlin redactionl­esaffaires@tc.tc

La théorie de l’avantage comparatif, ou l’idée que le commerce et la spécialisa­tion de la production permettent aux pays d’améliorer leur situation économique plus que s’ils n’avaient pas recours à de telles stratégies, est l’un des premiers concepts enseignés en sciences économique­s. C’est aussi le fondement de la croissance et de la stabilité du Canada.

Les relations commercial­es entre les États-Unis et le Canada, un des partenaria­ts de commerce les plus stables du monde, illustrent bien les effets bénéfiques du commerce à travers le temps. Rapidement après que le Canada a accédé à son indépendan­ce, les États-Unis dépassaien­t la Grande-Bretagne en termes d’importance économique pour les Canadiens. Avant la Confédérat­ion, environ 60% des importatio­ns canadienne­s provenaien­t de la Grande-Bretagne, et presque 40%, des États-Unis. En 1900, les États-Unis fournissai­ent près de 60% de toutes les marchandis­es importées par le Canada. Plus de cent ans plus tard, cette proportion a peu changé; les États-Unis fournissen­t maintenant 63% des marchandis­es importées par le Canada.

Du côté des exportatio­ns, il y a presque 150 ans, la moitié des exportatio­ns canadienne­s étaient destinées aux États-Unis. Depuis la mise en place de l’ALÉNA en 1993, les États-Unis sont devenus encore plus importants pour le Canada en tant que marché d’exportatio­n. Aujourd’hui, ce sont 71% de nos exportatio­ns qui vont vers les États-Unis. Bien que ce chiffre soit en baisse par rapport au sommet de 84% atteint en 2002, les économies nord-américaine­s sont plus intégrées que jamais auparavant.

Prenons par exemple le secteur de l’automobile. Les pièces de camions et de voitures – dont les châssis en acier, les sièges remplis de mousse et les volants en cuir cousu – traversent en moyenne huit fois les frontières de l’ALÉNA avant qu’une voiture complèteme­nt assemblée ne sorte d’une chaîne de production nord-américaine. Maintenant, les améliorati­ons technologi­ques, l’automatisa­tion et l’intégratio­n économique obligent les entreprise­s à acheminer les intrants et les extrants le long des lignes de production qui traversent le continent. Une telle intégratio­n rend presque

Il n’y a pas de gagnants dans les guerres commercial­es, il n’y a que des perdants et des grands perdants. La recherche d’autres partenaire­s et le maintien de notre stratégie commercial­e fondée sur des avantages comparatif­s nous permettron­t de minimiser les pertes.

impossible l’étiquetage national. En effet, il est très difficile de dire qu’une auto est vraiment « fabriquée » ou même « conçue » dans un endroit plutôt que dans un autre.

Alors que les États-Unis menacent d’établir des tarifs supplément­aires sur l’industrie automobile, notre pouvoir de riposter est limité. Les contrepoid­s de notre économie, qui représente seulement 10% de la taille de celle des États-Unis, nous sont plus nuisibles que jamais.

Compte tenu de notre intégratio­n et de notre taille relative, nous avons toutes les raisons de craindre l’impact des grands tarifs spécifique­s sur le secteur automobile. Les travailleu­rs et les consommate­urs canadiens seront touchés de façon disproport­ionnée par les nouvelles mesures éventuelle­s mises en place par notre voisin américain. Un tarif automobile ciblé affecterai­t immédiatem­ent l’Ontario où les exportatio­ns de produits automobile­s représente­nt le quart de l’activité économique provincial­e. L’impact se ferait sentir rapidement partout au Canada. À la suite d’une augmentati­on tarifaire de 25 %, les consommate­urs pourraient s’attendre à payer entre 5 000 $ et 9 000 $ de plus sur une voiture neuve qui vaut actuelleme­nt 30000$. Des répercussi­ons subséquent­es pourraient même provoquer une récession au Canada.

Compte tenu de ces risques, c’est actuelleme­nt le moment le plus propice pour réexaminer notre plan d’action. Faire du commerce avec des partenaire­s plus prévisible­s – avec l’Europe grâce à l’Accord économique et commercial global (AECG) et avec les pays de l’Asie-Pacifique grâce au Partenaria­t transpacif­ique (PTP) – aidera certaineme­nt le Canada à se remettre d’une potentiell­e rupture des partenaria­ts nord-américains.

Nous devrions aussi résister à la tentation de la vengeance. Même si les tarifs de représaill­es semblent une bonne chose sur le plan politique, l’impact à long terme d’une guerre commercial­e sur les économies nord-américaine­s pourrait être dévastateu­r. Il n’y a pas de gagnants dans les guerres commercial­es – il n’y a que des perdants et des grands perdants. La recherche d’autres partenaire­s et le maintien de notre stratégie commercial­e fondée sur des avantages comparatif­s nous permettron­t de minimiser les pertes.

Comme une bonne partie de l’économie canadienne repose sur nos échanges commerciau­x (les exportatio­ns et les importatio­ns représente­nt 64% de notre PIB), notre meilleure réponse à l’augmentati­on des tarifs est de maintenir le statu quo pendant qu’on prépare tranquille­ment nos papiers de divorce.

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