Les Affaires

IL Y A DE L’OR DANS NOS DÉCHETS

- Alain McKenna redactionl­esaffaires@tc.tc

L’économie de marché peut-elle sauver la planète ? Oui, répond d’emblée l’Alliance canadienne pour l’innovation dans le secteur des sables bitumineux (COSIA), qui pense qu’en démontrant le potentiel du gaz carbonique comme matériau de base pour une foule de produits industriel­s, commerciau­x et grand public, elle réglera le problème de la pollution atmosphéri­que.

Exploiter les sables bitumineux pour leur contenu énergétiqu­e est une activité polluante. La plus polluante au pays, en fait. L’Alberta est au courant du problème depuis longtemps, et les entreprise­s impliquées dans cette exploitati­on investisse­nt depuis 20 ans dans la capture et la séquestrat­ion du carbone afin de l’empêcher de se répandre dans l’atmosphère. Si la capture ne semble pas trop poser problème, trouver un endroit où le stocker indéfinime­nt, lui, embête cependant depuis le début.

Doté d’une bourse de 20 millions de dollars qui sera remise à la technologi­e jugée la plus prometteus­e pour régler ce problème, le Carbon X Prize, créé en 2015 par la COSIA, s’attaque à la question sous un autre angle. « Nous comptons réduire les émissions de CO en les transforma­nt

2 en divers matériaux qui seront à la fois utiles, abordables et durables », assure le Dr Marcius Extavour, qui supervise ce X Prize.

La solution au problème ? Faire du problème… la solution

Le printemps dernier, la Fondation X Prize, conjointem­ent avec la COSIA et la société énergétiqu­e américaine NRG Energy, a dévoilé les dix projets qui lutteront pour cette bourse, qui sera octroyée au printemps 2020. « Ces projets sont des exemples étonnants d’une conversion du carbone qui transforme complèteme­nt notre relation avec ce dernier », poursuit le Dr Extavour. « La diversité de ces technologi­es est une vision inspirante d’une nouvelle économie du carbone. »

L’Alberta n’est pas la seule à vouloir transforme­r nos déchets en un nouvel or brun. En regroupant des gens d’affaires, des entreprene­urs et des chercheurs canadiens de divers horizons profession­nels, l’Université d’Ottawa a créé l’Institut pour l’Intelli-Prospérité le printemps dernier. Ancienneme­nt connu comme l’Institut pour la Prospérité durable, l’organisme a revu son mandat afin de « mettre à profit les nouvelles idées pour accélérer la transition du Canada vers une économie plus forte et plus propre ».

Cet institut s’appuie sur une étude du Forum économique mondial, qui prévoit que le marché encore tout jeune des technologi­es propres atteindra une valeur de 2 500 milliards de dollars d’ici 5 ans, plus d’une fois et demie le PIB du Canada. « C’est maintenant que le Canada doit agir s’il compte prospérer », explique Dominic Barton, directeur général internatio­nal de McKinsey & Company et membre de l’Institut Intelli-Prospérité. « Le Canada n’a jamais eu une telle occasion de se positionne­r comme leader mondial. »

Carburer au CO pour croître

2 Le Canada compte actuelleme­nt 55 000 emplois liés au secteur des technologi­es propres. C’est beaucoup, mais en même temps, c’est bien peu, car dans la plupart des cas, il s’agit de travailleu­rs de petites entreprise­s à un stade crucial de leur développem­ent. C’est le cas de Carbon Engineerin­g, une jeune pousse qui a mis au point un procédé qui récupère le gaz carbonique dans l’air, et le combine notamment à de l’hydrogène afin de produire du carburant pour les véhicules routiers et les avions.

Carbon Engineerin­g est peu connue au Canada, mais elle a déjà attiré l’oeil du richissime Bill Gates et d’autres investisse­urs étrangers. Jean-François Béland, vice-président de Carbon Engineerin­g, souhaitera­it sans doute plus de reconnaiss­ance au pays. « Nous sommes au bord de la vallée de la Mort », dit-il, pour illustrer son statut financier précaire.

Pour devenir une réussite commercial­e, Carbon Engineerin­g aura besoin des bons investisse­ments rapidement. Un investisse­ment qui fait défaut, actuelleme­nt, au pays. Le fédéral a accru de 2 G$ le budget d’organismes comme la Banque de développem­ent du Canada plus tôt cette année, mais c’est bien peu, jugent les experts.

« Il faudra prendre des décisions axées sur le long terme pour attirer plus de capital privé pour faire croître des technologi­es propres canadienne­s prêtes à se mesurer aux meneurs mondiaux. Car les concurrent­s du Canada s’organisent pour capter d’importante­s parts du marché des technologi­es, des ressources et des produits propres. Nous devons suivre au même rythme et saisir cette occasion avant qu’elle ne nous échappe », résume l’Institut pour l’Intelli-Prospérité.

En un mot donc, il faut cesser de traiter le CO comme une émission polluante. Pour les

2 entreprise­s du secteur des technologi­es propres, il s’agit plutôt d’une ressource vitale pour croître et assurer leur succès tant commercial qu’environnem­ental pour le siècle à venir.

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Carbon Engineerin­g a mis au point un procédé qui récupère le gaz carbonique dans l’air, et le combine, notamment à de l’hydrogène, afin de produire du carburant pour les véhicules routiers et les avions.

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