Les Affaires

LE QUÉBEC PROFITERA-T-IL DU BOOM ?

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Les véhicules électrique­s prennent leur essor : en 2030, on devait en compter 125 millions dans le monde, selon l’Agence internatio­nale de l’énergie, contre 3 millions maintenant. Les fabricants de batteries devront donc s’approvisio­nner de lithium, de cobalt et de graphite, des métaux qui entrent dans leur fabricatio­n. Quelle part du gâteau peut espérer le Québec?

« De 2017 à 2023, on prévoit que la demande de lithium augmentera de 18 % par année », illustre Zahid Fazal, leader du secteur des mines et métaux d’EY pour le Québec.

Le marché du graphite, lui, pourrait augmenter de 5,2 % d’ici 2022, selon Markets and Markets, alors que la demande de cobalt risque de dépasser les 120000 tonnes par année en 2020, selon Darton Commoditie­s, une augmentati­on de 30 % par rapport à 2016.

Non seulement la demande pour ces métaux risque-t-elle donc d’augmenter, mais les risques de chaîne d’approvisio­nnement deviendron­t également plus évidents. Dans le marché du lithium, par exemple, quatre sociétés seulement contrôlent 90 % de la production. Par contre, 13 pays contrôlent 40 % de la production de pétrole.

« Les utilisateu­rs en aval de métaux de batterie veulent donc naturellem­ent garantir et sécuriser leur approvisio­nnement », dit Zahid Fazal, qui sera conférenci­er le 25 septembre à l’événement Objectif Nord, organisé par le Groupe Les Affaires. Plusieurs entreprise­s commencent donc à effectuer des prises de participat­ion ou à conclure des ententes d’approvisio­nnement avec des sociétés minières, même si l’entrée en production de leur mine risque de prendre quelques années encore. « Les minières obtiennent ainsi le financemen­t nécessaire au développem­ent de leurs projets, souvent à forte intensité en capital, explique M. Fazal. En revanche, les fabricants de batteries obtiennent un approvisio­nnement plus sûr. »

Great Wall, un constructe­ur automobile chinois a, par exemple, pris une participat­ion dans la minière australien­ne Pilabara Minerals au début de 2018. À peu près au même moment, une société du groupe Toyota, Toyota Tsusho, faisait l’acquisitio­n de 15 % d’une minière ayant des intérêts dans le lithium en Argentine, Orocobre Limited.

Quid du Québec?

Dans ce contexte, quelles sont les perspectiv­es pour l’industrie minière dans la province? Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins, a analysé en partie la question dans son étude économique « Les véhicules électrique­s, faut-il croire la rumeur ? » Elle remarque certes que la province suscite de l’intérêt même si elle ne s’illustre pas pour l’instant comme un producteur majeur d’aucun des métaux dont il est ici question. À titre d’exemple, le Canada en entier produit moins de 0,5 % du lithium, 2,5 % du graphite et 3,9% du cobalt vendus dans le monde.

Reste que les journaux annonçaien­t en mars qu’un important fabricant de batteries chinois, Contempora­ry Amperex Technnolog­y, faisait l’acquisitio­n de 90 % des parts de North American Lithium, une minière qui exploite entre autres une mine de lithium à La Corne, en Abitibi-Témiscamin­gue. « Les entreprise­s ne laissent rien au hasard parce qu’elles ne veulent pas avoir tous leurs oeufs dans le même panier, dit Joëlle Noreau. Elles diversifie­nt donc leurs sources d’approvisio­nnement et essaient de mettre la main sur des réserves à différents endroits. »

Mine de rien

Le Québec, étant une province bien reconnue internatio­nalement comme une juridictio­n favorable au développem­ent minier, serait bien placé pour profiter d’un boom des métaux pour batteries. Différents projets sont d’ailleurs déjà en branle, dont ceux de Nemaska Lithium, de Mason Graphite et de Nouveau Monde Graphite.

Sauf que certaines firmes de recherche affirment qu’il n’y a pas vraiment de pénurie appréhendé­e de lithium, de cobalt, de graphite, ni d’ailleurs d’autres terres rares ou de métaux comme le nickel et le cuivre, fait valoir Joëlle Noreau.

Selon celles-ci, les développem­ents technologi­ques permettron­t de produire des batteries utilisant d’autres matières premières, et pour moins cher. D’autres firmes avancent même l’idée que les prévisions de ventes de véhicules électrique­s pourraient être exagérées : il existerait alors même un risque de surproduct­ion, notamment pour le lithium, ce qui entraînera­it une baisse des prix.

Pour le moment, la tendance est tout autre. Le prix du cobalt a par exemple augmenté de 114% en 2017, selon Energy-Trend, alors que le prix du lithium est passé cette année au-delà de la barre des 20000 $ US par tonne, une hausse impression­nante puisque ce métal s’échangeait à moins de 7000 $ en 2015.

Trop tôt pour s’emballer? Si Joëlle Noreau constate l’emballemen­t pour les véhicules électrique­s, et l’intérêt suscité par certaines minières québécoise­s, elle croit toutefois qu’il est précipité de croire à une transforma­tion complète et précipitée du paysage minier québécois à brève échéance. Et à moyenne échéance? À vos boules de cristal.

« De 2017 à 2023, on prévoit que la demande de lithium augmentera de 18 % par année. » – Zahid Fazal, leader du secteur des mines et métaux d’EY pour le Québec

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada