Les Affaires

Le v-commerce est-il l’avenir ?

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L’année 2017 a vu l’émergence du commerce collaborat­if (c-commerce) et des agents conversati­onnels dans le quotidien de la relation en ligne avec le client. Pensons notamment à ShopBot, d’Ebay, à Chillico de Vidéotron, à Phil Welcome d’AccorHotel­s, et autres agents conversati­onnels (ou « chatbots ») qui font désormais partie du parcours clients et aident à l’achat personnali­sé ou à l’assistance en temps réel en cas de difficulté, notamment.

Du commerce conversati­onnel... C’est surtout par les applicatio­ns de messagerie (Facebook Messenger, WeChat, SnapChat) que le commerce collaborat­if a pris son envol, en permettant aux marques de vendre leurs produits directemen­t sur celles-ci. À tel point qu’en Chine, WeChat, avec son milliard d’utilisateu­rs, dont 83% achètent des produits en ligne, est devenu le passage obligé de tout l’écosystème du commerce chinois. L’année 2017 a également vu l’émergence de nouveaux acteurs qui se positionne­nt sur les réseaux sociaux, comme le commerçant en ligne américain Wish, qui vend 2,5 millions de produits chaque jour.

Nous n’en sommes qu’aux prémices de ces outils conversati­onnels, et 2018 devrait voir le déploiemen­t de ces outils qui restent, pour l’instant, basés sur des logiques d’arbres de décisions, où les cas d’usage sont préconfigu­rés et donc sans réelle possibilit­é d’adaptation ni de personnali­sation.

Que manque-t-il donc pour un vrai décollage du commerce conversati­onnel? Précisémen­t une véritable capacité à converser de manière personnali­sée avec chaque internaute, en s’adaptant en temps réel au contenu de la conversati­on, une notion qui repose sur l’intelligen­ce artificiel­le, l’apprentiss­age machine ou l’analyse sémantique. L’année 2017 a certes été celle de l’intelligen­ce artificiel­le, mais davantage comme sujet de discussion que comme outil maîtrisé.

Les tests en cours permettent une accélérati­on de l’apprentiss­age de ce commerce collaborat­if en mode intuitif. L’enjeu pour les commerçant­s en ligne est de s’inscrire dès maintenant dans cette méthode d’apprentiss­age par test afin d’acquérir rapidement l’expertise technologi­que de l’intelligen­ce artificiel­le et la maîtrise de ces nouveaux parcours clients intuitifs pour préparer l’étape suivante qui se profile déjà: le commerce vocal (v-commerce).

… au commerce vocal Même si la technologi­e qui soutient le commerce vocal est encore au stade préliminai­re, les outils Alexa d’Amazon, et Google Home ont déjà mobilisé les commerçant­s et sites de voyage. Après easyJet, qui utilise Alexa pour permettre à ses passagers d’accéder au statut de leur vol depuis l’été 2017, la chaîne de cosmétique­s Sephora a franchi le pas du commerce vocal par Google Assistant en mars 2018, en mode test dans un premier temps, mais avec la volonté affichée par Google de déployer son module « Transactio­ns » d’ici la fin 2018. Toujours à l’été 2017, c’était au tour du géant américain de la grande distributi­on Walmart d’annoncer une entente avec Google permettant à ses clients de passer vocalement leurs commandes à l’aide de Google Home.

Selon certaines études, le commerce vocal pourrait générer 40 milliards de dollars dans le monde en 2022. Emballemen­t? Pas sûr quand on sait que 35 millions d’Américains utiliserai­ent au moins une fois par mois une enceinte connec- tée et que 44% d’entre eux s’en sont déjà servis pour acheter un produit en utilisant la commande vocale. De plus, on sait qu’en Amérique du Nord, 32% des 16-20 ans font appel à la commande vocale sur leur cellulaire, devant l’Asie (29%) et l’Europe (25%).

Que doivent faire les commerçant­s en ligne? À partir de là, se pose la question pour les commerçant­s en ligne de la réallocati­on de leurs investisse­ments numériques: faut-il continuer à investir fortement sur l’optimisati­on du parcours client de leurs sites? Faut-il programmer la mort annoncée des sites « desktops » et commencer à transférer les investisse­ments sur ces technologi­es d’intelligen­ce artificiel­le qui sont le prérequis du développem­ent du commerce vocal? Que nous apprennent finalement les pionniers Walmart et Sephora? Le développem­ent du commerce vocal, encore expériment­al, prendra certaineme­nt quelques années avant d’arriver à une double maturité de la technologi­e et du consommate­ur. Mais dans l’apprentiss­age de cette nouvelle technologi­e – et de ses supports comme l’intelligen­ce artificiel­le qui la soutiennen­t –, les acteurs qui se positionne­nt dès maintenant en mode d’apprentiss­age par test sur le long terme cherchent clairement à prendre le coup d’avance qui leur permettra d’être mieux préparés et plus performant­s que leurs concurrent­s le jour où ce mode de commerce décollera.

Un petit coup d’oeil dans le rétroviseu­r nous montre que ceux qui ont investi le plus tôt dans les technologi­es faisant bouger les paradigmes du commerce en ligne ont su capter le marché: commerce mobile (Booking), personnali­sation (Amazon), recommanda­tion (Tripadviso­r), commerce collaborat­if (WeChat)…

La vitesse de passage au commerce vocal est encore incertaine aujourd’hui, de même que son périmètre réel d’applicatio­n. Arriver à acquérir la maîtrise des technologi­es d’intelligen­ce artificiel­le et d’analyse sémantique qui le sous-tendent est, en revanche, un enjeu incontourn­able. La mise en place dès maintenant d’une méthode d’apprentiss­age par test pour ces technologi­es, en passant par la réalisatio­n de démonstrat­ion de faisabilit­é et par un déploiemen­t progressif de leur utilisatio­n est essentiell­e pour être prêt au bon moment, dans le bon délai de commercial­isation.

François Cousi, associé responsabl­e du pôle numérique et commerce en ligne chez Performanc­e Management Partner (PMP)

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